La droite de Marine Le Pen et d’Éric
Ciotti a fait trembler, ce soir, les colonnes du palais Bourbon.
L’Histoire retiendra peut-être cette mutinerie des députés contre un
budget (PLFSS) de centre mou qui marquait des inflexions grâce à la
présence du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau mais refusait de
rompre avec la doxa qui a mené la France au désordre et à la ruine.
Plusieurs orateurs le relèveront : « Pour la première fois depuis 62 ans, un gouvernement risque d'être renversé
», dira Laurent Wauquiez, quelques minutes après que Marine Le Pen lui a
vigoureusement passé le gant de crin.
On ressent ce mercredi, dans le
chaudron de velours rouge et de bois qui abrite la représentation
nationale, le climat spécial des heures marquantes pour le pays.
« Ambitions personnelles et manœuvres de pouvoir »
Il est 17h04. La présidente du RN monte au perchoir, le visage grave,
résolu.
Jamais ce parti, durant sa longue existence, n'a eu l'occasion
de renverser un gouvernement.
Une partie des sympathisants du RN craint,
du reste, les conséquences de cette décision et s'y oppose.
À leur intention peut-être, au pupitre, Marine Le Pen redit ce qui a guidé la décision de mettre fin à « un gouvernement éphémère
» : elle exigeait la maîtrise des dépenses, le souci de ses onze
millions d'électeurs, la prise en compte des souffrances du pays.
Mais
c'est la dernière préoccupation, explique-t-elle, de ce « socle commun miné par les ambitions personnelles et les manœuvres de pouvoir qui le rongent ».
Elle accuse sans ménagement le gouvernement Barnier de « sectarisme ».
Pour Marine Le Pen, c'est simple : prolonger Barnier, c'est « prolonger l'hiver technocratique attaché au pouvoir d'Emmanuel Macron » et ses « faillites » migratoire, sécuritaire, fiscale et européenne.
À ce stade, la fille de Jean-Marie Le Pen cherche à montrer qu’elle
n’est pas l’étatiste aveugle décrite par ses adversaires politiques de
la droite et du centre.
Le RN réclamait une rupture, rappelle-t-elle :
le budget proposé s'inscrit dans la continuité des cinquante dernières
années, celles du déficit abyssal.
Dans la ligne libérale digne de Le
Pen père, la présidente des députés RN rappelle la première de ses cinq
priorités : « dégraisser l'État » et le recentrer sur ses
missions régaliennes.
Ce que promet Trump et ce que fait le libertarien
Xavier Milei en Argentine.
Barnier n’a pas tranché : « l'impôt, l'impôt, toujours l’impôt
», attaque Le Pen, répondant ainsi à ceux qui la mettent avec le NFP
dans le sac des étatistes irresponsables.
Elle évoque les retraites et
balaye « un budget technocratique sans cap ni vision, qui ne fait que dévaler la pente ».
Macron, Président destructeur
Contredisant la version d’un Barnier, Marine Le Pen n'a constaté que « de petits pas timidement et tardivement tentés qui ne sont pas des concessions mais des miettes ».
Conclusion : « La politique du pire, c'est de ne pas censurer un tel gouvernement, un tel effondrement », exécute Le Pen, qui tourne soudain ses flèches vers Emmanuel Macron, stigmatisant ce Président « qui s'est ingénié sans discontinuer à déconstruire tout ce qu'il pouvait » : la préfectorale, le corps diplomatique...
Marine Le Pen n'appelle pas formellement à la destitution, « je laisse cela aux cheguevaristes de carnaval qui sans nul doute se reconnaîtront », lance-t-elle à l'intention de la gauche.
Mais si Macron décide de rester à l’Élysée, il devra se résoudre « au respect de l'Assemblée nationale, des élus, des citoyens, de la logique démocratique
», menace-t-elle.
Les oreilles de l’hôte de l’Élysée, invité à se faire
petit, ont dû siffler.
Joindre ses voix à celles des élus NFP, c'est
pour elle un simple outil pour éviter l'application d'un « budget toxique », explique-t-elle.
« Nous ne les considérerons jamais comme des alliés
», prévient Marine Le Pen, avant de voter pour un texte qui ne la
ménage pas...
Elle rappelle, au passage, que ceux qui lui font la leçon
ont eu moins d'états d'âme face aux désistements LFI-LR-macronistes,
lors des dernières législatives.
Marine Le Pen retrouve un souffle épique pour dire sa volonté de « renouer
avec le sursaut et la grandeur avant que se profile la grande
alternance.
Ce jour viendra bientôt. Ce sera là le choc d'espérance
qu'attend la France. »
La droite se lève et applaudit longuement, debout.
« Seule la censure peut protéger les Français »
Ce n'est pas fini. Après les propos de Wauquiez et Vallaud, Ciotti reprend la sulfateuse et remet le couvert.
Il dénonce « un budget socialiste », considère que les lignes rouges fixées il y a six mois, lorsqu'il présidait les LR, ont été franchies et revient sur « l'accord de la honte »
au second tour des législatives.
Lui aussi dénonce un budget récessif
et un pouvoir incapable de faire des économies, soutenu par une « pseudo-droite » qui s'est reniée et sombre dans une taxation aveugle des Français qui travaillent. Wauquiez subit...
Pour Ciotti, « seule la censure peut protéger les Français de votre budget récessif
», lance-t-il à Michel Barnier, et il remarque avec perfidie, toujours à
l'intention de la droite, que, ce mercredi, les marchés financiers ont
été davantage rassurés par l'hypothèse de la fin du gouvernement Barnier
que par la perspective de la censure.
À 20h28, le résultat tombe : les
députés censurent le gouvernement Barnier par 331 voix - il en fallait
288.
Le 4 décembre restera peut-être comme une étape dans la rupture
d'une partie des représentants du peuple avec ce centre mou
tout-puissant en France depuis de Gaulle et Pompidou.
Mais, quoi qu'en
dise le RN, la censure du gouvernement Barnier ouvre une période
d'incertitude pour la France.
Le visage attentif et réjoui de Mélenchon,
présent dans les tribunes de l'assemblée pendant les débats, rappelle
que la menace d'un gouvernement avec l'extrême-gauche n'est pas écartée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire