vendredi 22 novembre 2024

L' ÉCRIVAIN BOUALEM SANSAL ARRÊTÉ EN ALGÉRIE ........

 

Boualem Sansal arrêté en Algérie ?

Brève breve

Depuis ce matin, plusieurs proches de l'écrivain franco-algérien s'inquiètent sur les réseaux sociaux du grand silence de Boualem Sansal, revenu à Alger samedi dernier, (16 novembre). 

Depuis ce jour, il n'a donné aucune nouvelle.

Selon les informations du magazine Marianne, il aurait été arrêté et emprisonné par le régime algérien.

Boualem Sansal est connu pour ses positions très critiques sur l'islamisme et le pouvoir algérien.

 Son arrestation, qui pour l'heure n'a pas été officiellement confirmée ni commentée, risque de tendre un peu plus les relations entre la France et l'Algérie.

 

Retrouvez ici son interview, il y a quelques semaines, par Boulevard Voltaire.

 
Boulevard Voltaire
Boulevard Voltaire     https://www.bvoltaire.fr/
 
 

 REVUE DE PRESSE !

La réaction très personnelle de Kamel Daoud (Le Figaro) : « J’espère vivement que mon ami Boualem Sansal reviendra parmi nous très bientôt »

Kamel Daoud et Boualem Sansal, le 20 novembre 2018, à Paris. François BOUCHON / LE FIGARO

TRIBUNE – Dans un texte très personnel et d’une rare sensibilité, le Prix Goncourt 2024 pour son livre Houris (Gallimard) apporte son soutien à l’écrivain franco-algérien qui serait aux mains des services de sécurité du régime et risquerait la prison.

 

Si ce n’est pas le tragique, l’image le disputerait au burlesque.

 Mon ami fait des grimaces, agite les mains, prend un cahier puis griffonne. 

J’attends, tout aussi muet.

 Je lui fais ensuite des signes des mains pour qu’il éloigne la feuille qu’il brandit : la lumière est trop forte, je n’arrive pas à lire. 

L’on communique ainsi désormais vers l’Algérie sur WhatsApp : en écrivant sur des feuillets.

 Parce que la ligne est souvent surveillée, écoutée.

 La rumeur se répand à Alger que le « Régime » vient d’acquérir un nouveau parc matériel d’écoute auprès d’un pays européen. 

Alors, nous revoilà tous, les écrivains, les hommes d’affaires, les intellectuels, les mortels ou les survivants, à communiquer par des signes et des écrits que l’on se montre en vidéo sur WhatsApp. 

Ce pays est désormais connu sous le nom d’« Algérie Nouvelle ». 

Vous y retrouverez des femmes et des hommes courageux, des femmes et des hommes lâches. 

Des écrivains qui se taisent sur la terreur qui sévit dans ce pays et des journalistes qui se transforment en serpillières, d’autres qui fuient ou se taisent et d’autres qui attendent d’être convoqués par la justice.

 C’est de ce pays qu’il est question. 

C’est donc ici que mon ami Sansal a été arrêté, apparemment. 

Sansal est mon ami et je ne comprends pas son imprudence, mais ce n’est pas le moment des reproches. « L’exil, ce n’est pas seulement quitter un endroit, c’est ne pas pouvoir y retourner », dis-je avec fierté, satisfait de ma formule, en taisant le coût exorbitant pour moi. Peut-être que Boualem refusait de ne plus pouvoir revenir. 

Il se peut qu’il se cache, qu’il se terre ou qu’il évite les appels téléphoniques. 

Depuis quatre jours, je savais, mais notre réseau d’amis souhaitait rester discret, éviter de remuer la marmite algérienne, espérer.

 Finalement, cela s’est confirmé : il a été arrêté.

Droit d’innocence face à l’histoire

Paris est magnifique. Quand il neige, quand il n’y a personne dehors, que les héros de pierre sur les places publiques, quand il pleut, la nuit, l’aube.

 Mais, à Paris, il y a aussi ces plumitifs qui ne connaissent pas le prix de la liberté, qu’ils confondent avec un menu de restaurant, et qui nous insultent, nous, les écrivains venus de l’enfer.

