mercredi 17 décembre 2025

ATTENTAT EN AUSTRALIE : LE CHOIX ÉDITORIAL DE " LIBÉRATION " ?

 


TRIBUNE LIBRE !

Australie – Hanoukka sous les balles, Libération sous silence

Je lis Libération ce matin-là, lundi 15 décembre, sur l’écran de mon ordinateur posé sur la table de la cuisine.
 La Ricoré fume doucement dans la tasse, boisson de l’aube, sans nervosité, presque administrative.
 Rien de solennel.  Rien d’excessif. 
 
Et pourtant, à mesure que défilent les lignes consacrées à l’attentat commis en Australie contre des Juifs célébrant Hanoukka sur une plage, une sensation d’effroi s’installe, non pas tant devant la violence des faits que devant la manière dont ils sont racontés.

 

Les faits, Libération les rapporte.

 Deux hommes ont ouvert le feu à l’arme automatique sur un groupe de familles juives réunies pour une fête religieuse. 

Le journal décrit les cris, la panique, les secours, l’émotion nationale.

 Il parle de choc, de sidération, d’horreur.

 Il évoque l’antisémitisme, mot désormais obligé, répété comme un signal moral. 

Tout cela est exact.  Tout cela est attendu. 

Et pourtant, quelque chose manque, de façon criante.

Ce qui manque, ce n’est pas l’information brute.

 C’est l’explication. 

À aucun moment Libération ne s’interroge sur les motivations idéologiques des auteurs.

 Les tireurs sont évoqués comme des silhouettes anonymes, sans nom, sans visage, sans trajectoire. 

Aucun portrait. 

Aucun itinéraire personnel.

 Rien sur leur origine, leur parcours, leur univers mental. 

 

Or la presse australienne avait, dès la veille au soir, diffusé ces éléments. 

Il y avait donc le temps, matériellement, de les intégrer.

 Leur absence n’est pas un oubli. 

Elle est un choix.

Ce choix éditorial devient d’autant plus frappant lorsqu’on le met en regard d’un autre traitement, devenu routinier.

 Lorsque Libération traite d’actes antisémites attribuables, même marginalement, à l’extrême droite, à un groupuscule résiduel ou à un élu du Rassemblement national, le journal ne se contente jamais de relater les faits. 

Il contextualise.  Il fouille.  Il nomme.  Il explique. 

Il relie l’acte à une idéologie, à une filiation, à une histoire politique française clairement identifiée. 

L’antisémitisme, dans ce cas-là, a une cause, un visage, une généalogie.

Rien de tel ici. 

Lorsque l’antisémitisme surgit hors de ce cadre commode, lorsqu’il ne peut être rattaché ni à Vichy, ni à l’Action française, ni à une droite nationaliste à l’ancienne, Libération change de registre.

 Le crime est décrit, mais vidé de sa source. 

L’acte est condamné, mais coupé de son moteur idéologique.

 L’antisémitisme devient une abstraction flottante, une sorte de brouillard moral qui traverserait les sociétés occidentales sans jamais être porté par des hommes, des doctrines ou des références précises.

 

À la place, le journal déplace le regard. 

Il parle du contrôle des armes à feu, des failles sécuritaires, des précédents criminels, du climat international, des tensions importées. 

Tout est vrai, partiellement pertinent, mais tout sert surtout à éviter l’essentiel. 

Jamais Libération ne pose la question de l’islamisme contemporain comme matrice centrale de la violence antisémite actuelle. 

Jamais il ne s’interroge sur les conditions politiques, migratoires et idéologiques qui permettent à ces haines de se reconstituer intactes sur les plages australiennes comme dans les rues européennes.

Cette asymétrie n’est pas un hasard. 

Elle relève d’une stratégie ancienne. 

Libération sait désigner le mal lorsqu’il peut être assigné à un adversaire politique intérieur, clairement identifié, socialement marginalisé.

 En revanche, lorsque ce mal provient de populations ou de milieux que le journal considère comme structurellement dominés ou protégés par le récit progressiste, l’analyse se dissout.

 On condamne sans expliquer.

 On s’indigne sans comprendre. 

On protège, en réalité, un cadre idéologique.

Il ne s’agit pas ici de nier la pluralité des formes de l’antisémitisme, ni de prétendre qu’il n’existe qu’une seule source. 

Il s’agit de constater que Libération applique un traitement différencié selon l’origine supposée du crime.

 Là où l’idéologie est de droite, l’explication est exhaustive. 

Là où elle est islamiste, l’explication devient taboue. 

Cette cécité sélective n’apaise rien.  Elle empêche de penser.

Au-delà des analyses, des stratégies éditoriales et des silences calculés, il reste les visages. 

Ceux que l’on aperçoit brièvement, souvent floutés, dans les images venues d’Australie.

 Des familles, des enfants, des vieillards, des hommes et des femmes ordinaires, rassemblés pour célébrer Hanoukka, une fête de lumière, de continuité, de fidélité au temps long. 

Ces visages me semblent proches.

 Ils nous ressemblent. 

Ils pourraient être ceux de nos voisins, de nos amis, de nos propres familles. Ils ne vivaient pas dans un monde idéologique, mais dans une vie simple, concrète, enracinée. 

C’est précisément cela qui a été visé.

 En refusant de nommer ce qui les a frappés, on leur inflige une seconde fois l’effacement.

 Leur rendre justice commence par une chose élémentaire, dire pourquoi ils ont été attaqués, et reconnaître qu’ils n’étaient pas des symboles abstraits, mais des êtres humains semblables à nous, exposés parce qu’ils étaient juifs, visibles, et fidèles.

En refermant l’ordinateur, la Ricoré refroidie, je me dis que ce silence est peut-être plus dangereux que les mots.

 Une société qui ne nomme pas ce qui la frappe se condamne à l’aveuglement. 

 

Et un journal qui prétend éclairer le réel tout en dissimulant ses causes finit par devenir, non un contre-pouvoir, mais un écran.

Par Balbino Katz
Chroniqueur des vents et des marées
balbino.katz@pm.me




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