lundi 29 janvier 2024

UKRAINE : LE REPORTAGE EXCLUSIF SUR LA LUTTE ANTI- CORRUPTION DE ZELENSKY .........

 

[Ukraine] 

Reportage exclusif sur l’affaire Ihor Hrynkevich, emblématique de la lutte anti-corruption de la présidence Zelensky

Ihor Hrynkevych, oligarque de Lviv, vient d’être arrêté dans le cadre d’une enquête pour corruption incluant le Ministère de la Défense.

 
Source : Державне бюро розслідувань (Services de renseignements ukrainiens)
 
Publié le 30 janvier 2024
 

Alors que les campagnes de désinformation russes au sujet de l’Ukraine se multiplient, le gouvernement Zelensky intensifie sa lutte contre la corruption.

C’est l’un des points de propagande principaux du Kremlin pour démoraliser l’Occident d’envoyer de l’aide en Ukraine : le pays serait corrompu jusqu’à la moelle, et cette aide ne servirait qu’à engraisser certains dirigeants hauts-placés.

Ne faisons pas d’angélisme : la corruption (legs de l’URSS à tous les pays de la région) est présente en Ukraine, comme dans tout l’ex-bloc soviétique.

Cependant, le gouvernement de Volodymyr Zelensky a récemment prouvé qu’il faisait tout pour assainir son entourage. 

Dernier coup d’éclat en date : l’arrestation de l’homme d’affaire de Lviv Ihor Hrynkevych.

 Ce dernier a été pris dans un scandale de corruption incluant rien de moins que le ministère de la défense, sur lequel les agents du SBU enquêtent discrètement, voire trop au goût de certains journalistes.

 

Du matériel défectueux

Le businessman est accusé d’avoir obtenu des contrats (au nombre de vingt-trois) avec le Ministère de la Défense dont il n’a honoré qu’une partie, tout en étant payé pour la totalité. 

Pire encore, il aurait fourni sur ces commandes (des vêtements chauds destinés aux troupes cet hiver) des produits de mauvaise qualité, avant d’émarger encore plus, et de partager le gâteau avec ses commanditaires.

 Le préjudice pour l’armée se situe à plus d’un milliard et demi de Hryvnas, soit près de 37 millions d’euros, auquel s’ajoute des retards dans la production et l’acheminement du matériel vers le front.

Apprenant qu’il était sous le coup d’une enquête, Ihor Hrynkevych aurait proposé un pot-de-vin de 500 000 dollars (près de vingt millions de hryvnas) pour étouffer l’affaire.

En enquête, débutée après la saisie par les douanes ukrainiennes de vêtements destinés aux soldats et Trade Lines Retail LLC, Construction Company Citygrad LLC, et Construction Alliance Montazhproekt LLC.
L’enquête a déterminé qu’aucune de ces entreprises n’avaient les capacités de production, d’entrepôt pour répondre aux contrats du ministère. 

Sur les 23, 6 n’ont pas été remplis, et 7 autres ne l’ont été qu’en partie. 8 autres ont été réglés sur des délais d’entre 3 et 5 mois. 

Rien n’était aux normes.

D’après divers médias ukrainiens, Ihor Hrynkevych se serait ensuite procuré le numéro de téléphone personnel d’un chef-adjoint du SBU et l’aurait contacté sur Signal, expliquant avoir eu son numéro par « des amis communs », demandant une entrevue.

Rendez-vous pris dans une station service de Kyiv, où Ihor Hrynkevych lui aurait demandé de l’aide pour récupérer les biens saisis par les douanes.

Pas fou, l’enquêteur aurait alors écrit un rapport sur leur entrevue. 

Cependant, n’étant pas du genre à abandonner, le jour de Noël, l’homme d’affaire lui enverra « Le Christ est né, quand nous verrons-nous à nouveau ? », avant d’appeler.

 Ces tentatives resteront lettre morte. Finalement, un nouveau rendez-vous sera pris, toujours à cette station service, où Ihor Hrynkevych proposera cette fois-ci les 500 000 dollars de pot-de-vin, qu’il lui donnera le 29 décembre, provoquant son arrestation immédiate.

Jugé en pré-comparution, il sera envoyé en détention par le tribunal du district de Pechersk, à Kyiv, en attendant son procès.

Son fils, Roman Hrynkevych (titulaire d’une médaille présidentielle), était alors recherché, avant d’être arrêté à Odessa. 

Il a été placé en détention jusqu’au 17 mars dernier, suspecté avec cinq autres personnes d’avoir participé au complot de son père. 

Il nie avoir tenté de traverser la frontière avec la Moldavie, mais s’être trouvé à Odessa « pour affaires », selon des vidéos de son interrogatoire publiées sur des canaux Telegram. 

Le chef de l’un des départements du commandement des forces de soutien des forces armées ukrainiennes et le directeur d’un fournisseur ont été arrêtés en flagrant délit et placés en détention provisoire.

L’ancien vice-ministre de la défense est notamment accusé d’avoir fait pression pour la conclusion de contrats pour la fourniture de biens matériels à prix gonflés, des commandes d’équipement de protections individuelles de qualité insuffisante avec un paiement anticipé de 100%.

Pour l’heure, les actuels responsables des signatures d’appels d’offre effectués avec la famille Hrynkevych ne sont pas encore connus.

Services de sécurité de l’Ukraine SBU

Une famille d’Oligarques

Intéressante famille que les Hrynkevych.

 La femme d’Ihor, Svitlana Hrynkevych, est la co-fondatrice de l’organisation caritative Hope.UA. 

Ancienne professeure à l’université polytechnique de Lviv, elle participe aussi aux affaires du clan. 

Elle et sa fille sont les co-fondatrices de Trade Lines Retail LLC, une des entreprises accusées de n’avoir pas rempli les contrats passés avec le ministère de la défense. 

Elle est aussi propriétaire terrien : rien qu’en 2023, elle a fait l’acquisition de deux appartements dans le quartier de Pechersk, à Kyiv, pour une valeur totale de 35 millions de hryvnas, soit près d’un million d’euros, ainsi que du motel Kateryna, situé près du stade Arena-Lviv, et d’un hectare et demi de terrain dans l’Oblast de Lviv.

Son fils Roman est l’autre fondateur de Hope.UA, et récipiendaire du prix du Cœur d’Or, remis par le président Zelensky.

 Il a aussi été mouillé dans plusieurs affaires louches, son entreprise, Construction Alliance Montazhproekt LLC, ayant elle aussi été accusée de s’être procurée des contrats de défense de façon malhonnête. 

Elle a en effet commencé à recevoir des contrats de construction dans l’Oblast de Jytomyr, où il se présentera aux élections locales en 2020. 

Cette entreprise est aussi accusée d’avoir détourné des fonds publics dans la construction d’un « centre pour la sécurité citoyenne », pour un contrat de 35 millions de hryvnas, soit une fois et demi les coûts estimés, selon les journalistes de Nashi Groshi. 

Lui aussi propriétaire terrien, Roman Hrynkevych s’est offert en 2023 une maison dans le cossu village de Kozyn, dans l’Oblast de Kyiv, pour la coquette somme de 50 millions de hryvnas (plus d’un million deux cent mille euros), ainsi que, le même jour, de quatre terrains dans ledit village.

 

D’après l’enquête du SBU, la famille Hrynkevych posséderait en tout dix-sept appartements et maisons, sept propriétés non-résidentielles, et dix-huit terrains.

« J’ai demandé de présenter les développements nécessaires pour que toutes les difficultés entre les représentants du gouvernement, les entreprises et les forces de l’ordre soient éliminées », a pour sa part déclaré le président, Volodymyr Zelensky.  

De son côté, le directeur du SBU affirme que « l’enquête n’est pas terminée ». 

Ihor Hrynkevych risque entre 4 et 8 années d’emprisonnement au titre de l’article 369, partie 3, du code pénal ukrainien.

 Les biens de sa famille ont été saisis, et tous les contrats d’entreprises qui lui sont affiliées ont été résiliées par le gouvernement, excepté un, pour l’acheminement de nourriture aux militaires des Oblasts de Kherson et Mykolaiv. 

 

La lutte continue

Mais cette affaire, aussi emblématique soit-elle, n’est pas la seule !

 Rien que cette semaine, le SBU a opéré une fouille auprès des responsables du Ministère de la Défense et des dirigeants de l’Arsenal de Lviv, soupçonnés d’avoir détourné près d’un milliard et demi de hryvnas destinés à l’achat d’obus. 

On retrouve notamment dans les personnes impliquées Olekansdr Liev, ancien chef du département de politique militaro-technique de développement d’armes et d’équipements militaires du ministère de la défense, mais aussi l’actuel chef de ce département, Toomas Nakhur, ainsi que Yuriy Zbitnev, chef de l’Arsenal de Lviv.

Toujours cette semaine, la NAKC (la brigade anti-corruption), a découvert que le chef du département anti-drogue de Kyiv disposait d’actifs non-prouvés d’une valeur de près de 3,9 millions de hryvnas (près de 100 000 euros).

Cependant, chez les journalistes ukrainiens, la même question revient toujours : par qui seront-ils remplacés ?

Si Kyiv envoie des signaux forts, il ne reste plus qu’à espérer que cette lutte soit suivie d’effets.

Source : Державне бюро розслідувань (Services de renseignements ukrainiens)

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