 Ils nous diffament non par colère, mais pire encore, par insouciance, ils nous tuent. 

Trop de liberté efface le prix de la liberté dans les esprits jouisseurs. 

Alors, de l’Algérie, on ne sait rien.

 De plus, il y a des journalistes algériens hyper décoloniaux en France qui contribuent à l’effet d’écran « gauche ».

 Le pays de la terreur n’est plus que le film de Pontocorvo « La bataille d’Alger » qui attend toujours la justice de l’histoire. 

En réalité, c’est autre chose. 

Être écrivain en Algérie aujourd’hui est très onéreux. 

En effet, le régime actuel n’apprécie pas cette profession et les islamistes sont en pleine expansion.

 Ils profitent de mosquées, d’une liberté d’expression totale, d’élites bien entretenues, et certains vont même jusqu’à réclamer une immunité judiciaire pour les imams.

 En face, les idiots utiles du régime, les pauvres crieurs, les écrivains, les libraires, les éditeurs.

 Au cours de l’année dernière, la peur s’est étendue à ce qu’on appelle la « culture », que les islamistes cherchent à transformer. Leur bras armé, c’est actuellement le Régime. 

Alors, des éditeurs tremblent de peur, des journaux lèchent les bottes pour une page de « pub », des télévisions dansent au ventre, des « trolls » inventent un ennemi, un traître à la nation.

 Aujourd’hui, c’est l’écrivain qui est attaqué, ainsi que sa famille, son épouse, ses enfants, ses proches. On l’arrête dès qu’on le trouve.

 « Intelligence avec l’ennemi ».

 En dictature, cela signifie une peine de prison à perpétuité. 

Et à Paris, on trouve les « coupeurs de cheveux en quatre », les journaux qui vous reprochent de ne pas être le « Bon Arabe » venu en France pour s’exprimer sur la décolonisation et faire culpabiliser ce pays. 

J’espère vivement que mon ami Boualem reviendra parmi nous très bientôt.

 J’ai hâte de voir de mon vivant ce pays enfin indépendant et digne, accueillant enfin ses différences et ses histoires passionnantes et variées. 

Est-ce du romantisme ? Peut-être. 

Droit d’innocence face à l’histoire. Je ne sais pas où tu te trouves actuellement. 

J’espère que cette information d’arrestation est fausse. 

J’espère me tromper. Ce sont les mêmes personnes qui, en France, nous attaquent, toi et moi, qui nous insultent, qui nous traînent dans la boue de leur mépris, parce que nous ne correspondons pas à leurs attentes.   

■  KAMEL DAOUD

 

 
Source et Publication :   https://www.jesuisfrancais.blog/2024/11/22


ET AUSS


Boualem Sansal : la France doit exiger la libération du Soljénitsyne algérien

Boualem_Sansal_(30864267088)

Brutale, l’arrestation de Boualem Sansal inquiète bien au-delà des frontières de l’Algérie et remet la lumière sur la nature du régime d'Abdelmadjid Tebboune.

 L’écrivain algérien, ancien enseignant, chef d’entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l’industrie en Algérie était surtout un opposant infatigable : il a été arrêté par la police algérienne et serait actuellement emprisonné, selon ses proches cités par le magazine Marianne.

 Il ne donnait plus de nouvelles depuis son arrivée en Algérie le 16 novembre. 

On ne sait rien à l’heure où nous publions, des raisons évoquées par le régime ni des conditions ou du lieu de sa détention.

Agé de 75 ans, cet intellectuel brillant, reconnaissable à ses cheveux longs, écrivait en français des romans et des essais loués en France mais largement censurés en Algérie. 

Il avait obtenu le Grand prix du roman de l’Académie française en 2015 pour son livre 2084 : la fin du monde (Gallimard).

"Pouvoir mafieux"

C’est un ami et grand admirateur de la France que l’Algérie vient d’embastiller. 

Un adversaire résolu, surtout, de l’islamisme, ami de Boulevard Voltaire qui l’a souvent interviewé, admirant sa clarté, l’acuité de ses analyses et son grand courage. 

