vendredi 19 septembre 2025

MACRON ET LE NAUFRAGE DE LA FRANCE ? POLITIQUE FICTION ?

 REVUE DE PRESSE !

Toute ressemblance avec notre pays serait fortuite

Résultat de recherche d
« Si la civilisation n’est pas dans le cœur de l’homme, eh bien ! Elle n’est nulle part…

 Chaque civilisation a les ordures qu’elle mérite… » (Georges Duhamel).

 

Cet article m’a été inspiré lors d’un déjeuner récent avec un ami, ancien collègue de travail, avec lequel nous égrainions des souvenirs.

 Nous avons été, lui et moi, inspecteurs IARD (1) dans une société d’assurance qui se portait plutôt bien tant qu’elle était dirigée par des gens qui n’étaient pas forcément des génies mais qui avaient du bon sens, le goût du travail, une éthique personnelle, des valeurs – certes un peu paternalistes ! – et une culture d’entreprise. 

La culture d’entreprise, c’est comme le patriotisme : on devrait être attaché à la société qui nous fait vivre comme à notre patrie. 

Ceux qui disent, « cette boite » en parlant de leur employeur sont les mêmes qui disent « ce pays » en parlant de la France, comme si ce n’était pas le leur (et bien souvent, ce n’est pas le leur !).

Au début des années 80, quand nous sommes entrés dans la société, lui sortant de fac et moi, déjà trentenaire, venant d’une autre compagnie d’assurance, notre patron nous a expliqué que nous devions recruter des « provinciaux enracinés », attachés à leur région et la connaissant bien, pas des mercenaires ou des pigeons voyageurs qui changent de job tous les deux ans.

 Ce discours allait à l’encontre de ce que préconisaient toutes les formations commerciales de l’époque. Notre société comptait à peine 100 000 clients, ce qui est peu, mais elle n’aspirait pas à jouer dans la cour des grands. 

Nous préférions nous développer sur des marchés de niches quand d’autres assuraient leur développement avec tous types de clientèle, sans trop se soucier de leurs résultats techniques. Pour Sully, ministre d’Henri IV, « pâturage et labourage » étaient « les deux mamelles de la France ». 

Chez nous « sélection et prévention » étaient la garantie d’une bonne gestion. Nous voulions des clients, mais surtout de bons clients (2). 

Et le fait de les assurer dans les trois branches – automobile, incendie et assurances de personne – était un gage de fidélisation. 

Nos clients, nous les gardions presque dix ans (3).

 Cette sélection était un frein à la « productionite aiguë » mais la société vivait bien. Nos frais généraux étaient élevés, mais une sélection drastique nous permettait de rester compétitifs. 

Nous répondions aux besoins de notre clientèle à des tarifs abordables.

Dans les années 90, avec l’ouverture au marché européen, le monde de l’assurance a changé à grands coups de rachats, d’alliances, de fusions-absorptions, ou de disparitions pures et simples…
Notre secteur aura été une nouvelle sidérurgie. Les sociétés ont multiplié les plans sociaux ; elles ont licencié à tour de bras.

 Beaucoup d’acteurs plus ou moins grands ont disparu (« l’UAP », « Présence », « La Préservatrice » etc.). 

Ce grand chambardement n’a pas ému grand monde car le licenciement d’un « col blanc » frappe moins l’opinion que celui d’un prolo. 

Et puis c’était un temps où Bruxelles et la mondialisation de l’économie commençaient à laminer nos industries et à tuer nos emplois.

 Finie la « mondialisation heureuse », le pays découvrait l’« euro-chômage ». Notre petite société, elle, a surnagé.

 Elle perdait les avantages des mutuelles professionnelles, elle était soumise au BIC, mais elle traçait sa route. 

 

Elle était bien gérée et son réseau, bien formé, était très professionnel.

Tout a changé en peu de temps avec le remplacement des cadres dirigeants. Notre directeur général, plutôt que de confier les rênes de l’entreprise à ses cadres internes – ceux qui avaient fait la société – a, par lâcheté, fait appel à des chasseurs de tête. 

Le comité de direction est devenu l’armée mexicaine : un directeur général, un directeur technique, un directeur commercial, un DAF (4) à la place 

du comptable, une DRH (5) à la place du chef du personnel, plus un directeur de l’informatique. Nous avions dorénavant un directoire conséquent, comme les grosses boites, mais encore eut-il fallu qu’il soit compétent.

 Hélas, un titre ronflant n’a jamais été un gage de compétence.
 

La politique de recrutement a changé. Les nouveaux inspecteurs étaient des jeunes loups aux dents longues. 

Chez les commerciaux, on voulait des tueurs, des vendeurs « à l’arrache ». 

