Le complot des Frères musulmans contre l’Europe. V/VI

Par Rémi Hugues.
Article en 6 parties, publiées à dater de lundi 26 mai, puis les jours suivants.

L’« Eurafrique » dans le collimateur
À l’évidence, si l’Afrique subsaharienne est une importante terre de conquête de la Confrérie, elle n’est pas la seule.
Sur ce point Chauprade rapporte : « Toutes les grandes sources de l’islamisme radical sont aujourd’hui fortement présentes en Afrique noire [dont] la tendance des Frères musulmans […].
Des prédicateurs marocains ou égyptiens sont en action en Afrique noire »[1].
Outre le continent noir, la Confrérie a l’Europe dans le viseur.
Avec, des années durant, l’appui des Saoudiens. « Le rôle de Saïd Ramadan dans l’expansion de la pensée des Frères musulmans en Occident est considérable, notamment à travers la publication de la revue Al-Muslimum, qui paraît jusqu’en 1967 »[2], soutient Ternisien. Or Ramadan « profite à plein de l’argent saoudien pour ses activités de prédication en Europe. »[3]

Les Frères musulmans ne visent pas moins que l’hégémonie globale, via un Califat mondial, comme l’atteste cette déclaration publique du bras du guide suprême de l’organisation, Muhammad Khairat Al-Shater, prononcée en mars 2011 suite au renversement d’Hosni Moubarak :
« Les Ikwan [Frères musulmans] travaillent à restaurer l’islam dans sa conception globale pour la vie des gens et considèrent que cela ne se fera qu’à travers une société forte.
Ainsi, la mission est claire : soumettre les gens à Dieu ; instaurer la religion de Dieu ; islamiser la vie ; renforcer la religion de Dieu ; établir la renaissance (Nahda) de l’oumma [communauté ou nation musulmane] sur la base de l’islam. […]
Ainsi, nous avons appris [pour commencer] à construire l’individu musulman, la famille musulmane, la société musulmane, le gouvernement islamique, l’État islamique mondial »[4].
Ce projet très ambitieux passe ainsi par l’islamisation – ou plutôt la « frérisation » – de notre continent.
C’est pourquoi l’AKP d’Erdogan est « le défenseur intransigeant de l’entrée dans l’Europe »[5].
L’analyse de cette question par le journaliste du Point Luc de Barochez est particulièrement éclairante : en 2004 « les dirigeants des pays de l’Union européenne donnent leur feu vert à l’ouverture de pourparlers en vue d’une adhésion de la Turquie.
Ces négociations ne vont pas tarder à devenir l’un des pires fiascos de l’histoire de l’unification politique du Vieux Continent.
Dix-huit ans plus tard, le président turc incarne un dilemme insoluble pour l’UE, à laquelle il n’a officiellement jamais renoncé à adhérer mais avec laquelle il se comporte comme un adversaire résolu. »[6]
Comme l’intégration de la Turquie est au point mort, à la stratégie de l’entrée depuis l’extérieur s’est substituée la stratégie d’influence depuis l’intérieur.
« Pour les Français et les Allemands, le danger islamique est intérieur parce qu’il existe une forte communauté turque dans l’État allemand, maghrébine dans l’État français »[7], est bien obligé de reconnaître Adler. ■
(À suivre).
[1]Aymeric Chauprade, op. cit., p. 320.
[2]Xavier Ternisien, op. cit., p. 216.
[3]Ibid., p. 217.
[4]Cité par Joseph Daher, Un fondamentalisme religieux à l’épreuve du néolibéralisme, Paris, Syllepse, 2019, p. 10-11.
[5]Jean-François Colosimo, op. cit., p. 85.
[6]Luc de Barochez, op. cit.
[7]Alexandre Adler, op. cit., p. 232.
Publié le 16.12.2022 – Actualisé le 01.06.2023
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)

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Le complot des Frères musulmans contre l’Europe.
VI/VI

Par Rémi Hugues.
Article en 6 parties, publiées à dater de lundi 26 mai, puis les jours suivants. Jusqu’à aujourd’hui, où s’achève cette série.

La conquête électorale en ligne de mire
Le mouvement frériste est favorable à un mouvement perpétuel d’immigration de populations du Sud en Europe afin d’y accroître le nombre de musulmans, religion d’une part substantielle de ces populations. En parallèle ils instaurent des partis politiques dans chaque pays, qui se présentent à un maximum d’élections.
Dans son essai Baudoin Long met en évidence que la Confrérie « s’est ralliée depuis longtemps à l’idée que les urnes sont un meilleur moyen pour arriver au pouvoir que la violence ou la révolution.
Néanmoins, pendant la transition, les Frères musulmans montrent qu’ils n’acceptent de la démocratie que son fonctionnement institutionnel réduit à l’élection.
Parvenus au pouvoir, ils répliquent à l’échelle du pays le centralisme autoritaire qui régit leur organisation. »[1]

Ils comptent ainsi prendre le pouvoir par les urnes pour ensuite instaurer un État islamique, une théocratie musulmane ; dans les années 1990, alors qu’il est maire d’Istanbul, Erdogan « soutient à un […] journaliste que ‟la démocratie n’est pas un but absolu mais un moyen”, […] il assimile la démocratie à un tramway que l’on peut quitter à l’arrêt désiré. »[2]
Ils ne sont pas des démocrates de conviction, mais des démocrates de situation, d’opportunité.
Le caractère sournois de leur agenda est aisément discernable, car çà et là ont pu sourdre des indications de leur double discours, parmi lesquelles deux ont été mentionnées plus haut.
Ne sous-estimons pas leur puissance : des institutions telles que la Ligue islamique mondiale, le Conseil suprême international des mosquées et la Banque islamique de développement sont sous leur coupe.
Certes l’abondante liasse des pétro-dollars saoudiens s’est tarie[3] et la Confrérie est désormais totalement discréditée dans sa matrice égyptienne.

Toutefois son histoire est celle d’un mouvement qui a su miraculeusement se relever.
Réduits quasiment à néant sous Nasser, à l’heure du nationalisme arabe triomphant, les Frères musulmans ont su faire preuve de résilience et ont connu avec l’arrivée du XXIe siècle leur moment de gloire.
Ce fut le successeur de Nasser, Anouar el-Sadate, proche des Américains, qui « réintroduisit les Frères musulmans et leurs sympathisants dans la vie politique et laissa libre cours à leur influence »[4], qui a atteint son apogée lors des Printemps arabes.
Reste aux patriotes vigilants soucieux de contenir leur avancée, si ce n’est annihiler leur puissance, de ne s’allier, que ce soit sur le plan domestique ou international, qu’avec leurs ennemis. ■
(Fin de cette série).
[1]Baudoin Long, op. cit., p. 145.
[2]Ahmet Insel, op. cit., p. 170.
[3]Youssef Hindi, op. cit.
[4]Corm, op. cit., p. 30.
Publié le 17.12.2022 – Actualisé le 02.06.2023
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)

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