REVUE DE PRESSE ET TRIBUNES LIBRES !
Cierges et ministres
« La séquence macronienne aura au moins permis aux Français de communier dans deux choses, la détestation du président de la République et l’amère conscience de notre irrémédiable déclin : 72% des Français en sont convaincus. »
Par Philippe Mesnard.
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
Si Jean-Louis Thiériot, député Les Républicains devenait ministre des Anciens combattants, ce serait son suppléant Horizons, Michel Gonord, qui le remplacerait à L’Assemblée nationale et les LR perdraient donc un siège.
Quant aux Personnes en situation de handicap, on savait que la députée Horizons Charlotte Parmentier-Lecocq était bien placée : le parti d’Edouard Philippe allait donc gagner une voix au gouvernement et une autre au Parlement, ce qui constituerait sans nul doute un rééquilibrage significatif du bloc centriste et serait pour lui avantage décisif pour 2027.
On mesure là à quel point l’intérêt général est la seule préoccupation de nos parlementaires et que tous leurs discours sur la nécessité de se mettre au travail dans un esprit d’union nationale débouchent en effet sur des chantiers d’importance.
Pendant ce temps, le ministre des Comptes publics et du Budget, Laurent Saint-Martin, annonçait devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale : « la situation de nos finances publiques est grave, et je n’irai pas par quatre chemins : en 2024, le déficit public risque de dépasser les 6% du PIB, selon les dernières estimations dont nous disposons.
» Voilà : en France, en septembre 2024, le ministre des Comptes publics et du Budget dispose d’estimations qui lui permettent d’infirmer ce que Bruno Le Maire soutenait encore il n’y a pas un mois, que le déficit s’établirait à 5,1%.
L’État est capable de me ponctionner au centime près ses impôts à la source (c’est sans doute ça, la souveraineté du peuple, être cette source) mais ne sait pas à combien de milliards d’euros ses propres finances dérapent.
Le même Le Maire nous annonçait fièrement qu’il était certain que le déficit serait de 3% en 2027.
La flèche Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, l’a donc remercié chaleureusement, a salué son action et affirmé qu’il « mesurait la chance d’hériter d’un tel bilan ».
Nous aussi nous mesurons notre chance.
Le gouvernement Barnier va bientôt nous permettre, d’ailleurs, de la mesurer très exactement et très fiscalement.
C’est bien simple, la chance des Français est inversement proportionnelle au taux de prélèvements obligatoires.
Selon l’Insee, citant une source Eurostat du 18 juin 2024 (heureux anniversaire !), il était de 48% en 2022, soit le plus fort en Europe.
72 % des Français en sont convaincus
Mais pourquoi nous inquiéter ?
La seule grave affaire qui méritait toutes les attentions était de savoir qui deviendrait ministre délégué aux Armées et anciens combattants en remplacement du secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire.
Pour le reste, Michel Barnier a déjà envoyé tous les bons signaux : il a créé une ministre déléguée chargée de la Coordination gouvernementale qui permettra de « surmonte les multiples silos gouvernementaux et administratifs dont l’étanchéité et la complexité pourrissent la vie des Français et bloquent le pays » comme l’explique l’entourage du Premier ministre, qui a l’air très au fait de ce qui nous pourrit la vie mais a découvert que Bruno Le Maire mentait comme un arracheur de dents et qu’être piloté par l’Élysée est l’assurance de l’échec.
Il paraît qu’au premier Conseil des ministres du gouvernement Barnier les participants ont frémi quand Emmanuel Macron leur a dit « Je serai là pour vous aider à réussir ».
C’est ainsi : nous mourrons à petit feu pour permettre aux vieux militants RPR de se recaser en coordinateurs, aux petits marquis trentenaires macronistes de se recaser dans les agences de com’, qui déplorent d’ailleurs leurs exigences salariales disproportionnées au regard de leur courte expérience et de leur médiocre formation, et à Macron d’aller exiger à l’ONU des cessez-le-feu que les belligérants ne font même pas mine d’écouter.
La séquence macronienne aura au moins permis aux Français de communier dans deux choses, la détestation du président de la République et l’amère conscience de notre irrémédiable déclin : 72% des Français en sont convaincus.
