Dans son livre Roazhon Bac, Samuel Nohra, journaliste à Ouest France mais surtout spécialiste chevronné des questions de sécurité dans la capitale administrative bretonne – et cela depuis des années – propose une immersion fascinante dans le quotidien des hommes et femmes de la brigade anti-criminalité (BAC) de Rennes.
Ces agents en civil, souvent les premiers sur les lieux d’intervention, sont redoutés par les dealers, trafiquants et autres délinquants de la ville.
À travers des récits détaillés et des témoignages poignants, l’auteur lève le voile sur les motivations, les doutes et les défis auxquels ces policiers sont confrontés au quotidien.
Ce livre explore les missions variées de la BAC, du flagrant délit à la lutte contre les trafics de stupéfiants, tout en questionnant leur image parfois controversée : cow-boys hors-la-loi ou véritables protecteurs de l’ordre ?
En suivant ces forces de l’ordre pendant plusieurs mois, Samuel Nohra offre un éclairage rare sur les réalités du terrain, loin des clichés, dans une ville en proie à une insécurité croissante.
Roazhon Bac dresse ainsi un portrait nuancé de ces chasseurs de délinquants urbains, souvent sous pression mais indispensables à la sécurité publique.
Le livre est à commander aux éditions Ouest-France. Pour en parler, nous avons interviewé Samuel Nohra.
Samuel Nohra : Je suis journaliste à Ouest-France depuis 1996 et à la locale de Rennes depuis 2006. Je m’occupe aujourd’hui des faits divers et de la santé après avoir, entre 2006 et 2012, été au pôle éco et au pôle ville.
Breizh-info.com : Vous écrivez depuis des années sur Rennes, et notamment sur ce que l’on appelle « les faits divers » et de facto, vous êtes en contact avec les services de police nationale de la métropole.
Ecrire Roazhon Bac, c’était donc comme une évidence ?
Samuel Nohra : Non ce n’était pas vraiment une évidence.
Lorsque vous êtes amené à rencontrer des personnes des dizaines de fois au fil des années, un lien de confiance s’établit et j’ai été amené à m’intéresser aux policiers de la Bac.
L’idée d’un livre a germé tout doucement avec un fil conducteur : qui sont-ils vraiment ?
Ça m’intéressait d’autant que la Bac est auréolée d’une réputation de cow-boys, de durs à cuire.
Il y a aussi beaucoup de légendes et d’aprioris sur la Bac.
Alors pourquoi pas creuser le sujet…
Breizh-info.com : Comment avez-vous fait pour instaurer ce rapport de confiance, entre un journaliste et des policiers, rapport pourtant souvent très compliqué ?
Samuel Nohra : Lorsque l’on s’occupe des faits divers, on passe une grande partie de notre temps dehors.
Bien sûr pour couvrir les faits divers mais aussi pour faire ce que l’on appelle du réseau.
Ça peut être sous forme de reportages, d’immersions, interviews, portraits…
Aussi passer du temps simplement à se parler, à apprendre à se connaitre au-delà de nos fonctions réciproques.
Dans le journalisme en général, et je dirais encore plus dans le fait-divers, la confiance est essentielle.
Elle est à la base de notre travail. Bien sûr que théoriquement, les policiers, à part les officiers habilités, n’ont pas à nous parler.
Mais dans la vraie vie, c’est une autre histoire.
Breizh-info.com : Parlez-nous de la BAC de Rennes : comment est-elle composée ?
Quelles sont ses missions principales (sans spoiler votre livre) ?
Samuel Nohra : Ils sont une quarantaine de fonctionnaires, dont une femme.
Deux bacs de jour et deux de nuits.
Leur cœur de mission reste le flagrant délit même s’ils consacrent, aujourd’hui, aussi beaucoup de temps dans la lutte contre les trafics de stupéfiants.
Eux-mêmes se qualifient aussi de « couteau suisse » de la police.
Présents sur les manifestations, pour escorter un ministre en visite à Rennes ou à sécuriser les abords du Roazhon Park lors des matchs à domicile.
Breizh-info.com : Spécialiste de la vie rennaise, vous avez, comme nous, constaté l’explosion de la violence au quotidien à Rennes (malgré un certain aveuglement public des autorités), du trafic et de la consommation de drogue, etc.
Quel regard personnel et de connaisseur portez vous sur ces changements profonds ?
Comment les agents de la Bac de Rennes vivent-ils cela ?
Ont-ils le sentiment d’être en première ligne d’une guerre urbaine ?
Samuel Nohra : L’actualité de ces derniers mois est assez évocatrice avec une multiplication des fusillades, des agressions à coups de couteau…
La physionomie des points de deal a changé.
Ses acteurs ne sont plus « les gars du quartier qui aidaient mamie à monter les courses » mais des intérimaires venus des quatre coins de la France et aussi des mineurs étrangers qui n’hésitent pas à recourir à la violence et à terroriser les habitants.
En fait, avec quelques années de retard, Rennes vit ce qu’a connu Marseille, Nantes…
Quant aux policiers de la Bac, ils s’adaptent avec, comme beaucoup me l’on dit, l’impression d’essayer de vider l’océan à la petite cuillère.
Mais pas question pour eux de baisser les bras ni de s’occuper des suites judiciaires. Ils sont là pour harceler les dealers et continuent.
Breizh-info.com : Avec un quotidien où la violence semble en hausse, quel impact cela a-t-il sur leur vie privée ?
