En 1823, le cinquième président des
Etats-Unis James Monroe précise devant le Congrès américain les
fondements de ce que doit être la politique étrangère américaine.
Plus
connue sous le nom de « doctrine de Monroe », cette déclaration peut se
résumer ainsi :
– Le sol du continent Nord-américain
appartient aux Américains et aux Américains seuls. Ceux-ci s’engagent à
ne pas se mêler des affaires des pays européens.
– Les pays européens, en retour, ne doivent plus se mêler des affaires des Américains.
– Toute ingérence européenne dans les affaires américaines sera considérée comme un « casus belli ».
Une évolution continue vers l’impérialisme américain
Depuis 1823, la politique étrangère
américaine a beaucoup évolué. En 1901, l’amendement Platt venait
justifier la guerre Hispano-Américaine de 1898 pour le contrôle de Cuba.
Puis ce fut l’envoi de troupes américaines en France en 1917 et enfin,
avec la création du CFR (Council on Foreign Relations) une inflexion de
la politique étrangère américaine de plus en plus « mondialiste ».
Pourtant, la majorité du peuple
américain n’avait pas suivi cette évolution. Il en résultat l’échec de
la SDN (Société Des Nations), ancêtre de l’ONU de 1946 et il fallu le
choc de Pearl Harbour pour que les Etats-Unis puissent entrer dans la
seconde guerre mondiale.
Toutefois, c’est à la fin de la guerre
que cette inflexion impérialiste est clairement apparue. Première
puissance économique et militaire, les accords de Bratton Woods ont
consacré le dollar, monnaie domestique américaine, comme monnaie
internationale. Tant que ce dernier était adossé à l’or, il n’y avait
pas de problème, à condition que cette parité soit effective.
Déja sujette à interrogation dès les
années soixante, cette convertibilité en or a disparu le 15 août 1971,
faisant du dollar une monnaie purement fiduciaire. John Connolly a dit
« le dollar est notre monnaie et votre problème » à ceux qui se
plaignaient de cette situation.
Une hégémonie mondiale assumée
Les cinq décennies qui suivirent furent
celles d’une « pax americana » qui consacra une domination sans partage
sur le reste de la planète. La disparition de l’URSS en 1991 aurait dû
logiquement entraîner la fin de l’OTAN mais la tutelle américaine qui,
malgré de fragiles apparences destinées à faire croire que les prises de
décisions étaient collégiales, en a décidé autrement. Le président HG
Bush a même émis l’idée en 1991 que l’OTAN avait vocation à devenir « le
gendarme du monde ».
C’est ainsi que l’OTAN intervint dans les Balkans en 1999.
Les années 2000 furent marquées par un
interventionnisme qui entraîna de nombreuses guerres dans l’Ouest de
l’Asie, écornant singulièrement l’image du « grand frère » américain.
Le tournant de la guerre en Ukraine
Un autre mode, déjà utilisé dans les
années 1970 notamment en Amérique du Sud, refit son apparition dans
l’Est de l’Europe au début des années 2000. Plutôt qu’intervenir
militairement, la diplomatie de l’Etat profond américain renoua avec
l’agitation des foules.
Appliquant quasi à la lettre les
« recettes » développées par Zbignew Brzezinski dans son livre « le
grand échiquier » ce furent la Géorgie puis l’Ukraine qui furent
choisies comme terrain de jeu dans le but de les faire entrer dans
l’OTAN et probablement ensuite dans l’Union Européenne.
Cette politique du « containment »
allait, tôt ou tard, conduire la Russie à réagir. L’apparente paix de
2014 après le référendum de Crimée s’est peu à peu transformée en guerre
de représailles menée par l’armée ukrainienne contre les populations
russophones du Donetsk et de Lougansk.
La suite est connue et, depuis février
2022, c’est une véritable guerre de haute intensité qui oppose en
apparence la Russie et l’Ukraine mais qui, dans sa réalité est une
guerre par procuration entre la Russie et l’OTAN. Cette guerre a
également été un véritable révélateur aux yeux du monde d’une autre
organisation mondiale avec un monde « multipolaire ».