On prônait la vente en « one shot » (6) qui s’est avérée catastrophique : « turn over » important dans le réseau, perte de clients, dégradation de nos résultats techniques et absence de développement.

Nous, les anciens, qui avions labouré le terrain pendant des décennies, nous étions ringards, « has been », de surcroît des gens grassement payés osaient nous dire que nous coûtions trop cher.

Vieil inspecteur général, on m’a « placardisé » (7) en me nommant responsable d’un service -pompeusement baptisé « département » – chargé de superviser notre réseau commercial. 

En fait, c’était une coquille vide comme il en existe dans de nombreuses entreprises, surtout depuis que le marketing et la communication ont supplanté les techniciens.

 Les sociétés du secteur privé n’ont rien à envier à la fonction publique : les gens inutiles y pullulent, sur le dos de ceux qui travaillent. 

Mon service pondait des rapports, des statiques et des analyses que la direction lisait en diagonale avant de… les enterrer.

 On me désignait parfois comme chef de projet  de « commissions » technico-commerciales censées plancher sur l’opportunité de s’ouvrir à de nouveaux marchés ou de créer un produit nouveau.

 Notre directeur général était un petit homme excité comme Sarkozy et frappé de diarrhée verbale comme Macron. 

Pétri de certitudes, il ne voulait plus qu’on limite notre offre à l’assurance. 

Selon lui, il fallait « optimiser nos ventes en proposant d’autres offres » (quel pathos !). Il m’avait dit : « Il faut offrir au client tout ce dont il a besoin ».

 Je lui avais répondu, sans rire : « Soyons logiques jusqu’au bout : il nous faut vendre des couteaux suisses et des… préservatifs ; tout homme normal en a forcément besoin un jour ». 

Totalement hermétique à la plaisanterie, il n’avait pas prisé mon humour. 

Cette fin de carrière fut, pour moi, une overdose de « réunionite », un sentiment d’inutilité, et l’impression de perdre mon temps (et accessoirement, de voler mon salaire).

Un jour, on m’imposa un nouvel « adjoint » qui venait de la région parisienne. Un type jeune, diplômé d’une vague école de commerce après bac, imbu de sa personne et sentencieux comme une dame patronnesse.

 Comme je me pique de quelques notions de morphopsychologie, je lui trouvais l’air franc… comme un âne qui recule. 

En fait, il était l’archétype du lèche-botte et du faux-cul.

 Notre réseau commercial l’affubla du surnom de « Moulinex » car il n’avait pas son pareil pour brasser de l’air.

 D’autres l’appelaient « MAM » – comme Michèle Alliot-Marie – car, avant de venir au siège social, il avait travaillé dans notre agence de Melun. Il n’y avait pas fait des étincelles, ses résultats n’étaient pas probants, mais il commençait ses phrases par « Moi à Melun ».

 Il me faisait penser à Bérégovoy jeune, celui que Mitterrand appelait « l’enflure ». 

Il transpirait la fatuité et la suffisance. À peine nommé, en larbin servile, il entreprit un laborieux travail de cire-botte auprès de sa hiérarchie.

Piètre technicien, inculte mais pas totalement idiot, il comprit vite que son patron direct était sur une voie de garage et qu’il n’avait aucun intérêt à le flagorner, d’autant plus que ce dernier était hermétique au « fayottage ». 

Je cire mes pompes moi-même, au propre comme au figuré. Il essaya donc de lécher les bottes de l’échelon supérieur, notre directeur du développement (8), mais celui-ci passait son temps à faire du tourisme à l’extérieur pour justifier son job.

 Lui non plus ne servait à rien, il occupait juste un poste dans l’organigramme de la société. 

Contrairement à moi, il n’avait pas l’impression de voler ses émoluments puisqu’il avait fait ça toute sa vie. 

« Moulinex » entreprit donc de draguer carrément le directeur général.

 Chaque semaine, ce fayot, en bon élève et en as du « tableur excel », demandait à être reçu par le DG et lui présentait les résultats des agences classés par ordre décroissant.

 Les commerciaux dépassant leurs objectifs étaient surlignés en vert, ceux qui s’en approchaient étaient en orange et les autres, les cancres, étaient en rouge. 

C’était d’autant plus cocasse que « Moulinex », qui distribuait les bons et les mauvais points, n’avait jamais atteint ses objectifs quand il sévissait en agence. Illustration du fameux « Principe de Peter »(9) il avait atteint son niveau d’incompétence mais ça plaisait à notre DG.

 L’honnêteté m’oblige à reconnaître que mon adjoint faisait ce qu’il fallait pour se faire bien voir.