C’est pour cela que j’ai été heureux de lire dans Les Échos que la Ciergerie Notre Dame de France, au Puy-en-Velay, avait rapatrié en France la production des bougies de neuvaine, qui affiche « une progression à deux chiffres depuis plusieurs années ».
C’est bien sûr un bel exemple de réindustrialisation et je suis certain qu’Emmanuel et Bruno auraient été heureux de saluer le succès de leurs efforts.
Mais peut-être savoir que les Français multiplient depuis des années les neuvaines pour implorer le Ciel de les débarrasser des fléaux du macronisme, de la déchéance et de la guerre civile a tempéré leur inclination à communiquer ?
■ PHILIPPE MESNARD
Article précédemment paru dans Politique magazine.
ET AUSSI
Barnier à l’Assemblée : « Rupture en pointillé » dit l’éditorial plutôt bon de Vincent Trémolet de Villers dans le Figaro de ce matin.
COMMENTAIRE – Nous ne croyons pas un redressement de la France possible en République. Pour toutes sortes de raisons qui tiennent à son caractère, à son idéologie, à ses dépendances intérieures et extérieures, à la mécanique des partis, à la composition de l’Assemblée, à la présence d’Emmanuel Macron continuant d’exercer ce qu’il reste de la fonction présidentielle, en raison encore de la composition de l’Assemblée, du pouvoir des juges, etc. la droite, de retour « aux affaires », sera bien, selon nous, parfaitement « émolliente ». Ceux qui y auront cru seront une fois de plus décus. Ce n’est pas grave. Ils en ont l’habitude. Ce qui est bien plus grave c’est que la France continuera de s’enfoncer. JSF
Par Vincent Trémolet de Villers.
« Si ce discours annonce une nouvelle diagonale du flou, au soulagement encore présent d’avoir échappé à une gauche dangereuse succédera inévitablement la déception d’avoir cru à une droite émolliente. «
Les temps sont durs, nous a dit le premier ministre, et, citant de Gaulle : « Je vous demande de faire beaucoup avec peu. » Michel Barnier, dans son discours de politique générale, a renversé la proposition : il a dit beaucoup, mais le risque existe qu’on en retienne peu.
L’ancien commissaire européen a préféré à l’éloquence churchillienne la prudence bruxelloise : pas d’effets de tribune, pas d’élans lyriques, mais, sous les cris insupportables de la gauche débraillée, un mélange de formules passe-partout, comme « renforcer la transparence », d’annonces prudentes, comme la fusion de France Stratégie et du haut-commissariat au Plan, de propositions lénifiantes, comme la « journée annuelle de consultation citoyenne »
. L’évocation d’une possible suppression des ZAN, de la prolongation de la rétention des OQTF, du durcissement de la justice des mineurs ou de l’exécution réelle des peines de prison a fort heureusement relevé l’ensemble.
Reste que ceux qui attendaient la rupture ici et maintenant n’en ont pas pour leur argent. Sauf les plus riches et les entreprises, punies d’êtres performantes.
Ils subiront donc sous un premier ministre de droite le rétablissement d’une logique fiscale dont Emmanuel Macron s’était dégagé.
Quant aux économies, elles sont pour le moment introuvables. À force de vouloir penser contre soi-même, on finit par gouverner contre son camp.
Si le discours s’est ouvert sur un hommage à Philippine, il aura fallu attendre plus d’une heure pour que les questions de sécurité, de justice, d’immigration, qui ont mené à cette mort épouvantable, soient évoquées.
On retrouvait çà et là les propositions de Bruno Retailleau, mais comme assourdies.
Enfin, pourquoi ajouter aux mille motifs de division la relance du débat sur l’euthanasie ?
Une question demeure : cette anesthésie (de politique) générale avait-elle pour objectif d’endormir le patient pour mieux le soigner ?
Dans ce cas, on sacrifie volontiers le plaisir des mots à l’efficacité du travail chirurgical.
Si, en revanche, ce discours annonce une nouvelle diagonale du flou, au soulagement encore présent d’avoir échappé à une gauche dangereuse succédera inévitablement la déception d’avoir cru à une droite émolliente. ■
VINCENT TRÉMOLET DE VILLERS
Source et Publications : https://www.jesuisfrancais.blog/2024/10/02/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire