jeudi 25 juillet 2024

LE MARCHÉ LIBRE ? IL N' EXISTE QUE DANS LE CERVEAU DES BONZES DE BRUXELLES ! UNE TRIBUNE COLLECTIVES ........

 REVUE DE PRESSE !

« On ne réindustrialisera pas notre pays en le couvrant de centres de données et d’entrepôts ». 

Contestée, la financiarisation mondialisée de l’économie continue de ravager nos sociétés…

Un centre Amazon à Brétigny-sur-Orge (Essonne) en 2021. THOMAS SAMSON / AFP

Par Tribune collective.

 

Cette intéressante tribune collective (voir les signataires) a été publiée dans Le Figaro de ce matin du 25 juillet.

 Nous n’ajouterons rien pour l’heure à notre tire.    

    

TRIBUNE COLLECTIVE – Le groupe Microsoft a notamment annoncé qu’il allait investir 4 milliards d’euros dans la construction de centres de données en France. 

Pour les membres du groupe de réflexion Prométhée*, seule la production matérielle permettra de récupérer notre souveraineté industrielle.

Ne nous voilons pas la face : le « marché libre et non faussé » n’existe que dans le cerveau des bonzes de Bruxelles.

Dans la foulée du dernier sommet de « Choose France » – il semble que dans le monde de 2024 « choisir la France » fait ringard – des investissements mirobolants ont été annoncés.

 Parmi ceux-ci, deux ont mérité une attention spéciale de la communication élyséenne : celui de Microsoft, qui prévoit 4 milliards d’euros dans la construction de centres de données (« datacenters ») ; celui du géant de la logistique Amazon, qui propose d’investir 1,2 milliard d’euros dans les services du « cloud » et dans la logistique de livraison de colis.

Pourtant, il faut le dire clairement : on n’industrialise pas un pays en créant des entrepôts, qu’ils stockent des données ou des denrées. 

L’industrie, ce n’est pas ça. Parler d’industrie, c’est, qu’on le veuille ou pas, parler de production matérielle.

En ce siècle où tout se dématérialise, il peut paraître anachronique d’évoquer la production matérielle.

 Et pourtant, il ne faut jamais perdre de vue cette réalité : nous sommes des êtres matériels, avec des besoins tout aussi matériels.

 Quel que soit le développement des services et des biens « virtuels », il n’en reste pas moins que nous nous nourrissons de matière, que nous vivons dans des maisons matérielles.

Même les services les plus « virtuels » ont besoin d’un support matériel. 

Le médecin n’est rien sans médicaments, sans réactifs de laboratoire, sans équipements de diagnostic. Internet n’existerait pas sans une infrastructure de câbles, de fibre optique, d’ordinateurs et d’autres d’équipements électroniques, sans même parler des centrales et des réseaux électriques nécessaires à les alimenter.

« Le fondement de la puissance »

La musique que vous écoutez est peut-être un fichier « immatériel », mais sans votre portable, votre ordinateur, sans un haut-parleur ou un écouteur, vous n’entendriez rien. 

C’est pourquoi, même au XXIe siècle, la production matérielle, celle qui transforme des matières premières en biens, reste le fondement de la puissance.

 Parce que la matière est la base sous-jacente de toute l’activité économique, et que sans cette base tout le reste s’arrête.

D’aucuns ont commencé à le comprendre avec la pandémie, lorsqu’on a découvert que nos économies européennes riches en services mais pauvres en production matérielle se trouvaient en difficulté non seulement devant l’approvisionnement de masques ou de principes actifs pour certains médicaments, mais d’autres produits aussi banals que l’huile de cuisson.

Il conviendrait de viser les productions les plus stratégiques, autrement dit celle des biens d’équipement, celles qui sont indispensables à la production elle-même

C’est cela qui permet de comprendre que la Russie puisse tenir économiquement : avec un PIB comparable à celui de l’Allemagne, elle fait face à une guerre coûteuse et aux sanctions massives imposées par l’Occident. Une situation qu’aucun pays européen, pas même l’Allemagne, ne pourrait soutenir.

L’explication se trouve dans le fait que l’économie russe reste, beaucoup plus que les économies occidentales, centrée sur la production industrielle, qui représente toujours un tiers du PIB russe, contre 27 % pour l’Allemagne et 17 % pour la France. La constatation est encore plus dramatique lorsqu’on regarde la position des industries de base dans le total.

