[POINT DE VUE]
Note de la France dégradée : une sanction de la Macronie prévisible

L'agence Fitch a donc, une fois de plus, dégradé la note de la France en tant qu'emprunteur souverain de AA- ou A+. Mais il s'agit là d'une sanction tout à fait prévisible, qui reflète notre discrédit financier.
Une notation très rationnelle
Les agences de notation sont des entreprises comme les autres. Elles vendent à leurs clients des informations sur la sécurité de leurs placements lorsqu'ils achètent de la dette de tel ou tel emprunteur, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un État. Or, les prêteurs, comme tout agent économique, éprouvent une aversion vis-à-vis du risque.
S'agissant de la dette, le risque principal est celui de la défaillance. Un emprunteur souverain, mis à part la Russie en 1919, ne répudie jamais totalement sa dette et se garde bien de se déclarer en faillite ; car il se ferme alors durablement tout accès ultérieur aux marchés financiers.
Le véritable risque est celui d'un incident de paiement du fait d'une insolvabilité temporaire. En pareil cas, le FMI préconise une purge ; moyennant quoi, l’État défaillant se voit accorder un prêt consolidé, à plus long terme et à des conditions souvent moins favorables : les prêteurs initiaux y laissent généralement des plumes.
Dans le cas de la France, le risque-pays se résume donc à l'éventualité du différé d'un paiement d’intérêts ou de remboursement de notre dette publique ; et ce, à moyen ou à long terme sur la durée de nos emprunts obligataires qui peut aller jusqu'à dix ou trente ans.
La dégradation de notre « rating » revêt donc une signification claire : il existe une probabilité croissante que la République française rencontre, à moyen terme, des difficultés financières majeures, car les intérêts de sa dette absorberont une part insupportable de ses ressources budgétaires.
Le discrédit de la Macronie
Si les analystes financiers attribuent à la France un risque-pays de plus en plus élevé, c'est parce qu’ils ne croient plus nos gouvernants capables de résorber notre déficit budgétaire : notre dette publique va donc continuer à croître, et ce, avec des coûts de plus en plus élevés du fait de la prime de risque.
Pour sortir de cette spirale infernale, selon le Cercle national des économistes, il eût fallu à l’État dépensier une purge budgétaire visant à enrayer notre déficit primaire hors dette, soit la bagatelle de 90 milliards d'euros par an (en suppression de dépenses et/ou en augmentation d’impôts).
Le gouvernement Bayrou en était très loin, avec une diminution réelle du déficit de 24 milliards, année sur année. À partir du moment où le nouveau Premier ministre se prépare à lâcher la bride sur le terrain des retraites, il ne pourra atteindre les objectifs (trop modestes) du gouvernement Bayrou qu'en aggravant un fiscalisme qui décourage d'ores et déjà les initiatives individuelles.
Reste à examiner, dans les prochaines semaines, quelle sera la hausse des rendements obligataires exigés par les prêteurs souscrivant à de la dette française.
[STRICTEMENT PERSONNEL] La République, cahin-chaos

C’était en 1968. Au joli mois de mai. Jamais le carnaval n’avait été aussi tardif, ni la chienlit si plaisante. « De Gaulle au musée ! »… « De Gaulle à l’usine ! »
Les joyeux cortèges qui sillonnaient les rues bordées d’arbres abattus et de voitures calcinées rivalisaient d’enthousiasme et d’imagination.
Aux élections législatives qui suivirent, en juin, la dissolution de l’Assemblée nationale, les gauches furent laminées et le parti du Président remporta une victoire sans précédent.
De Gaulle : « Moi ou le chaos ! »
N’empêche… de Gaulle n’en avait pas moins senti le vent du boulet. Il avait vu le gouvernement - son gouvernement – chanceler et la Ve République encore enfant - son enfant - chanceler sur ses bases.
Usure du pouvoir ? Usure de l’âge ? Il doutait, pour la première fois depuis 1958, d’être encore en phase avec son cher et vieux pays.
Le cœur de la France battait-il toujours à l’unisson du sien ?
Il décida de s’en assurer et, pour cela, d’en appeler au peuple, à ses bons vieux Gaulois réfractaires, seul moyen selon lui de retremper sa légitimité dans la potion magique du suffrage universel, et choisit délibérément le premier sujet qui lui venait à l’idée – l’amorce de la décentralisation et la réforme du Sénat, un sujet assurément moins capital que l’indépendance de l’Algérie ou l’élection du chef de l’État au suffrage universel –, sachant d’expérience qu’un référendum a toujours une dimension plébiscitaire et que pour nombre d’électeurs, la question posée a moins d’importance que celui qui la pose.