Quand le DG était au siège, il arrivait à son bureau avant lui et partait après lui. 

En revanche, quand le boss était à l’extérieur – ce qui arrivait souvent – on le voyait arriver à 9 heures et repartir avant 18 heures. 

Quand j’ai pris ma retraite, « Moulinex » a été nommé à mon poste. 

Deux ans plus tard, il était nommé directeur technique, mais la technique n’étant pas son fort, il fut rapidement exfiltré et nommé directeur du développement.

 Il ne brilla pas non plus à ce poste. 

Je n’en fus pas surpris : je crois à la valeur de l’exemple. On m’a inculqué ça chez les paras.

 Or mon ex-adjoint était mal placé pour montrer l’exemple.

 Bureaucrate, rat de siège, technocrate, il répugnait à aller « mouiller le maillot » sur le terrain. Bavard et donneur de leçons, il faisait partie de ces gens plus prompts à l’extinction de voix, qu’à la sueur et aux ampoules aux mains…


J’ai appris récemment qu’il est maintenant N°2 de la boite.

 Les résultats de l’entreprise sont mauvais ; elle perd de l’argent et des clients, mais son directoire n’en a cure.

Ces messieurs iront tous jusqu’à leur retraite.

 L’assurance est la seule activité qui fonctionne malgré une « inversion du cycle de production ».

 En effet l’assureur vend un produit – le contrat – dont il ne connaît pas le prix de revient, car le prix de revient c’est le règlement des sinistres. 

L’État et maintenant l’UE lui imposent des « marges de solvabilité » lui permettant de couvrir plusieurs années de sinistres.

 Une société d’assurance ne fait pas faillite, mais elle peut cependant faire l’objet d’un « retrait d’agrément(s) » si sa trésorerie ne lui permet plus de payer ses sinistres, ce qui n’arrive quasiment jamais. 

Les rats peuvent donc survivre longtemps dans le fromage !

Beaucoup de sociétés tournent grâce aux qualités techniques et/ou commerciales de leurs cadres intermédiaires. 

Pour ma part, j’étais inspecteur général à 40 ans, je l’étais encore à 60, et durant mes 10 dernières années de carrière, mon pouvoir d’achat a baissé de 20 % (comme celui de beaucoup de cadres ; je ne fais pas de paranoïa !). 

Mais finalement, c’est sans doute une chance.

 Né en 1949, on me demandait 161 trimestres de cotisations pour pouvoir partir en retraite. 

J’ai validé 162 trimestres et je suis parti. Je n’ai aucune nostalgie de mon métier; j’ai tourné la page avec une rapidité dont j’ai été le premier surpris. 

J’ai aimé ce métier, avec passion et sans compter mes heures ni ma fatigue. 

Il a changé ; il évolue disent les optimistes béats et les imbéciles.

 Mais je n’étais pas mûr pour ce changement : remplacer la technique par du marketing, la « recherche du besoin » du client par des produits standardisés, le contact humain par un échange de mails ; vendre, en plus de l’assurance, du crédit, des produits bancaires, de la réparation automobile, des téléphones portables demain… 

Ce n’était plus mon métier. Il était temps que je parte !

Pourquoi, me direz-vous, raconter ce morceau de vie ? 

Parce que beaucoup de boites sont dirigées par des incapables, voire des nullités. 

Mal gérées, elles en crèvent : l’arrogance, le mépris du personnel, l’incompétence institutionnalisée et le management par le stress sont devenus la règle.

Mais j’ai envie de conclure en disant que toute ressemblance avec un pays de l’« Euroland » dirigé par un mégalomane narcissique et par un chef de gouvernement d’une servilité reptilienne, serait purement fortuite. 

La « startup-nation », elle aussi, va dans le mur !

 

Par Eric de Verdelhan

1)- IARD : Incendie, Accidents et Risques Divers
2)- Plus précisément des « sociétaires » car nous avions encore le statut de mutuelle professionnelle avant que Bruxelles ne s’en mêle.
3)- Quand d’autres acteurs du secteur gardaient leurs assurés moins de cinq ans.
4)- Directeur Administratif et Financier
5)- Directrice des Ressources Humaines
6)- Vente à l’arraché, dès la première visite
7)- Et sédentarisé, ce qui était un bon moyen de me pousser à prendre ma retraite.
8)- Paradoxe d’une époque qui se gave de mots creux. Le titre de directeur commercial avait été remplacé par celui de directeur du développement alors que l’entreprise ne se développait plus.
9)- « Le principe de Peter » est une loi empirique relative aux organisations hiérarchiques proposée en 1969 par Laurence J. Peter et Raymond Hull dans leur ouvrage « The Peter Principle ».

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