Ressentent-ils de la peur, de l’épuisement ou une usure psychologique ?
Samuel Nohra : Aucun d’eux ne vit à Rennes notamment pour protéger leur vie privée et leur vie familiale.
Leurs noms sont inscrits sur les murs des cités.
Certains délinquants n’hésitent pas à les menacer eux ou leurs proches.
Ce ne sont pas des surhommes. Ils savent qu’ils font un métier dangereux et chaque jour peut apporter son lot de très mauvaises surprises.
Ce qui les fait tenir: la solidarité entre eux et je pense aussi la conscience de faire un métier au bénéfice de tous les citoyens même si ces derniers ne leurs rendent pas toujours.
Breizh-info.com : La Bac est souvent dépeinte comme une unité de ‘cow-boys’ qui cherche le flagrant délit.
Comment les agents se positionnent-ils entre cette image et celle de ‘chasseurs de délinquants’ ?
Samuel Nohra : Comme me l’a dit l’un d’entre eux, je pense qu’ils en jouent de cette réputation même s’ils n’ont rien de cow-boys.
Mais pas question qu’ils donnent le sentiment de reculer sur le terrain même s’ils se trouvent en infériorité numérique.
Vous voulez nous chercher ? Venez on est prêt.
S’il faut user de violence, ils savent le faire mais c’est toujours proportionné à la situation.
Breizh-info.com : Dans le cadre d’interventions musclées, où placent-ils leurs limites morales et éthiques ?
Ont-ils le sentiment que la société attend d’eux une répression brute ou une action mesurée ?
Samuel Nohra : Ils agissent toujours dans un cadre légal.
Aujourd’hui, ils sont aussi constamment sous le feu des caméras et des smartphones et rendent régulièrement des comptes.
Plusieurs d’entre eux ont déjà été convoqués par l’IGPN pour des plaintes.
Ils savent où sont leurs limites qui sont celles du code pénal et de leur déontologie.
Ce ne sont pas des personnages violents mais ils peuvent user de violence, là encore quand c’est nécessaire.
Breizh-info.com : Si vous deviez inciter nos lecteurs à acheter votre livre, que leurs diriez vous pour les motiver ?
Samuel Nohra : Juste aller au-delà des clichés.
Ce sont des hommes et des femmes qui ont vraiment un idéal de justice.
Et derrière leur insigne de policier, il y a des maris, des pères et des parcours de vie parfois étonnant.
Propos recueillis par YV
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
ET AUSSI
Rennes. Villejean : connu comme point de deal, un hall d’immeuble criblé de balles
Les tirs d’armes à feu ne s’arrêtent plus à Rennes. Dimanche 20 octobre au soir, la ville a enregistré sa dixième fusillade depuis le mois d’août !
Tous les quartiers « prioritaires » ou presque de l’agglomération rennaise ont déjà été concernés par ces tirs au moins une fois.
Dimanche soir, c’est dans le quartier Villejean, situé au nord de la ville, que la nouvelle fusillade a eu lieu.
Comme le rapporte Ouest-France, le hall d’un immeuble situé rue du Nivernais a été la cible de plusieurs tirs aux alentours de 21h45.
Deux individus cagoulés porteurs d’une arme longue ont été vus par des témoins.
L’immeuble en question, et plus particulièrement son hall, est par ailleurs réputé pour être un point de deal connu du quartier.
Après que les deux assaillants aient pris la fuite, une équipe de policiers rennais a été dépêchée sur place, constatant que les vitres du hall du bâtiment avaient été criblées par plusieurs balles.
Aucun blessé n’a été à déplorer lors de cette fusillade.
La dernière en date avait eu lieu tout juste une semaine auparavant, dans la nuit du samedi 5 au dimanche 6 octobre. Les faits s’étaient déroulés en plein centre-ville de Rennes, rue Saint-Michel, où un homme avait été blessé par balle.
La piste du règlement de comptes entre narcotrafiquants avait rapidement été avancée.
Des coups de feu qui succédaient à ceux tirés lundi 30 septembre en pleine journée dans le quartier « prioritaire » de Maurepas.
La fusillade, qui avait eu lieu vers midi sur la place du Gros Chêne, avait fait un blessé par balle. Il s’agissait tout de même de la sixième fusillade en deux mois à Maurepas…
De la drogue, il en a aussi été question lors de la vaste opération de gendarmerie menée le mercredi 16 octobre dernier à Bain-de-Bretagne et Guipry-Messac, en Ille-et-Vilaine.
Des interventions qui sont venues concrétiser un travail d’enquête de plusieurs mois mené par la brigade de gendarmerie de Redon.
Trois individus avaient ainsi été identifiés comme étant les « têtes pensantes » d’un réseau de trafic de stupéfiants et de contrebande de cigarettes.
Les trois hommes ont donc été interpellés à leur domicile mercredi dernier.
Durant leur intervention, les gendarmes ont saisi 4,8 kg de résine de cannabis, près de 800 grammes d’herbe, 75 grammes de cocaïne, 53 cartouches de cigarettes et plusieurs milliers d’euros en liquide.
Après un placement en garde à vue, le trio a été déféré devant le Procureur de la République de Rennes vendredi 18 octobre.
Si deux ont été placés en détention provisoire dans
l’attente de leur jugement, le troisième individu a quant à lui été
jugé le même jour et s’est vu infliger une peine de 12 mois
d’emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire.
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