Très vite, sitôt la campagne lancée, l’homme du 18 juin (et du 13 mai) sentit que la chose se présentait mal. Interviewé par le féal et loyal Michel Droit, le général lui déclarait, dès le 10 avril 1969 : « Si le peuple français s’y opposait, quel homme serais-je si je ne tirais pas sans délai la conséquence d’une aussi profonde rupture ? » « Moi ou le chaos ! », résumèrent immédiatement toutes les oppositions, qualifiant de chantage le résultat qu’elles appelaient pourtant de leurs vœux, sans trop y croire ?
De Gaulle disposait d’un Parlement à sa discrétion, le sujet de la consultation était après tout relativement secondaire, mais surtout, avait-on jamais vu depuis Cincinnatus un élu de la République renoncer au pouvoir sans y être contraint ?
Le 27 avril 1969 à 20 heures, les chiffres définitifs tombèrent. Avec 52,4 %, le « non » l’emportait.
Le 28 avril à 0 heure 11 minutes, un communiqué de l’Élysée annonçait que le général de Gaulle quittait la présidence de la République avec effet dès midi le même jour.
Plus d’un demi-siècle a passé. L’État est toujours debout, mais dans quel état !
Au fondateur ont succédé les fossoyeurs, à Octave Auguste Romulus Augustule.
La Ve République, pourtant, est toujours debout et, quoi qu’on en dise, elle a encore les reins solides. Certains, qui évoquent déjà une crise de régime, ne mesurent pas plus la portée de leurs propos que la gravité de leur diagnostic.
Il est clair que nous traversons une crise politique dont l’intensité et les conséquence risquent bien évidemment de s’aggraver si celui qui en est le principal responsable s’obstine dans son attitude d’enfant capricieux et têtu.
En procédant, sur un coup de tête, à une dissolution qui n’était nullement nécessaire, puis en refusant comme il le fait de dissoudre l’Assemblée ingouvernable qui résulte de cette décision, en persistant à jurer qu’il ira au bout de son deuxième et désastreux mandat, quoi qu’il en coûte à la France, Emmanuel Macron bloque le jeu normal des institutions dont il est constitutionnellement la clef de voûte et le garant.
Dissoudre ou démissionner, ou, mieux encore, démissionner et permettre la tenue d’une nouvelle élection présidentielle se traduirait par l’immédiate remise en marche d’une mécanique grippée par les fausses manœuvres d’un conducteur dont on a découvert, jour après jour, qu’il n’avait jamais passé le permis de conduire l’État.
Les fautes, les erreurs, les tête-à-queue, les engagements suivis de reniements que le chef de l’État a accumulés en huit ans de mandat sont le fait d’un homme dont les convictions et, par suite, les positions et la politique n’ont rien de fixe, de durable et d’arrêté.
Un Président contesté, détesté, récusé, rejeté...
Que ne donnerait M. Macron pour réunir sur son nom et son mandat les 47,6 % de voix que son si lointain prédécesseur a interprété comme un insoutenable désaveu, lui qui, depuis maintenant près de trois ans, a 15 % d’opinions favorables.
En cette rentrée 2025, Emmanuel Macron n’est pas seulement un Président contesté, il est un Président détesté. Il n’est pas un Président récusé mais un Président rejeté.
Un homme qui entend gouverner, qui prétend diriger ce qui fut une grande puissance, une grande démocratie, et qui s’appelle la France, en dépit du Parlement, en rupture avec le peuple et au détriment même de la fonction qu’il occupe et qu’il avilit.
« Quel homme serais-je... ? » disait de Gaulle, en avril 1969.
Quel homme est Emmanuel Macron ?
Un opportuniste d’un cynisme sans nom qui, trouvant que la place est bonne, s’y incruste contre tout bon sens ?
Un fou d’orgueil et de vanité qui se regarde dans la glace et rit de s’y voir si beau ? Un homme qu
e la nature et son parcours ont porté au sommet et qui, atteint d’une forme sévère d’autisme, n’a qu’un rapport distant avec la réalité.
Quelqu’un, quoi qu’il en soit, dont l’obstination nous conduit, cahin-caha, vers le chaos.
Qu’adviendra-t-il du nouveau Premier ministre – le troisième en un an - que le président de la République vient de plonger dans l’enfer de Matignon ?
Sébastien Lecornu, ministre depuis huit ans, et généralement apprécié, s’est vu assigner une tâche digne des douze travaux d’Héraclès : à la barre d’un modeste canot de sauvetage, par gros temps et annonce de tempête, déséchouer et prendre en remorque le Titanic.
On ne peut lui souhaiter, dans l’intérêt du pays, que bon vent, bon courage… et bonne chance.
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