 

Reprendre le contrôle de la production matérielle

Car contrairement à ce qu’avait dit en son temps un ministre néolibéral, ce n’est pas la même chose de produire de l’acier ou des bonbons. 

Tout simplement parce que l’acier permet de fabriquer les machines qui fabriquent les bonbons, et pas l’inverse.

 On l’a bien vu avec le conflit larvé entre la Chine et les États-Unis

 Celui qui fabrique massivement des puces électroniques a un certain poids. Mais celui qui fabrique les machines qui permettent de fabriquer ces puces en a un plus grand encore.

On ne réindustrialisera pas notre pays, on ne récupérera la « souveraineté industrielle » en le couvrant de centres de données et d’entrepôts. Réindustrialiser, cela implique de reprendre le contrôle de la production matérielle.

Et parce qu’il est illusoire d’imaginer qu’un pays comme la France puisse tout produire dans ses frontières, il conviendrait de viser les productions les plus stratégiques, autrement dit celle des biens d’équipement, celles qui sont indispensables à la production elle-même : machines-outils, turbines, équipements de transport, électronique, aciers spéciaux, chimie de base.

 Cela appelle une véritable politique pro-industrie – ce qui n’est pas la même chose, n’en déplaise à notre président, que pro-business.

 

Protectionnisme ciblé

Cela implique d’investir dans l’entretien et le développement de nos atouts. 

De nos infrastructures, qui, malgré l’érosion du temps et les coups qui leur ont été portés par des politiques européennes aberrantes, restent un facteur d’attractivité essentiel.

 De notre système de formation technique, pour fournir à l’industrie les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers dont elle a besoin, et d’en finir avec le biais anti-industriel de l’Éducation nationale et plus largement de la communication publique.

Et enfin, cela suppose une réglementation, notamment environnementale, qui tienne compte des contraintes particulières de l’activité industrielle et qui ne lui impose pas, par pure idéologie, des contraintes qu’aucun intérêt public sérieux ne justifie.

 
Une France incapable de fabriquer de l’aspirine, des masques, des obus, des drones ou des machines-outils sera par force une France dépendante des choix faits ailleurs

Mais cela ne suffira pas. 

Une véritable réindustrialisation suppose une forme de protectionnisme ciblé sur les secteurs stratégiques qui empêche les entreprises de faire les choix d’implantation sur le seul paramètre du coût, paramètre qui pousse fatalement à la délocalisation vers des cieux où les coûts salariaux ou fiscaux sont plus faibles et la réglementation protégeant le travailleur ou l’environnement est plus compréhensive.

 

Contrôle de la protection industrielle

Il ne faut pas hésiter à pratiquer un protectionnisme avec des instruments divers – politique du crédit, politique monétaire, protection des marchés publics, campagnes de communication, aides d’État – comme le font les autres puissances économiques.

Ne nous voilons pas la face : le « marché libre et non faussé » n’existe que dans le cerveau des bonzes de Bruxelles. 

Ailleurs, Joseph Biden et Xi Jinping sont tout à fait d’accord pour subordonner le libre marché aux intérêts stratégiques des leurs pays, et ne se gênent pas pour accorder des aides d’État ou réserver les marchés publics quand ceux-ci sont en jeu.

La guerre en Ukraine et la pandémie ont ramené la question sur le devant de la scène : la capacité à faire des choix autonomes est intimement liée au contrôle de la production industrielle. 

 Une France incapable de fabriquer de l’aspirine, des masques, des obus, des drones ou des machines-outils sera par force une France dépendante des choix faits ailleurs.

 Et mille « datacenters » n’y changeront rien.   ■ 

 
* Les signataires :
Philippe Charlez, expert énergie Institut Sapiens,
Jean de Kervasdoué, membre de l’Académie des technologies,
Marc Fontecave, professeur au Collège de France,
Loïk Le Floch-Prigent, entrepreneur,
Pierre Lévy, rédacteur en chef de « Ruptures »,
Jean Pelin, membre du Comité national de la chimie,
Alain Vaudrey, journaliste.

 

Source :   https://www.jesuisfrancais.blog/2024/07/25/

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