Le 28 septembre dernier, il confiait à Gabrielle Cluzel, dans la foulée de la publication de son essai, Le français, parlons-en !, aux Éditions du Cerf. 

Un plaidoyer pour la langue française qui fut selon lui « la langue de la puissance, de la liberté, de la beauté, de la connaissance, de la diplomatie, de la révolution universelle, de la séduction, de l’art de vivre dans la légèreté ».

Boualem Sansal ne mâchait pas ses mots : « Le pouvoir algérien est un pouvoir mafieux », martelait-il, il le comparait à la mafia. 

« C’est devenu une oligarchie mafieuse ».

 Il racontait comment « les islamistes et arabistes » avaient « travaillé vingt ans dans l’ombre. Il est arrivé ce qui est en train de vous pendre au nez et qui va arriver, c’est que (les Islamistes) se sont révélés un jour bien plus nombreux que nous (les Algériens francophones), bien plus efficaces que nous et ils ont pris le pouvoir et ils nous ont chassés »

Il dénonçait aussi la stratégie d'entrisme de l’islam en France et son discours sur « l’Islam des lumières », et considérait la France comme « cernée de tous les côtés ».

À ce sujet — [Grand entretien] Boualem Sansal : « L’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus. 

Il est définitivement implanté en France et en Europe. »

 

En octobre 2022, toujours auprès de BV, Boualem Sansal mettait déjà les points sur les i, à propos du poids de l’islam sur les questions sociétales.

 « Le véritable ennemi de la femme est l’islam, qu’elles sont par ailleurs les premières à défendre, mais il est aussi et surtout l’homme, qui par ailleurs aime tant être le bras séculier de l’islam pour les punir ».

Dans son combat, Boualem Sansal prend désormais des allures de Soljenitsyne de l’islamisme, d’une immense lucidité. 

« L’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus, disait-il à BV en 2022. 

Il est définitivement implanté en France et en Europe, à la fois comme islam de France et d’Europe, protégé par les lois de la République et de la Commission, et comme islam en France, protégé par la oumma mondiale et les États musulmans qui, maintenant, disposent de tous les moyens pour châtier les contrevenants ».

 Cet islam, « à mon avis, il sera salafiste et possiblement dangereux si on lui refuse la reconnaissance de l’islam comme religion d’État, l’annulation des lois en faveur de l’homosexualité, de l’adoption, etc. »

 

BV ne laissera pas tomber Boualem Sansal

Avant de se brouiller avec le pouvoir algérien en reconnaissant au Maroc ses droits sur le Sahara occidental, la France de Macron aura déroulé le tapis rouge envers ceux qui font aujourd’hui peser sur Boualem Sansal un risque vital.

 En aout 2022, Emmanuel Macron avait eu des mots touchants à l’endroit du régime algérien : « (...) Nous avons la même conviction qu'au fond, la relation n'est pas simplement une relation bilatérale comme les autres. C'est une relation d'intimité profonde. » 

 Elisabeth Borne avait enchaîné sur le même ton quelques semaines plus tard, en octobre, lors d’un voyage où elle était accompagnée de la moitié du gouvernement français. 

Mais la France, qui avait pourtant multiplié les concessions sur l’histoire et la mémoire de la guerre d’Algérie, n’avait rien obtenu, ni gaz, ni bonne volonté pour la reprise des nombreux OQTF en souffrance.

Chez lui, le pouvoir algérien n’avait rien changé de ses habitudes musclées vis-à-vis des médias.

 Le 23 décembre, le patron de deux médias libres hors influence du pouvoir, Radio M et le site d’information Maghreb émergent, était arrêté à son domicile et embarqué pour une perquisition au siège de ses médias, menottes aux poignets. 

Aucune explication, des locaux placés sous scellés.

 On ne change rien aux pratiques qui gagnent.

Mais cette fois, l’Algérie s’en prend à un ami de la France, connu, apprécié, lu, couronné de prix dans notre pays. 

La France se grandirait en tapant du poing sur la table, pour une fois. BV en tous cas ne laissera pas oublier ce grand écrivain ami.


Marc Baudriller
 
Par Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste         https://www.bvoltaire.fr



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire