TRIBUNE LIBRE !
Déficits ?
La France saignée à blanc par une titanesque prise illégale d’intérêts
Dette, déficit et hausses d’impôts sont sur toutes les bouches et dans toutes les têtes. 3200 milliards de dette… 150 milliards d’euros de déficit public annuel…
Michel Barnier annonçant en catastrophe « un tiers de hausse des impôts et deux tiers de baisse des dépenses pour freiner le dérapage budgétaire » (Le Monde, 2 octobre 2024).
C’est même à ce thème, en particulier celui de la « chasse aux dépenses nuisibles », que s’attaqueront les intervenants du prochain Forum de la Dissidence de Polémia, le 16 novembre à Paris (prenez vos places !).
Dans le texte qui suit, notre contributeur Julius Muzart décortique un écosystème que l’on pourrait presque comparer à une interaction biologique : celle de l’hôte et du parasite. Un parasite qui coûte cher.
Décryptage d’une prise illégale d’intérêts.
Polémia
Mais où va l’argent ?
Taillables et corvéables à merci, comme par la résurgence d’un droit médiéval mythique, les Français semblent enfin prêts à se saisir de la bonne question : « mais où va l’argent ? »
Les citoyens qui se découvrent réduits à l’état de sujets se rendent compte qu’ils subissent, sans espoir de rémission, une véritable saignée qui les appauvrit dans leur vie quotidienne et les paralyse dans leurs entreprises.
Pourtant, depuis des lustres, ce mal français est connu et commenté.
Aucun contribuable n’ignore vivre dans le pays qui détient l’infamant record des prélèvements obligatoires.
Et depuis des lustres, les Français se demandent avec angoisse quand ça va s’arrêter, pourquoi on en est là, et les gouvernements successifs leur servent sans vergogne des discours aussi émollients que mensongers sur le thème : « on va baisser les impôts ».
Et au budget suivant, invariablement, ils expliquent qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de les augmenter.
Telle est, une fois encore, la mauvaise pièce qui se joue actuellement, la seule nouveauté du moment étant un Président qui la joue avec un cynisme jamais vu jusqu’ici et insultant pour le peuple : le lundi, il envoie ses troupes nous expliquer que la France est dans un état catastrophique sur les plans budgétaire et de la dette et qu’il faut « se serrer la ceinture » ; puis le mardi, il nous annonce, sur le ton désinvolte de celui qui s’apprête à payer un café au comptoir, qu’il « débloque » une participation de 100 millions au service d’une cause à laquelle ces 100 millions ne changeront rien.
Aux Français qui n’arrivent plus à chauffer leur logement, ni à payer leur électricité, ni même à nourrir convenablement leurs enfants (on en est là), il annonce qu’il claque 100 millions pour rien.
Aujourd’hui, sur les écrans qui nous environnent, des régiments de commentateurs posent avec gravité la question : « mais comment en est-on arrivé là ? »
Non, sans blague ?
« Comment en est-on arrivé là » : paresse intellectuelle ou mauvaise foi assumée ?
Les causes majeures de cette dégringolade sont multiples et celles qui sont tonitruantes (gabegie des transferts sociaux, pratique du « chèque » pour calmer la grogne, pratique irresponsable du « quoi qu’il en coûte », charges hors de contrôle liées à l’immigration) sont globalement connues.
Mais il existe aussi toute une foule de gaspillages à bas bruit auxquels on s’intéresse peu, tant ils sont inscrits dans le quotidien et passent pour « normaux » alors qu’ils occupent une place de choix dans la saignée que subit le pays.
Alors, pour rendre service aux experts qui s’interrogent, qu’il soit permis de leur indiquer des pistes immédiatement accessibles et exploitables à peu de frais dans la mesure où elles sont totalement « open source », comme disent les cuistres.
Le produit de ce dépouillement serait tout sauf anodin : ils y découvriraient comment et à quel degré la France est devenue la proie d’un titanesque processus de prise illégale d’intérêts en bande organisée.
