[ÉDITO]

 La France qu’aime Donald Trump (et celle qu’il déteste)

@U.S. Embassy in France/Wikimedia Commons
@U.S. Embassy in France/Wikimedia Commons

On est bien d’accord : en France, il est convenu de détester Trump.

 Tout du moins, lorsqu’on est quelqu’un de convenable. 

D’ailleurs, inciter à la haine de Trump relève plus de la mesure de salut public que du tribunal correctionnel. 

Visiblement, ça n’aura pas suffi pour faire barrage à la bête.

 Preuve que la majorité des citoyens américains n’a que faire des états d’âme du Bobostan français.

 Mais, au fait, une question nous vient à l’esprit : cette détestation est-elle réciproque ? 

La réponse pourrait tenir en une phrase : Trump aime une certaine France, mais en déteste une autre. Commençons par ce qu’il n’aime pas du tout chez nous.

« La France n'est plus la France »

 

En février 2016, alors qu’il n’était que candidat à l’investiture républicaine, Trump, interviewé par André Bercoff pour Valeurs actuelles, avait longuement parlé de la France et précisé qu’il était venu de nombreuses fois à Paris

. Il n'est pas de ces Américains (ingrats !) qui considèrent notre pays comme un confetti sur le globe. 

C’était peu de temps après le Bataclan. 

Il lui avait dit que pour lui « Malheureusement, la France n’était plus ce qu’elle était, et Paris non plus ». 

Il avait rajouté qu’il « y avait des quartiers dont on avait l’impression qu’ils étaient devenus hors la loi. » 

Ça se voit même depuis les States ? 

Plus largement, parlant de l’Europe, il accusait Angela Merkel d’avoir commis une « grave erreur » en matière migratoire.

 Pour lui, « ce qui se pass[ait] en Europe peut conduire à l'effondrement de celle-ci ». 

Ceci, évidemment, incluait la France. 

Quelques mois plus tard, en juin 2016, il disait que « la France est un pays triste ». Pas faux. Et un pays triste est un triste pays.

 En juillet 2016, lors d'une conférence de presse en Floride, quelques jours après l’assassinat du père Hamel, il récidivait : « Ils ne vont pas m'aimer pour dire ça, mais regardez ce qui s'est passé à Nice », il parlait de l’attentat du 14 juillet, et « Vous avez vu ce qui s'est passé hier avec le prêtre (...) La France n'est plus la France ».

 Cela avait fait réagir le Premier ministre Manuel Valls de l’époque qui avait répondu « La France est toujours la France et la France est forte ».

 Celui-ci dirait-il la même chose aujourd’hui ? 

Toujours en juillet, 2016, il déclarait que la France et l'Allemagne « sont infectées par le terrorisme (…) Et vous savez quoi ? C’est leur faute. Parce qu’ils ont laissé des personnes entrer sur leur territoire. » Comment lui donner tort ?

Trump, chez nous, ne goûte guère, non plus... les Parisiens, ces New-Yorkais français : quand il décide de faire sortir son pays de l’accord de la COP 21, il déclare sèchement « avoir été élu pour les habitants de Pittsburg, pas de Paris ».

 Anne Hidalgo, jumelle de Kamala Harris en moins virevoltante, n’est pas son amie.

 Et puisqu’on parle de la capitale, il n’a pas du tout aimé la dernière cérémonie d’ouverture des JO : « une honte ». 

Il n'est pas le seul. 

Il a promis que s’il était réélu président des États-Unis (il l'est !), à Los Angeles, en 2028, « nous n’aurons pas de Cène dépeinte comme ils l’ont fait l’autre jour ».

 À bon entendeur salut !

« Your History is great »

 

Mais Trump est aussi entier dans ses coups de cœur que dans ses coups de gueule. 

La France n’y échappe pas !

 La France, rappelons-le, un pays qu’il a visité quatre fois durant son mandat présidentiel : 2017, commémoration du centenaire de l’entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale, 2018, centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, 2019, 75e anniversaire du Débarquement en Normandie et G7 de Biarritz. 

Alors, qu’aime donc Trump en France ?

Indéniablement, son passé. 

Les Invalides, le tombeau de l’Empereur, celui du maréchal Foch, Versailles, bien sûr ! « Your History is great », s’était-il exclamé en suivant le guide Macron en 2017.

 Et puis Notre-Dame ! « C'est si terrible d'assister à ce gigantesque incendie à Notre-Dame de Paris. Peut-être faudrait-il utiliser des bombardiers d'eau pour l'éteindre.

 Il faut agir vite », avait-il très vite tweeté, en 2019.

 Notre-Dame, « l'un des grands trésors du monde », s’était-il exclamé lors d’un meeting.

Mais la France n’est pas qu’un musée ou une galerie de portraits. 

Trump aime l'organisation des élections françaises, cocorico ! Il l'a citée en exemple récemment, il la pense moins sujette aux fraudes, que celle américaine (ce qui n'est pas difficile). 

Et dans le registres des sources d'inspiration, il y a aussi le défilé du 14 juillet. 

Après y avoir assisté en 2017, il voulait le même à la maison, pour le 4 juillet. Il sait reconnaître aussi les héros français, les vrais. 

Comme le colonel Beltrame. 

Le 24 avril 2018, c’était devant la Maison Blanche, en présence d’Emmanuel Macron lors d’un voyage officiel, un mois jour pour jour après le drame de Trèbes.

 Les témoins racontent que l'hommage était d'autant plus inattendu et frappant  qu' Emmanuel Macron, lui, n’en avait pas soufflé mot.  

 

Donald Trump prend la parole et commence ainsi  : « Il y a à peine quelques semaines, nous avons ajouté un nouveau nom à la liste de nos grands héros, (celui d)'un courageux policier français nommé Arnaud Beltrame.

 Le colonel Beltrame a regardé le mal en face et n’a pas cillé. 

Il a donné sa vie pour ses voisins, pour son pays et pour la civilisation elle-même . 

» Attention, m'est avis que Clint Eastwood sortira un blockbuster sur lui avant le cinéma français !

 

Trump n’est peut-être pas si détestable, au moins pour ceux qui aiment la France.


Gabrielle Cluzel
Par Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste     https://www.bvoltaire.fr/edito