«Et si la censure aboutissait aux pleins pouvoirs d’Emmanuel Macron ?»
La censure du gouvernement Barnier serait une faute politique très grave, estime la directrice de l’iFrap*.
Loin de faire démissionner le président, elle pourrait au contraire inciter Emmanuel Macron à recourir à l’article 16 de la Constitution pour assurer la continuité de l’État.
Par Agnès Verdier-Molinié
«Et si la censure aboutissait aux pleins pouvoirs d’Emmanuel Macron ?»
La censure du gouvernement Barnier serait une faute politique très grave, estime la directrice de l’iFrap*.
Loin de faire démissionner le président, elle pourrait au contraire inciter Emmanuel Macron à recourir à l’article 16 de la Constitution pour assurer la continuité de l’État.
* Dernier livre paru d’Agnès Verdier-Molinié : « Où va notre argent ? » (L’Observatoire, 2023).
Nous vivons en bouffonnerie.
Les acteurs principaux sont nos députés de la nation.
L’excitation qui monte autour du projet de censure du gouvernement à l’occasion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est malsaine.
Pour de la politique politicienne, pour déclencher une présidentielle anticipée début 2025, les députés LFI, Verts, socialistes ou RN seraient prêts à nous emmener vers un chaos économique et financier sans précédent ?
Et si, en réalité, leur manœuvre avait l’effet inverse ?
Si la dissolution déclenchée par le président de la République restera gravée comme une faute historique, la censure du gouvernement Barnier serait une faute politique encore plus grave.
Une faute qui peut nous emmener vers une crise de la dette.
Crise de la dette qui se muerait immanquablement en une crise économique pour la France.
Déjà, depuis la dissolution, l’attentisme et l’incertitude ont pénalisé notre richesse nationale.
Les nuages noirs s’accumulent au-dessus de nos têtes entre plans sociaux, remontée du chômage, recettes publiques en berne, investissements en décélération et consommation à l’arrêt…
Ceux qui veulent voter la censure doivent avoir en tête qu’ils seront donc potentiellement responsables d’une attaque sur la dette française, d’une récession et d’une potentielle intervention du FMI en FranceAgnès Verdier-Molinié
Les marchés qui nous prêtent dans les 300 milliards chaque année pour financer la France à long terme ne pourraient accepter que nous ne soyons pas en mesure de prélever les impôts et donc de ne pas pouvoir rembourser dans les temps les titres venant à échéance…
Nous empruntons de plus en plus cher par rapport à l’Allemagne et nous nous rapprochons des taux grecs…
Si la censure du gouvernement était votée, alors cela fragiliserait davantage la signature de la France sur des marchés qui, depuis la dissolution, ont réagi à chaque moment où l’incertitude politique a paru l’emporter ; la sanction est simple et douloureuse, c’est une augmentation inédite de nos taux souverains et du service de notre dette publique.
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Une motion de censure serait responsable aussi d’une montée des taux d’emprunt immobilier pour les ménages alors que le marché du logement va déjà mal.
Les entreprises aussi emprunteraient à des taux plus élevés.
Sans parler bien sûr des collectivités locales…
Que dire de la ville de Paris qui est surendettée et s’endette à taux courts pour alimenter sa trésorerie ?
La Bourse aussi serait malmenée, nos grandes entreprises françaises avec.
Et, forcément, l’épargne de nos concitoyens. Ce n’est donc pas seulement un sujet budgétaire, loin de là.
Ceux qui veulent voter la censure doivent avoir en tête qu’ils seront donc potentiellement responsables d’une attaque sur la dette française, d’une récession, voire à moyen terme d’une potentielle intervention du FMI en France.
Ce n’est pas un jeu. C’est très sérieux.
On peut formuler tous les reproches au budget 2025 qui n’est certes pas parfait mais la France et les Français ne méritent pas un tel acharnement collectif de nos élus vers l’autodestruction.
Surtout quand les mêmes élus poussent depuis des années vers toujours plus de dépenses publiques et donc toujours plus de déficit et de dette sans proposer beaucoup d’économies en contrepartie.
C’est sur la loi de financement de la sécurité sociale 2025 qu’a priori la motion de censure risque d’être votée la semaine prochaine suite à l’utilisation du 49.3.
Après la censure, pourrait-on malgré tout adopter le budget de la Sécu ne serait-ce que pour pouvoir verser les pensions ?
Il faudrait sans doute en passer par une loi spéciale autorisant l’ACOSS, la banque de la sécurité sociale (article 13 LFSS) à s’endetter, sinon certaines dépenses ne pourraient être financées (santé et retraites), portant atteinte à la continuité de la vie de la nation.
Cette loi pourrait être adoptée ultérieurement.
Si le premier ministre n’utilisait pas le 49.3, il pourrait passer par ordonnance le PLFSS en cas d’épuisement du délai des 50 jours avant le terme des discussions mais risquerait une motion de censure derrière à tout moment.
Si les mêmes qui ont décidé d’actionner l’arme nucléaire de la motion de censure réalisaient alors que l’heure est grave et que le chaos nous menace, ils reprendraient peut-être leurs esprits pour adopter la loi spéciale et assurer la continuité de l’État.
Agnès Verdier-Molinié
Pour ce qui est d’adopter le budget de l’État, deux options sont sur la table : passer le budget 2025 par ordonnances si le Parlement dépasse le délai de 70 jours depuis le dépôt du PLF sans se prononcer.
Cela pourrait intervenir à partir du 21 décembre.
Avec l’option ordonnances, c’est le projet de loi de finances 2025 tel qu’il a été déposé qui entre en vigueur, il n’y a pas de vote d’habilitation du Parlement car ce sont des ordonnances spéciales.
En revanche, il pourrait y avoir ultérieurement un vote de ratification.
Deuxième option, si le
Parlement s’est prononcé en rejetant le texte sur le PLF, il n’y aurait
pas de possibilité de passer par ordonnance en vertu du principe du
consentement à l’impôt.
Il faudrait utiliser une loi spéciale autorisant la perception des impôts existants et prendre des décrets reconduisant les crédits de l’année précédente avant de poursuivre la discussion du PLF en janvier.
La loi spéciale devrait être votée au Parlement.
Si les mêmes qui ont décidé d’actionner l’arme nucléaire de la motion de censure réalisaient alors que l’heure est grave et que le chaos nous menace, ils reprendraient peut-être leurs esprits pour adopter la loi spéciale et assurer la continuité de l’État.
Mais si l’entêtement dominait et que l’Assemblée nationale, dans la lignée de la motion de censure, rejetait cette loi spéciale, alors l’effet serait inverse à l’objectif affiché.
Au lieu d’acculer le président à la démission, une obstruction systématique sur le budget 2025 pourrait pousser de facto le président de la République à faire jouer les pleins pouvoirs pour adopter lui-même le budget 2025 avant la fin de l’année
. Et ce, car les institutions de la République seraient menacées et parce que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics risquerait d’être interrompu.
Avis aux apprentis sorciers de la censure.
Agnès Verdier-Molinié
Directrice générale de l’IFRAP
Copyright en cas de citation de l’article : LE FIGARO
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