Commençons par le plus simple et le plus immédiat : que ces investigateurs d’élite prennent la peine de feuilleter un gros bouquin vert, qui est à portée de main dans toute administration. Ça s’appelle le bottin administratif.
Ridicule ? Pas tant que ça !
Car dans ce gros bouquin banal ils pourraient détailler feuille par feuille la réalité du « millefeuille administratif français »
Sous des intitulés hiératiques des rubriques, il n’est pas difficile pour un œil averti de comprendre que le « poids » de chacune des pages en papier bible de l’ouvrage se compte en centaine de millions d’euros.
On y voit prospérer sous les pyramides hiérarchiques austères des légions de conseils, commissions, comités, organes participatifs et consultatifs dont le rôle officiellement proclamé est de conseiller les décideurs et de leur donner un avis.
Cela, c’est ce qui est mentionné dans les textes.
Mais toute personne ayant participé au fonctionnement concret de ces instances a pu en connaître la triste réalité : les décideurs les réunissent parce que la loi les y oblige, mais dans 99 %, des cas, sans la moindre intention de s’embarrasser de leurs avis.
Les participants le savent et se comportent en conséquence : dans le meilleur des cas, ils viennent « parler pour le compte-rendu » qu’ils enverront à leurs électeurs…
Il est vrai que certaines de ces instances distribuent des jetons de présence à leurs membres, ce qui incite ces derniers à venir assidûment n’y rien faire.
Mais, même quand elles ne rémunèrent pas, ces commissions coûtent très cher à réunir et à entretenir.
Or, elles se comptent par milliers, œuvrant à tous les degrés de l’administration (État Régions, départements, établissements publics locaux, intercommunalités, communes) pour une productivité anecdotique.
De surcroit, sous la pression continue d’insatiables revendicatifs, les pouvoirs publics se sont laissés aller depuis des décennies à multiplier ces instances.
Les promoteurs de ce mouvement ont qualifié cette innovation « démocratie participative ».
Ainsi, comme si la polysynodie française n’était pas déjà assez touffue, on a vu proliférer des comités de quartier, conseils de communautés, conseils municipaux parallèles et thématiques, et autres instances collectives auxquelles « tout le monde » est invité à participer.
Accessoirement, pour « intéresser le jeu » sans doute, un certain nombre de collectifs se sont vus allouer des dotations budgétaires symboliques mais à leur discrétion.
Comme si on manquait de filières de gaspillage, ces « budgets sucettes » ont été calculés juste assez étroits pour ne servir à rien de sérieux, tout en étant suffisamment foisonnants pour couter très cher.
Bien sûr, les « comités Théodule » se sont saisis de leur jouet nouveau pour dépenser n’importe quoi n’importe comment.
Avantage collatéral pour certaines formations politiques, ces instances – qui n’ont de démocratiques que l’adjectif – ont généralement été prises en main par les professionnel ou les militants de la politique « électorale » (ceux qui savent s’infiltrer et crier fort).
Les associations subventionnées et l’État, un monde de compréhension mutuelle
Autre tonneau des Danaïdes au service du gaspillage de l’argent public, les associations subventionnées.
Dans cette voie en pente glissante, les connaisseurs savent que l’argent public, si on en perd facilement la trace, n’est pas perdu pour tout le monde.
(Sur ce sujet, on consultera avec profit le rapport dressé par l’IFRAP en septembre 2023)
En France, on dénombre entre 1,1 et 1,3 millions d’associations déclarées.
Toutes ne sont pas subventionnées mais celles qui le sont épongent tout de même pour 23 milliards de subventions (selon compilation des données officielles).
Que ce soit au niveau de l’État ou à celui de nos innombrables collectivités locales, les décideurs de tous niveaux semblent éprouver le même besoin de s’entourer de soutiens confortables et dociles.
En France, les associations bénéficient d’une image sympathique à base de dévouement et de bénévolat. Et il est incontestable qu’elles tiennent un role indispensable de “liant” social.
Il est vrai aussi qu’il en est d’admirables et beaucoup de respectables.
