Les réactions sont nombreuses suite à l’adoption en Première lecture par l’Assemblée nationale de la loi sur « l’aide à mourir » (euthanasie).
Ci-dessous un texte publié quelques jours plus tôt par Denis Colin, que nous avions interviewé pour son ouvrage devenir des machines, publié aux éditions Max Milo.
Le voici ci-dessous.
Lors d’un échange sur « les réseaux sociaux », à mon post dénonçant le projet de loi légalisant l’euthanasie, j’ai reçu de nombreuses réponses, toutes révélatrices de l’ambiance « morale » de notre temps.
Ainsi, voici un échantillon des réponses que j’ai reçues.
« C’est une atteinte à la liberté individuelle de dire qu on ne peut décider soi même de sa mort. »
« Votre Intolérance est proche de celle des anti avortement : ce ne serait pas une obligation mais un choix. »
« Cette nouvelle loi ne vous retire aucun droit mais vous en donne un en plus. »
« C’est une atteinte à la liberté individuelle de dire qu’on ne peut décider soi-même de sa mort. »
« Personne ne doit décider à la place du malade. Cela s appelle la liberté. Notre corps n’appartient qu’à nous, notre vie également. »
Bref, la défense de la nouvelle loi (pas encore votée) repose sur l’idée de droit (j’ai un droit à mourir quand je le décide) et ce droit serait une liberté (au même titre que la liberté d’aller et de venir), mais aussi un « droit-créance », comme le droit à la santé, une créance que la puissance publique se doit d’honorer en dernière instance.
Disons les choses un peu brutalement : le droit à mourir est une absurdité.
D’abord, ce droit à mourir nous l’exercerons tous un jour ou l’autre.
La chose est certaine, même si l’heure est incertaine. Mais nous n’avons aucun droit à mourir quand nous le décidons.
L’immense majorité des mourants n’auraient pas voulu mourir tout de suite. Encore un moment, Monsieur le bourreau !
On ne peut même pas dire que nous avons un droit au suicide.
Le suicide n’est pas réprimé par la loi.
Certes, l’Église se refusait à inhumer religieusement les suicidés et pour nombre d’assurances, le suicide est une cause dérogatoire : celui qui se suicide moins d’un an après la signature du contrat ne verra pas ses dettes éteintes ou son assurance décès versée aux ayant droit. Mais on a toujours la possibilité de se suicider.
Ce n’est pourtant pas un droit : si quelqu’un fait devant moi une tentative de suicide, je dois tout faire pour l’en empêcher, sous peine d’être tenu pour coupable de n’avoir pas porté assistance à une personne en danger.
Les tentatives de suicide ne sont pas considérées comme l’exercice d’un droit, mais comme une sorte d’accident qui doit être soigné – on emmène d’urgence à l’hôpital celui qui s’est ouvert les veines, a avalé une boîte de cachets ou s’est asphyxié avec le gaz, on fera tout pour le sauver, contre sa « volonté » et on lui assurera un suivi psychologique.
Heureusement, dans l’immense majorité des cas, les candidats au suicide reprennent le cours de leur vie et ne récidivent pas.
Donc il n’y a pas de droit au suicide !
Mais l’obligation pour les autres d’empêcher les suicides.
Ceux qui invoquent le droit au suicide veulent donc renverser un des piliers de la vie sociale : à savoir que la vie des autres nous importe ! Même celle des inconnus.
Notons en second lieu que « l’aide active à la mort » n’est pas un suicide. Le « sui-cide » suppose qu’on se « cide » « soi-même ».
Un suicide exécuté par un autre n’est pas un suicide !
C’est un homicide. Même si quelqu’un vous dit « tue-moi ! » ou « donne-moi ce poison », on est encore face à quelque chose qui ne peut qu’être un homicide.
« Tu ne tueras point » : cela veut dire « tu ne feras rien qui puisse tuer ».
De quelque manière qu’on envisage la question, le « suicide assisté » ne peut être qu’un monstre juridique, tant il contredit les autres principes qui gouvernent la possibilité d’une vie humaine digne, d’une vie humaine qui soit autre chose que la vie « solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève » qui caractériserait l’état de nature selon Hobbes.
« Mais que fais-tu de la souffrance ? » Si la souffrance dicte notre conduite, on commencera par remarquer qu’il n’est plus question de liberté ou de droit. C’est le corps déchiré qui commande.
La compassion nous commande d’aider l’autre à souffrir moins. La souffrance dicte les cris, les convulsions, les contractions, et impose sa loi. Ici, parler de droit et de liberté est tout à fait indécent.
On peut soulager les souffrances et même les souffrances du malade incurable, on peut même l’aider à supporter ainsi sa mort prochaine : c’est précisément l’objectif de la loi Leonetti et des soins palliatifs.
Ne pas s’obstiner au-delà de toute raison, c’est l’évidence – encore qu’il ne soit pas toujours aisé de savoir quand commence l’obstination thérapeutique déraisonnable – mais cela n’a rien à voir avec un prétendu « droit à mourir ».
Il serait bon d’ailleurs d’exiger des pouvoirs publics que les services de soins palliatifs soient plus nombreux et mieux dotés, plutôt qu’exiger que les médecins puissent donner la mort sur demande.
Le sens commun semble submergé par la rhétorique des « droits » et c’est à
la fois la marque de la volonté de toute-puissance qui a saisi notre
monde et de la volonté de mourir de toute une société.
