Haro sur le JAP!
Deux affaires récentes remettent en lumière l’incompréhensible légèreté de certains juges d’applications des peines
Trop souvent, le juge de l’application des peines tourne le dos aux victimes.
Les syndicats d’agents pénitenciers sont outrés en ce lundi: un narcotrafiquant détenu au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (62), déjà connu pour s’être évadé par le passé, a obtenu une permission de sortie ce lundi 24 novembre afin de se rendre à un entretien professionnel.
« JAP » est l’acronyme désignant le juge de l’application des peines, magistrat exerçant auprès du tribunal judiciaire.
Son rôle consiste principalement à superviser la manière dont la peine prononcée sera mise en œuvre pour une personne condamnée.
Il est notamment chargé de déterminer les modalités du traitement pénitentiaire applicable à chaque condamné.
L’incompréhension d’une mère
Deux récentes affaires (parmi tant d’autres) permettent de démontrer que ce magistrat peut jouer un rôle néfaste dans l’administration de la justice et donc pour la société.
D’abord, l’affaire du jeune Adrien Perez, poignardé par un groupe de trois hommes lors d’une rixe, en juillet 2018, sur le parking de la boîte de nuit Le Phoenix, à Meylan près de Grenoble, alors qu’il fêtait son vingt-sixième anniversaire.
Un de ses amis est gravement blessé.
En juillet 2021, les deux suspects principaux, les frères Yanis et Younès El Habib, sont condamnés à quinze ans de réclusion criminelle, le troisième homme, Liam Djadouri, étant condamné pour violences aggravées.
Au-delà du fait que Grenoble soit devenue depuis longtemps — comme tant d’autres villes françaises, mais aussi en raison d’une véritable tradition criminelle dans la capitale iséroise — une zone insécure, il existe réellement un problème de bonne justice dans cette affaire.
Déjà, le 23 juillet 2020, un juge des libertés et de la détention décida de refuser la prolongation de la détention provisoire de Yanis El Habib, principal mis en examen pour meurtre et tentative de meurtre.
Heureusement, sur appel du Parquet, il fut remis en prison par la Cour d’Appel de Grenoble.
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Récemment, sur CNews, la mère d’Adrien Perez a fait part de sa vive émotion après la remise de peine dont a bénéficié le meurtrier, incarcéré depuis 2021.
Le condamné vient en effet d’être libéré sous condition pour bonne conduite par le JAP.
Cela fait à peine cinq d’emprisonnement !
En plus de cette remise de peine, Patricia Perez ne comprend pas non plus comment l’individu a pu bénéficier d’aménagements durant sa peine.
« J’ai dû supporter que le meurtrier de mon fils accumule 18 permissions de sortie depuis octobre 2024, pour aller faire du sport, qu’il se marie, qu’il attende un enfant.
Il faut bien comprendre que mon fils, lui, n’aura jamais cette chance », déplorait-elle également[1].
Il est évident que pas un seul « bon comportement » ne peut justifier qu’un criminel ne fasse pas au moins dix ans sur les quinze prononcés.
C’est intolérable.
C’est même un accessit donné à ce type d’individus.
S’il y a une récidive, le JAP aura une lourde responsabilité.
Précisons qu’afin d’apprécier la demande d’aménagement de peine, le JAP prend en considération les éléments factuels que sont la nature, la gravité et la durée des faits, le lieu de commission par référence (lieu de résidence de la victime) et la date de la commission des faits.
Un pseudo débat contradictoire a alors lieu.
Pseudo car le JAP rend ses décisions en présence du procureur, du condamné et de son avocat.
Il est aussi assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation (le SPIP, la voix de son maitre le plus souvent).
Il n’y pas de représentant des victimes…
Ce qui prouve sans conteste que le droit pénal français privilégie toujours et encore les droits de la défense sur ceux des victimes.
Qui s’est soucié de la famille du jeune Adrien, en l’espèce ? Personne.
Avec le décès de leur enfant, elle a pris perpétuité morale.
La pire…
Vendin-le-Vieil: une permission délirante
La seconde affaire se situe dans la récente prison de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais.
En effet, un détenu du nouveau quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) a obtenu une permission de sortie de quelques heures suscitant l’incompréhension.
« Le chef d’établissement et le parquet ont rendu un avis défavorable, mais le juge d’application des peines a donné un avis favorable » à cette permission de sortie « travail » prévue lundi, indique une source judiciaire.
« Le parquet a fait appel » mais la chambre d’application des peines a confirmé la décision en première instance, ajoute cette même source.
Il est avéré que ce détenu, dangereux, a un rendez-vous avec un potentiel employeur, bien que sa sortie de prison ne soit prévue qu’en… 2029.
Selon une source syndicale, il s’agirait d’Ouaihid Ben Faiza, 52 ans, membre important d’un vaste réseau de trafic de drogue de Seine-Saint-Denis, qui s’était par ailleurs évadé de la prison de Villepinte en 2014.
Sa cavale avait alors duré deux semaines[2].
Il est issu d’une fratrie qui a longuement régné sur le trafic de cannabis à la Courneuve.
Il a, entre autres, été impliqué dans une fusillade qui a coûté la vie à un petit garçon de 11 ans, touché par une balle perdue, en 2005[3].
Là encore, les familles des victimes apprécieront…
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Ces détenus « sont censés être dangereux pour la société, on les met sous bulle, on met tout ce qu’il faut en termes de sécurité pour les couper de l’extérieur, et là il va sortir tout seul à l’extérieur et rentrer tranquillement le soir à 21 heures, on a du mal à comprendre », a réagi un syndicaliste d’UFAP UNSa Justice à Vendin-le-Vieil.
Ce même syndicat a parlé à très juste titre d’ « une décision totalement déconnectée des exigences, des réalités et des contraintes imposées chaque jour aux personnels pénitentiaires ».
Une nouvelle fois, un JAP, validé par la chambre d’application des peines, qui sait peut-être membre du très idéologique Syndicat de la Magistrature, dans un élan rousseauiste d’un autre temps, s’est mis en tête que c’est la société (et pourquoi pas la prison ?) qui avait perverti cet individu !
Cette décision insensée contrevient à tous les principes qui ont amené à la mise en place de telles prisons.
Les extractions de ces quartiers spéciaux sont censées être extrêmement limitées, pour éviter au maximum les transports et donc les risques d’évasion.
On se serait attendu à une réaction du ministère de la Justice.
Rien à ce jour[4]…
L’avocate du prisonnier précise : « ça ne se fait pas comme ça, une permission de sortir, il faut montrer patte blanche ».
Et de rajouter que « les gens ne sortent pas de prison comme ça, du jour au lendemain, on fait en sorte qu’ils soient accompagnés (NDLR : il n’était même pas sûr que son client le soit…).
Si on en arrive là aujourd’hui, ça veut dire que notre système fonctionne.
Bien sûr que c’est pour la réinsertion ».
Elle évoque par ailleurs le « comportement exemplaire » de son client, qui ferait preuve de « rédemption qui a été examinée, vérifiée ».
Elle est dans son rôle.
Et s’il arrive quelque chose, il est clair que tant le JAP que la chambre d’application des peines seront, au premier chef, responsables.
Et que des sanctions implacables devront s’abattre sur eux.
« La prison, c’est la privation de la liberté d’aller et venir, et rien d’autre » (V. Giscard d’Estaing)
[1] CNews 3/11/25
[2] https://www.20minutes.fr, 23/11/25
[3] https://www.rtl.fr, 23/11/25
[4] Gérald Darmanin a réagi sur Twitter après la rédaction de cet article NDLR : « La décision d’accorder une permission de sortir relève de l’autorité judiciaire, qui statue de façon indépendante.
En tant que garde des Sceaux, je ne commente jamais une décision individuelle d’un juge, malgré l’opposition du procureur de la République et du chef d’établissement de la prison, qui s’impose à tous dans un État de droit.
L’épisode concernant le détenu de la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil met en lumière un enjeu plus large : notre cadre législatif d’application des peines doit être pleinement revu face aux réalités de la grande criminalité organisée.
Ces profils particulièrement structurés et dangereux exigent des outils juridiques différents et une vigilance toute particulière.
C’est pourquoi, dans le prolongement de la loi narcotrafic, des prisons de haute sécurité et de la création du Parquet national anti criminalité organisée (PNACO), je souhaite moderniser et consolider les règles encadrant l’exécution des peines pour les criminels les plus dangereux, dans le strict respect des principes fondamentaux du droit.
Nous avons su le faire pour le terrorisme, nous le ferons contre la criminalité organisée : un droit spécifique et un juge d’application spécialisé qui connaît parfaitement les profils dangereux.
Ce sera le cas dans le prochain texte de loi que je présenterai en début d’année prochaine.
La sécurité des Français et la protection de l’ordre public resteront au cœur de mon action et de celle du ministère de la Justice »
Source et Publication : https://www.causeur.fr/haro-sur-le-jap-adrien-perez-permission-vendin-le-vieil-

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