[HISTOIRE] 

Martin de Tours, le saint oublié du 11 novembre

La mort de Saint Martin, par Simone Martini © Wikipedia Domaine public
La mort de Saint Martin, par Simone Martini © Wikipedia Domaine public

Le 11 novembre, nous rendons hommage aux millions de disparus de la Grande Guerre. 

Cependant, depuis plus d'un siècle, ces commémorations ont relégué au second plan la fête d'une grande figure de notre Histoire, dont l'héritage spirituel et culturel a profondément marqué notre pays. 

Saint Martin de Tours, véritable pilier de l'évangélisation de la Gaule au IVe siècle, a joué un rôle essentiel dans la christianisation de la Gaule, contribuant à faire de celle-ci la fille aînée de l'Église.

 Par son zèle missionnaire et son humilité, Martin, l’apôtre des Gaules, incarne ainsi la conversion des peuples et des âmes, à commencer par la sienne.

 

Un long chemin de catéchuménat

Né en 316 en Pannonie, dans la Hongrie actuelle, Martin grandit dans une famille païenne avant de découvrir le christianisme en Italie. 

Bien que son désir soit de suivre la foi chrétienne, il entre dans l'armée romaine sous la pression de son père, lui-même soldat au service de Rome.

Ce dernier a même prénommé son fils en l’honneur de Mars, le dieu de la guerre. 

Cependant, le destin de Martin n’est pas de suivre les préceptes des divinités romaines.

 Envoyé en Gaule, près d’Amiens, il rencontre sur les routes gelées de la Somme un mendiant grelottant de froid.

 Dans un geste de charité qui deviendra légendaire, Martin partage son manteau en deux pour le couvrir. 

Cette action marque un tournant spirituel. 

La nuit suivante, il rêve du Christ et le voit vêtu du même manteau qu’il a donné au pauvre mendiant.

 Le Messie aurait dit alors aux anges qui l’entouraient : « C’est Martin, qui n’est pas encore baptisé, qui m'a couvert de ce manteau. » 

À son réveil, le jeune homme est bouleversé.

 Désormais, sa vie doit être entièrement au service du Christ et non plus à celui des armes.

Pourtant, il doit encore assumer ses devoirs militaires.

 Face à l'empereur, il demande sa libération, affirmant, selon Sulpice Sévère : « Jusqu’ici, je vous ai servi, César ; permettez que je serve Dieu maintenant : que ceux qui doivent combattre acceptent vos dons ; moi, je suis soldat du Christ, il ne m’est plus permis de combattre. »

 Soupçonné de lâcheté par l’empereur qui doit combattre bientôt les Alamans, Martin propose alors d'affronter cet ennemi sans armes, se fiant uniquement à la protection divine.

 L’empereur ordonne l’arrestation de Martin mais le libère dès le lendemain matin lorsqu’il apprend avec joie que les barbares décident de se rendre.

 

L’apôtre des Gaules

Désormais libre de ses obligations militaires, Martin souhaite vivre une vie simple et humble au service de Dieu.

 Après avoir été enfin baptisé, il décide de rejoindre Poitiers, où il devient le disciple de saint Hilaire. 

Cherchant une vie de solitude et de prière, il fonde en 360 le monastère de Ligugé, le premier en Occident. 

Cependant, l’influence et l’aura de Martin s'étendent rapidement en Gaule. 

Ainsi, en 371, les habitants de Tours le réclament comme évêque. Selon la légende, Martin, souhaitant échapper à cet honneur, se cache dans une étable, mais des oies, alertées par sa présence, trahissent son emplacement. 

Contraint de sortir, Martin accepte finalement la demande de la population. 

Dès lors, selon la tradition, il serait de bon goût de manger une oie chaque 11 novembre, jour de la Saint-Martin.

En tant qu'évêque, Martin poursuit une vie austère et de prière. Il s’attelle aussi à lutter contre les hérésies en suivant l’exemple de saint Hilaire. 

Il participe également à l’évangélisation de la Gaule en faisant reculer le paganisme, encore extrêmement présent dans les campagnes reculées.

 Pour cela, il n’hésite pas à remplacer les temples païens par des églises et à renforcer les communautés chrétiennes en organisant les premières paroisses. 

L’œuvre de Martin est telle qu’on le dit doté du don de guérison. Ainsi, il accomplissait des miracles tels que le rétablissement des malades et même la résurrection des morts.

 

Entre Poitou et Touraine

Mais pour Martin, tous ces miracles ne sont pas de son fait mais sont des dons de Dieu qui doit être le seul à remercier.

 C’est ainsi humblement que Martin continue sa mission terrestre. 

Néanmoins, en novembre 397, sentant la mort s’approcher de lui, notre évêque de Tours décide de se retirer à Candes, un petit village au confluent de la Vienne et de la Loire. 

Ce lieu est alors bien symbolique, à mi-chemin entre Tours et Poitiers, deux lieux extrêmement importants dans sa longue vie de chrétien. 

Martin, acceptant son sort et rendant grâce à Dieu pour la longue vie qu’il lui a accordée, rend ainsi paisiblement son âme, le 8 novembre 397. 

Son corps, disputé entre les Poitevins et les Tourangeaux, aurait alors été emmené discrètement par ces derniers jusqu’à Tours où il fut inhumé le 11 novembre 397. 

Son tombeau devient alors rapidement un lieu de pèlerinage sur lequel sont établies une chapelle, puis une basilique. 

Au fil des siècles, ce sanctuaire attira aussi bien les plus puissants souverains que les gens les plus humbles. 

C'est ainsi que le roi de France était chanoine de Saint-Martin. 

Ce haut lieu de pèlerinage témoignait ainsi de l'importance de saint Martin, qui aura contribué à faire de la Gaule et de la France une terre chrétienne. 

Un saint Martin que le maréchal Foch n'oublia cependant de remercier en offrant un ex-voto à la basilique Saint-Martin de Tours, au lendemain de la Grande Guerre. 

Eric de Mascureau
 
Par Eric de Mascureau 
 
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art