Toute-puissance, parce que dire « j’ai le droit de décider de ma mort » n’est rien d’autre que la version minimale de l’aspiration à l’immortalité portée par les charlatans du transhumanisme comme Laurent Alexandre.
Volonté de mourir, parce que notre société recherche la mort.
Le mode de production capitaliste est mortifère, il remplace le vivant par l’inerte et la vie nous est devenue trop coûteuse.
Un magazine évaluait à 1,4 milliard d’euros les économies que permettrait la loi sur l’aide à mourir. Tout est là : le système économie n’a pas pour finalité d’entretenir la vie, c’est la vie qui doit se soumettre aux impératifs de l’économie.
Inversion de la téléologie vitale, disait Michel Henry. Inversion de la téléologie vitale quand la médecine est mobilisée pour donner la mort. Inversion de la téléologie vitale quand le droit n’est plus que le moyen de se débarrasser du sujet de droit.
Le droit à mourir est donc la négation du droit, la liberté de mourir la négation de la liberté.
Donc le devoir est bien de lutter de toutes ses forces contre cette loi voulue par la gauche, le centre et une partie de la droite.
On nous dira : « mais ailleurs, en Belgique, en Suisse, au Canada, une telle loi existe bien ».
D’abord ce qui se fait ailleurs n’est pas une raison pour qu’on fasse la même chose chez nous.
Et ailleurs, ce qu’on observe, c’est l’extension progressive de l’aide à mourir, qui pourrait s’étendre aux adolescents, aux malades mentaux, etc.
Pour les malades mentaux, on hésite encore un peu, ça rappelle des souvenirs, mais les hésitations ne dureront pas.
Alors non, mille fois non, ne mettons pas le doigt dans l’engrenage du permis de tuer.
Justice sociale ou mort précoce : il faut une révolution des retraites
[L’Agora]
La retraite ? Ce n’est pas un sujet comptable.
C’est une ligne de front.
Une fracture morale.
Une guerre de civilisation.
C’est le révélateur d’un système à bout de souffle, où la technocratie bourgeoise du tertiaire s’offre des vieux jours dorés pendant que les prolétaires des usines, des chantiers, des ateliers, crèvent en silence, le dos cassé, les poumons brûlés, le cœur saturé de fatigue.
Oui, l’espérance de vie augmente. Et alors ?
Pas pour tout le monde.
Allez dire à l’ouvrier de 60 ans qui a trimé 40 années sur des chaînes, dans la poussière, sous le stress et les cadences, qu’il va vivre aussi longtemps que le prof de fac ou le cadre chez Orange.
C’est un mensonge. Un mensonge statistique. Un mensonge criminel.
On le sait, on le voit, on le lit dans les rapports : plus le métier est dur, manuel, physique, plus l’espérance de vie s’effondre.
Alors pourquoi continuer à faire partir tout le monde au même âge ?
Pourquoi imposer à ceux qui ont sué sang et eau de repousser l’horizon d’un repos mérité, pendant que les planqués du tertiaire philosophent sur leurs années de retraite prolongée dans les colonnes du Monde ?
Il faut une révolution des retraites. Et vite.
Une révolution par paliers.
Une retraite à 58 ou à 60 ans pour ceux qui ont passé leur vie à marcher sur du béton, à porter des charges, à réparer, à assembler, à souder, à creuser, à livrer et qui pour beaucoup n’atteindront jamais 80 ans.
À 64 ou 66 pour ceux qui ont eu un métier mixte.
À 67 ou 70 ou plus pour les intellectuels de bureau, les fonctionnaires en forme, les consultants, les acteurs du tertiaire.
Ce n’est pas une question de pitié.
C’est une question de justice brute, organique, tribale.
Celui qui use son corps pour la nation doit pouvoir le reposer avant d’y être enterré.
Et qu’on ne vienne pas pleurnicher sur les comptes.
Ces travailleurs meurent plus tôt. Ils coûtent moins cher.
Et pourtant, ils cotisent autant, pour voir des retraités CSP++ vivre jusqu’à 95 ans en multipliant les croisières et les cures thermales aux frais du système.
C’est une spoliation.
Il faut tout renverser. Adosser la retraite à la nature du travail.
Mesurer l’effort réel, physique, psychique.
Mettre fin à l’égalitarisme mortifère qui confond les métiers, les souffrances, les corps.
Et pendant qu’on y est : robotisons ce qui doit l’être.
Plus de robots sur les chaînes, dans les champs, sur les chantiers.
Mais pas pour licencier. Pour libérer.
Pour émanciper les hommes de ce qui les détruit, sans les remplacer par des immigrés que l’on fait venir du bout du monde pour baisser les salaires et briser la cohésion des peuples.
Car voilà l’enjeu.
Ne plus faire reposer la pénibilité sur l’importation de bras étrangers.
Ne plus faire de notre système social un appât à migration.
Réserver notre solidarité à ceux qui l’ont construite : les nôtres.
Les vraies questions sont là : qui travaille ? Qui paie ? Qui profite ? Et pourquoi ?
Une société qui refuse de répondre à cela est une société qui trahit.
Nous devons choisir. Ou la réforme juste. Ou l’effondrement. Ou l’ordre. Ou la guerre.
Il n’y a plus d’entre-deux.
Le peuple se lasse. Il n’est plus dupe
. Un jour, il exigera des comptes.
Et ceux qui ont profité sans jamais suer pourraient bien devoir rendre ce qu’ils ont pris.
La retraite, ce n’est pas un droit pour tous. C’est un dû pour ceux qui ont payé en vie.
Réveillons-nous, ou mourons esclaves.
Par Julien Dir
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