Mais dans la vraie vie, ce volet sympathique coexiste avec une réalité bien différente, dans laquelle l’argent public emprunte des itinéraires complexes, assez éloignés de l’intérêt général.
Ce qu’on peut observer trop souvent, en effet, c’est une véritable connivence entre les autorités publiques dispensatrices et le monde associatif.
Mentionnons tout de suite que, s’ils le voulaient, les « investigateurs » n’auraient aucun mal à trouver des sources d’information pertinentes : que ce soit l’État ou les collectivités, TOUS ont l’obligation légale de publier la liste nominative des associations bénéficiaires et des sommes allouées.
L’État le fait dans le « jaune » budgétaire, les collectivités locales (sauf celles qui oublient) doivent le faire dans une annexe de leur compte administratif.
C’est une lecture enrichissante où l’on découvre un monde de compréhension mutuelle.
Car les administrations d’État et les collectivités locales ont compris tous les avantages que peuvent leur offrir les associations quand ils les prennent sous leurs ailes.
Ainsi, on a pris, depuis de nombreuses années l’habitude de faire appuyer ou exécuter des missions dans le domaine social ou éducatif par des associations rémunérées à cet effet (parfois par des subventions, ce qui est interdit en principe).
Ce processus de « sous-traitance » permet aux administrations
- d’éviter de recruter des agents ;
- de s’affranchir des obligations réglementaires qui encadrent les dépenses publiques ;
- et en même temps de tenir en laisse des structures qui ne peuvent rien leur refuser.
Les associations, quant à elles, ont parfaitement compris les avantages du statut de sous-traitant des collectivités publiques : un grand nombre d’entre elles ont un fonctionnement strictement identique à celui d’entreprises, à ceci près que leur statut dit « sans but lucratif » les exonère de l’impôt sur les sociétés.
L’essentiel de leurs ressources de fonctionnement – voire d’investissement – proviennent des collectivités publiques, sous la forme de subventions, ou quelquefois de marchés de prestations qui leur sont confiés par les collectivités.
Et le contribuable n’a, de ce fait, plus aucun contrôle sur l’utilisation de ses impôts.
Il est même laissé dans l’ignorance totale de ce circuit.
Inutile de préciser que la collectivité qui subventionne traite ces associations comme si elles faisaient partie de leurs services.
Contrairement à ce que soutient fréquemment le « monde associatif », le recours à ces organismes « sans but lucratif » n’est pas forcément moins cher pour les collectivités.
Quand on aura précisé que le contrôle exercé :
- sur les motivations des décisions de subventionner ;
- sur la justification des montants alloués ;
- et encore moins sur le bon emploi des subventions une fois accordées ;
est sauf exception inexistant, on comprendra que l’usage de l’argent public par cette voie permet aux collectivités de déployer beaucoup d’imagination et une grande inventivité dans l’usage de nos impôts.
Le « descriptif à plat » d’un parasitisme qu’il faut bien qualifier de généralisé auquel nous nous sommes livrés n’aborde qu’un très modeste volet du gaspillage de l’argent public dans des dépenses inutiles qui participent à la saignée.
Il est néanmoins illustratif du cercle vicieux que nous subissons.
Des citoyens qui affectionnent les formulations simplifiées diraient : « tout le monde se tient ».
Ce serait un peu sommaire, mais de fait, il faut bien convenir de ce que bien rares sont les acteurs qui trouveraient intérêt à ce que cette grande gabegie s’arrête. Surtout parmi ceux qui décident, sachant que c’est nous qui payons.
Et c’est en cela qu’on peut être tentés d’établir une analogie avec le processus, dit « de prise illégale d’intérêt ». (*) Et c’est aussi en cela qu’on trouve la clé de ce faux mystère qui, en ce moment même, rebondit de plateau en plateau : « pourquoi ne parvient-on pas à arrêter les frais ? »
Par Julius Muzart
Note
* L’article 432-12 du code pénal définit le délit de prise illégale d’intérêt : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».
Les intertitres sont de la rédaction de Polémia.
Mots-clefs : Déficit budgétaire, Dette, Fiscalité, France
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