Michel Aubouin est un haut fonctionnaire français, préfet et essayiste, reconnu pour ses travaux sur l’administration des territoires et les violences urbaines.
Sa carrière au ministère de l’Intérieur a été marquée par des postes clés, tels que directeur d’administration centrale, préfet, et inspecteur général de l’administration.
Il a également occupé le poste de secrétaire général de la préfecture de l’Essonne et de chef de la direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté (DAIC) entre 2009 et 2013.
Administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna de 2013 à 2014, il a ensuite remis un audit à Manuel Valls sur les politiques publiques à Grigny en 2016.
En tant qu’écrivain, Michel Aubouin a publié plusieurs ouvrages, dont 40 ans dans les cités en 2019, qui témoigne de son expérience sur le terrain.
Il est également l’auteur d’ouvrages historiques et littéraires, notamment une Histoire de la police coécrite avec Jean Tulard, et des biographies de figures emblématiques telles que Brissot et Madame de Staël.
Ses travaux allient réflexions sur la sécurité intérieure, l’administration territoriale et la question de l’identité française, comme en témoigne son livre Le Défi d’être français publié en 2023.
Il interviendra au forum de la Dissidence, à Paris, et c’est dans ce contexte que nous l’avons interrogé au sujet de son intervention à venir sur Les dépenses nuisibles des politiques de la ville et du logement.
Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
Michel Aubouin : Je suis un fils d’ouvrier, ayant grandi dans une cité HLM, qui, grâce à la promotion républicaine, a réussi à devenir préfet, directeur d’administration centrale et inspecteur général de l’administration.
J’ai quitté le ministère de l’intérieur en 2019 pour publier mon premier livre sur les banlieues : « Quarante ans dans les cités ».
Breizh-info.com : Quel bilan tirez-vous des politiques de la ville en France sur les dernières décennies ?
Ont-elles permis une véritable amélioration des conditions de vie dans les zones concernées ?
Michel Aubouin : La politique de la ville est un OVNI politico-administratif. Personne ne sait dire exactement à quoi elle sert. Et pourtant elle coûte entre 5 et 600 millions par an. Pour autant, certains des actions qu’elle finance, en particulier en direction des jeunes, peut avoir des effets bénéfiques.
La politique de la rénovation urbaine qui lui est associée répond à un besoin concret : rénover des immeubles HLM mal entretenus par leurs propriétaires.
Breizh-info.com : Pensez-vous que l’augmentation continue des budgets alloués aux politiques de la ville a un impact tangible ? Où se situent les principales failles de ces politiques ?
Michel Aubouin : Une politique publique n’est utile que si son objet est défini et qu’elle peut être évaluée. Rien de tel en politique de la ville.
Depuis la loi Lamy de 2014, elle repose sur le seul indice (très relatif) de la pauvreté, mais rien, dans sa mise en oeuvre, ne permet de lutter contre cette pauvreté. A l’inverse, alors que les Français sont inquiets de la dérive des quartiers vus sous l’angle du crime et du désordre, la politique de la ville ne prend pas en compte l’item « sécurité ».
Breizh-info.com : Les zones prioritaires et les contrats de ville, qui mobilisent des fonds importants, sont-ils efficaces pour réduire les inégalités territoriales ?
En tant qu’ancien préfet, avez-vous observé des exemples concrets de dépenses inutiles ou excessives dans les politiques de la ville ?
Michel Aubouin : La question des inégalités territoriales est très floue.
S’il s’agit d’équilibrer les écarts de recette entre les communes riches et les communes pauvres, il existe un autre outil, qui s’appelle la Dotation de solidarité urbaine (2,8 milliards d’euros en 2024).
S’il s’agit de mieux répartir les HLM dans toute la France, pourquoi a-t’on laissé les communes de Seine-Saint-Denis continuer leur politique de concentration de l’habitat social ?
Breizh-info.com : La politique de la ville a-t-elle permis de réduire la violence et les difficultés socio-économiques dans les quartiers dits « sensibles », ou bien constatez-vous une situation inchangée, voire aggravée ?
Michel Aubouin : Les émeutes de 2023 suffisent à illustrer l’échec de cette politique. La situation des quartiers de la « politique de la ville », sous l’angle de la violence, s’est fortement dégradée.
Breizh-info.com : Pensez-vous que certaines subventions bénéficient davantage à des structures administratives qu’aux résidents de ces quartiers eux-mêmes ?
Estimez-vous que les subventions versées aux associations dans les quartiers prioritaires sont toujours bien investies ?
Quels types d’associations devraient être priorisés ou réévalués ?
Michel Aubouin : La politique de la ville a généré un « éco-système » qui emploie des dizaines de milliers de personne.
Une partie d’entre eux n’est affectée qu’à la gestion administrative des « contrats ». Les inspections de terrain ont pour l’essentiel disparu.
Tous les contrôles sont effectuées à partir de déclaration.
Breizh-info.com : Comment améliorer la transparence dans l’utilisation de ces fonds publics et s’assurer qu’ils profitent directement aux populations locales ?
Michel Aubouin : En recréant un corps de contrôle ou d’inspection chargé, comme cela se pratiquait jadis, de vérifications « in situ », de préférence inopinées.
Breizh-info.com : Voyez-vous un décalage entre les objectifs des politiques de logement et les résultats sur le terrain ? Que recommanderiez-vous pour améliorer leur efficacité ?
Michel Aubouin : Je pense qu’il faut abandonner la politique de la ville et repenser une politique qui réponde aux besoins des quartiers : lutte contre le crime organisé, encadrement des collégiens déscolarisés, accompagnement des familles en grande difficulté, politique active d’enseignement du français, obligation pour les clubs sportifs subventionnés de proposer des activités dans les quartiers (de préférence gratuites)…
Breizh-info.com : Existe-t-il des alternatives aux politiques actuelles de la ville qui pourraient être moins coûteuses et plus efficaces ?
Michel Aubouin : Ce qui est le plus coûteux, c’est l’écosystème administratif : agence, préfet délégué à l’égalité des chances, organismes de conseil… De mon point de vue, il serait plus simple de décentraliser la gestion des crédits et de l’attribuer aux communes.
Breizh-info.com : Les dépenses de sécurité dans les politiques de la ville sont-elles à la hauteur des besoins ? Faut-il investir davantage dans ce domaine pour restaurer un cadre de vie sécurisé dans certains quartiers ? `
Quelles pistes proposez-vous pour réduire les tensions sociales dans les quartiers tout en limitant les dépenses ?
Michel Aubouin : La France a laissé se développer, depuis près de cinquante ans, une « culture de quartier » ancré dans l’immobilisme et l’enferment des populations. Cette culture nourrit désormais une forme de haine de la France qui se traduit par les émeutes récurrentes et coûteuses (1 milliards de dégât en 2023). Il faut rompre avec cette logique et arrêter de multiplier les quartiers HLM.
Breizh-info.com : Si vous aviez carte blanche, quelles seraient les premières actions que vous entreprendriez pour réformer ces politiques coûteuses et inefficaces ?
Michel Aubouin : Je remplacerais la politique de la ville par un catalogue de mesures concrètes, que l’Etat pourrait financer sous réserve d’une évaluation sur place.
Et j’édicterais, à l’égard du monde associatif des obligations légales : mixité des animations, obligation d’utiliser la langue française, choix des repas…
Propos recueillis par YV
Pour s’inscrire au forum de la Dissidence c’est ici
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire