TRIBUNE LIBRE !
[STRICTEMENT PERSONNEL]
Un Conseil… à ne pas suivre ?

Ce pays - le mien, le nôtre, la France - est-il bien celui qui vit naître, être et penser un certain René Descartes ?
Il est permis d’en douter, tant on y marche de plus en plus souvent sur la tête.
L’État… mais y a-t-il encore un État ?
Le gouvernement… mais y a-t-il encore un gouvernement ?
Le Parlement… mais y a-t-il encore un Parlement ?
Sommes-nous encore dans un régime semi-présidentiel, où le chef de l’État donne l’impulsion, fixe les grandes orientations, où son gouvernement dirige la politique de la nation ?
Dans une démocratie parlementaire où l’Assemblée nationale, autrement dit l’ensemble des représentants directement élus par le peuple, fait et vote la loi ?
Le président de la République, absent sur le terrain, tourbillonne entre Brégançon, la Lune et la tribune des Nations unies.
Le Premier ministre qu’il a nommé à l’insu de son plein gré n’est qu’un ludion flottant sur l’eau, sans majorité, sans budget, sans avenir !
L’Assemblée n’est plus qu’un bateau ivre, tombé sous la coupe de neuf juges, qui ne sont pas des magistrats, neuf sages qui ne le sont guère, neuf membres du Conseil constitutionnel qui ne doivent leur légitimité ni à l’élection, ni à leur compétence, ni à leur notoriété, ni à leur honorabilité, mais aux choix, et aux calculs, dictés par des affinités personnelles ou politiques, qui leur ont conféré ce pouvoir exorbitant devant lequel s’inclinent l’exécutif, le législatif et, par ricochet, chacun d’entre nous.
Le nouveau triptyque sacré : « Précaution, Prévention, Punition (des pollueurs) »
L’acétamipride, puisqu'il faut l’appeler par son nom, n’est ni inscrit, ni prescrit, ni proscrit, et pour cause, que ce soit dans la Constitution de 1958, le Préambule de 1946 ou la Déclaration des droits de l’homme, et même pas dans cette fumeuse Charte de l’environnement à laquelle, par un vote massif dont il n’avait pas mesuré les conséquences, le Congrès a donné, en 2005, valeur constitutionnelle, remplaçant le triptyque sacré sur lequel repose depuis l’origine la République « Liberté, Égalité, Fraternité » par un trio inédit : « Précaution, Prévention, Punition (des pollueurs) ».
C’est en vertu de cette devise que le Conseil constitutionnel vient de censurer la loi Duplomb pour la seule raison que l’article qui accordait une dérogation au pesticide susnommé lui semblait incompatible avec les valeurs nouvelles.
Comment aurait-on procédé autrefois, je veux dire avant l’ère nouvelle, pour répondre aux questions et aux craintes parfaitement justifiées que pose l’usage de l’acétamipride, produit fatal aux pucerons, nuisible aux abeilles, potentiellement dangereux pour les humains, mais utile, voire indispensable, aux betteraviers comme aux producteurs de noisettes, de pommes et autres fruits ?
Le gouvernement
aurait désigné un collège d’experts, chimistes, médecins et autres
spécialistes avec mission de lui faire savoir dans les meilleurs délais
si, dans quelle mesure, à quel dosage, avec quel mode d’emploi il serait
souhaitable, possible, risqué, déconseillé ou totalement inenvisageable
de recourir à ce produit efficace et toxique, et efficace du fait même
de sa toxicité.
En fonction des résultats de l’étude, le ministre de la Santé et celui de l’Agriculture, voire le Premier ministre, auraient pris un décret autorisant, réglementant ou interdisant l’emploi du pesticide considéré.
À ce sujet — Les sages tout-puissants
Nous avons changé tout cela.
Le gouvernement ignoré, le Parlement humilié, la FNSEA désavouée et, au bout de la chaîne, les betteraviers et autres utilisateurs du produit désormais banni n’ont plus qu’à subir le verdict sans appel rendu par le tribunal de la rue de Montpensier.
Parallèlement, le Conseil constitutionnel invalidait l’un des principaux articles d’une autre loi également adoptée par les deux chambres, celui qui portait à un maximum de deux cent dix jours la durée de rétention dans un centre administratif des illégaux, clandestins et autres délinquants interdits de séjour sur le sol français.
Rue de Montpensier, on estimait cette disposition répressive « disproportionnée » et donc inadmissible.
Il n’est pas interdit de voir dans cette deuxième censure la volonté de l’institution d’étendre le champ de ses saisines et de ses arrêts bien au-delà des textes auxquels elle est en droit de se référer et d’interférer dans des décisions qui relèvent clairement du régalien et, donc, du champ politique.
Rétablir la supériorité des instances élues sur les instances nommées
Face aux empiètements incessants du Conseil constitutionnel, il est plus que nécessaire, il est impératif, il est urgent de redéfinir son statut, ses missions et ses prérogatives.
On pourrait, par exemple, rendre à la plus haute, la plus ancienne et la moins contestée des juridictions administratives (au Conseil d’État) le soin de déterminer la compatibilité des lois votées par le Parlement non avec des valeurs supposées qui ne sont que le voile pudique de préférences idéologiques mais avec les textes existants.
On pourrait remettre en vigueur l’obligation faite aux anciens présidents de la République, garants et gardiens de la loi pendant la durée de leur mandat, de siéger rue de Montpensier.
On pourrait exiger des membres du Conseil constitutionnel, et d’abord de son président, un minimum de connaissances juridiques et un curriculum vitae sans tache.
On pourrait, également, revoir le système de nomination des membres du Conseil, actuellement désignés, on le sait, par le président de la République, le président de l’Assemblée et celui du Sénat.
On pourrait enfin, et surtout, rétablir la supériorité des instances élues, pilier de la démocratie, sur les instances nommées.
Cela, il est vrai, supposerait une loi portant révision constitutionnelle, donc la réunion et le vote du Congrès, devant lequel le Conseil constitutionnel, à son tour, ne pourrait que s’incliner.
Une remarque, pour finir.
Conséquence immédiate de la décision dudit Conseil, la France est désormais le seul des vingt-six pays membres de l’Union européenne à prohiber l’emploi de l’acétamipride.
Faut-il en déduire que ces pays, moins heureux que le nôtre, sont dirigés par des incapables, des corrompus, voire des lobbies paysans ?
Ce point mérite réflexion.
Les deux millions de signataires de la pétition - ce substitut de référendum, qui demandait la censure de la loi Duplomb et l’a obtenue - n’ont évidemment que faire des conséquences fâcheuses ou dramatiques de leur succès sur les quelques milliers d’agriculteurs qu’il va pénaliser ou ruiner.
Sully disait : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France. »
Sandrine Rousseau éructe : « La rentabilité des exploitations agricoles, j’en ai rien à péter. »
À chaque époque son langage et ses porte-parole.
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