L’élection de Donald Trump ouvre une nouvelle ère
Elle se produit dans un contexte
planétaire très particulier. Le monde des puissances maritimes qui a
régné depuis la fin du XVème siècle est en train de s’estomper pour
laisser la place aux puissances continentales. Le transport maritime
gràce auquel les échanges commerciaux de toute nature avaient pu se
réaliser, enrichissant ceux qui contrôlaient les voies de navigation,
est aujourd’hui concurrencé par les transports terrestres qui se
développent à l’intérieur des continents.
Le monde est en train de se réorganiser
sous la pression de nouvelles puissances industrielles et économiques
alors que les puissances commerciales et financières qui le dirigeaient
n’entendent pas se voir déposséder de ce qui a fait leur richesse et en
particulier celles qui, jusqu’à présent, ont utilisé la puissance
américaine pour imposer leur loi.
Ce monde « globalisé » qui devait se
doter d’un gouvernement mondial est contesté aujourd’hui par de nombreux
pays qui sont en trai d’opter pour un monde « multipolaire ». Les
pivots de ce nouveau monde seront les continents et les peuples qui ont
formé les nations de ces continents tiennent à garder leur
souveraineté.
A différentes reprises, Donald Trump a
exprimé son intention de combattre les « mondialistes » et en
particulier tous ceux qui, notamment à Washington, défendent ce projet
d’un monde global.
Au début de son premier mandat, en s’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 septembre 2017, il déclarait :
« Pour surmonter les périls
du présent et concrétiser la promesse de l’avenir, nous devons d’abord
nous fonder sur la sagesse du passé.
Notre succès dépend d’une coalition
de nations solides et indépendantes qui s’appuient sur leur
souveraineté pour promouvoir la sécurité, la prospérité et la paix, pour
elles-mêmes et pour le monde.
Nous n’attendons pas que des
pays divers partagent les mêmes cultures, les mêmes traditions, les
mêmes systèmes de gouvernement.
Mais nous attendons que toutes les
nations respectent ces deux devoirs souverains : respecter les intérêts
de leur propre peuple et les droits de toutes les autres nations
souveraines. Voilà la très belle vision sur laquelle est fondée cette
institution, et c’est la base de la coopération et du succès.
Les nations fortes et
souveraines font que des pays divers, avec des valeurs différentes, des
cultures différentes et des rêves différents, peuvent non seulement
coexister mais aussi travailler côte à côte sur la base du respect
mutuel.
Les nations fortes et
souveraines permettent à leur peuple de prendre son avenir en main et
d’être maître de son destin. Et les nations fortes et souveraines
permettent à tout un chacun de s’épanouir et de connaître toute la
richesse de la vie envisagée par Dieu »
Bien sûr, il a pu changer d’avis.
Certains pensent même qu’il a pu « payer sa cotisation » à l’État
profond pour être réélu. Tout est possible mais cela paraît peu
probable.
Tout porte à croire aujourd’hui qu’il
est sur la même ligne.
Son désir d’augmenter la superficie des
États-Unis en annexant le Canada et le Groenland au Nord et se
réapproprier le canal de Panama au Sud ne correspond aucunement à une
vision mondialiste d’un monde globalisé sans frontières.
Cette façon de procéder est typiquement
dans l’esprit de la « doctrine de Monroe » évoquée plus haut. De même
que le slogan « MAGA » (Make America Great Again) en est une référence
évidente. Il veut superposer la nation américaine sur le continent Nord
Américain.
Or, rappelons-nous que le principal
obstacle à la vision mondialiste de l’État profond à toujours été
l’isolationnisme américain qui était le corolaire de cette doctrine.
Tout ceci suggère que la politique de Trump, au travers de sa lutte
contre l’Etat profond américain, pourrait bien se révéler compatible
avec ce projet de monde multipolaire qui regroupe de plus en plus de
pays. Déjà, ce sont plus de 80% de la population mondiale qui est
concernée, et Donald Trump ne peut l’ignorer.
Ce retour sur les « murs porteurs » de
la politique américaine et l’évident désir de Donald Trump de faire de
la nation américaine la première nation du monde montrent que les
partisans d’un monde global et monopolaire vont avoir quelques
difficultés pour parvenir à leurs fins.
Jean Goychman
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