Qui se souvient de Louis XVII, l’enfant royal supplicié sur l’autel de la Révolution ?
Il y a deux-cent quarante ans aujourd’hui, le 27 mars 1785, naissait Louis-Charles de France.
Plus connu sous le nom de Louis XVII, il est selon le principe dynastique de succession, roi de France de la mort de son père Louis XVI, décapité le 21 janvier 1793, à la sienne, avenue en captivité le 8 juin 1795… sans jamais avoir porté la couronne, arraché aux siens, brisé psychologiquement et laissé dépérir dans une geôle.
La Terreur dans toute sa grandeur sur la peau d’un innocent de dix ans.
Un héritage qui met à mal les sacro-saintes « valeurs de la République ».
La bassesse d’âme spectacularisée
Les déchaînements de violence et de barbarie qui accompagnent les révolutions sont des ressorts inévitables des masses si leur ressentiment n’est pas canalisé.
C’est pourquoi ils sont si communs.
Mais ce qui est plus surprenant c’est quand la bassesse s’en empare deux siècles plus tard et en fait un motif de fierté, comme lorsqu’un directeur « artistique » célèbre la décapitation d’une femme pour égayer son spectacle.
Heureusement qu’il ne savait pas que Marie-Antoinette était morte quelques mois avant de monter sur l’échafaud, quand on lui arrachait son fils et qu’on l’enfermait dans la même prison sans qu’ils eurent jamais le droit de se revoir, même quand le petit tombât malade.
S’il l’avait su, le vil aurait peut-être trouvé ce supplice assez sordide pour exalter – ou choquer – son public : à défaut de talent, on fait le buzz…
Cruauté gratuite
Durant les années de tourmente révolutionnaire, le régicide, n’avait pas suffit.
Un régicide injustifié puisque, rappelons-le, il advint après que Louis XVI ait signé la Constitution, après qu’il ait abdiqué et alors qu’il était incarcéré avec ses descendants…
Mais les séditieux étaient assoiffés de sang, et celui des derniers Capétiens devait couler.
Alors, à la décapitation du roi, le Comité de salut public devait ajouter la cruauté.
« Une cruauté inutile à l’égard d’une vaincue » comme l’écrivait Stefan Zweig (1), la reine, réputée très maternelle et ayant déjà perdu deux enfants, serait à jamais séparée de son fils chéri qui languira à quelques mètres d’elle
. Cruauté à l’égard d’un bambin, qui ayant depuis peu salué définitivement son père, devait saluer définitivement sa mère et sa sœur, emprisonnées si près elles-aussi à la prison du temple.
Marie-Thérèse de France, racontera cette matinée dans ses mémoires :
« Le 3 juillet, on nous lut un décret de la convention, qui portait que mon frère serait séparé de nous, et logé dans l’appartement le plus sur de la tour.
À peine l’eut-il entendu, qu’il se jeta dans les bras de ma mère en poussant les hauts cris, et demandant à n’être pas séparé d’elle.
De son côté, ma mère fut atterrée par ce cruel ordre; elle ne voulut pas livrer mon frère, et défendit contre les municipaux le lit où elle l’avait placé.
Ceux-ci voulant absolument l’avoir, menaçaient d’employer la violence et de faire monter la garde.
Ma mère leur dit qu’ils n’avaient donc qu’à la tuer, avant de lui arracher son enfant : et une heure se passa ainsi en résistance de sa part, en injures, en menaces de la part des municipaux, en pleurs et en défenses de nous tous.
Enfin, ils la menacèrent si positivement de le tuer ainsi que moi, qu’il fallut qu’elle cédât encore, par amour pour nous.
Nous le levâmes ma tante et moi , car ma pauvre mère n’avait plus de force ; et, après qu’il fut habillé, elle le prit et le remit entre les mains des municipaux, en le baignant de ses pleurs , prévoyant qu’à l’avenir elle ne le verrait plus.
Ce pauvre petit nous embrassa toutes bien tendrement, et sortit en fondant en larmes avec les municipaux. »
Ce n’était là que l’épisode de la séparation, son calvaire devait encore commencer.
Ingénierie sociale
Car le dessin du Comité de salut public ne prévoyait pas qu’un isolement.
L’auguste captif, qui reçu en guise de précepteur un cordonnier ivrogne sachant à peine écrire et qu’il devait servir, aurait dû oublier son nom, son rang, sa famille, son passé.
Le vœu était d’en faire un parfait petit républicain : le soûlard se divertissait à le coiffer de la cocarde et à le faire chanter à tue-tête « ça ira » et autres offenses envers ses aïeux.
Mais « qu’est-ce qu’un enfant quand il s’agit de la survie de la République ? » écrivait Hébert, le directeur de la prison.
Le même qui « recueillera » l’accusation d’inceste à l’encontre sa propre mère (coupable de lui avoir passé un onguent sur un testicule blessé en jouant).
Quand le faux précepteur quitta le Temple, le dauphin restera seul dans sa cellule, la porte ne s’ouvrant plus que pour y faire entrer les repas.
Le sort terrible fait au dauphin ne provenait pas d’une méchanceté individuelle : les plus hautes instances républicaines savaient.
Ainsi lorsqu’un geôlier un peu plus clément que ses confrères, du nom de Cressend, se plaint du traitement inhumain qui était réservé au « petit Capet », il sera relevé de ses fonctions par un arrêté (séance du 7 germinal an 2 de la Commune).
Et si la Convention ordonna que l’enfant ait un accès à la lumière et le fit laver de la vermine qui le recouvrait de la tête au pied, si après deux ans de détention quelques instants à l’air libre lui étaient à nouveau permis, il était trop tard : l’innocent, moralement brisé, était rongé par la tuberculose et la gale, à un point tel que les médecins ne purent qu’en décréter la mort imminente.

Louis XVII
Dépérissement
Aux suspicions d’empoisonnement, sa sœur, témoin auditif de son agonie, répondit :
« Le seul poison qui ait abrégé ses jours, c’est la malpropreté, jointe aux horribles traitements , à la cruauté et aux duretés sans exemple qu’on a exercées envers lui. »
« il n’y a pas d’exemple de recherches d’une telle barbarie envers un enfant. »
Et parce que le traitement monstrueux de ce petit être est insupportable à toute personne normalement constituée, le mythe évasionniste et survivantiste devait naître.
On racontait alors que le corps d’un garçon décédé depuis peu aurait été caché dans un cheval de bois et installé dans la geôle du petit Capet, et que ce dernier aurait été fait évader par le même subterfuge homérien.
Une légende démentie par l’analyse ADN de son cœur, qui confirme sa mort à la prison du Temple en l’année 1795.
On aurait aimé et on aimerait croire que de bonnes âmes aient eu à cœur la vie d’un enfant de dix ans, mais Louis-Charles de France ne trouva personne.
Il faudra attendre encore des années pour que la haine, folle et implacable, des révolutionnaires ne trouve remparts.
Une rage qui portera les ordonnateurs de la mort famille royale sur le même échafaud, ironie de l’Histoire.
L’urne funéraire contenant le cœur de Louis XVII, fils de Louis Capet, dernier roi des Français, et de Marie Antoinette d’Autriche, gît dans la chapelle des Bourbons de la basilique Saint-Denis.

La tour du temple
Par Audrey D’Aguanno
(1) STEFAN ZWEIG, Marie-Antoinette, Éditions Grasset & Fasquelle, 1993
Crédit photo : DR
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