Quelles sont les réalités chiffrées de cette immigration en France ?
- 77 000 immigrés originaires de la Fédération de Russie vivent aujourd'hui sur le territoire national (INSEE) ; ils sont 12 fois moins nombreux que les immigrés algériens ;
- 35 000 citoyens russes bénéficient du droit d’asile en France, dont une part notable de Tchétchènes, ce qui en fait la 4ème nationalité la plus nombreuse à jouir de ce statut protecteur dans notre pays (OFPRA).
Si l'attention gouvernementale apparaît se porter sur la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC),
qui est certainement une source de difficultés dans
l'actuelle situation de quasi-absence de relations diplomatiques entre
la France et la Russie, il ne s'agit pourtant pas de l'obstacle fondamental dans l'éloignement des ressortissants russes (dont les Tchétchènes radicalisés).
Tout d'abord, des entraves conjoncturelles existent, liées à la situation géopolitique avec la Russie dans le contexte de guerre en Ukraine. Comme le souligne la députée Brigitte Klinkert dans un rapport parlementaire publié à l'automne 2024 : « si
l’absence de délivrance de LPC explique en grande partie l’inexécution
des OQTF, elle n’est pas la seule cause de non-éloignement [...] on peut citer les contraintes du trafic aérien international, l’impossibilité physique de mettre en œuvre les éloignements forcés [...]. Les pays vers lesquels les éloignements sont aujourd’hui physiquement impossibles sont notamment la Russie, l’Ukraine, la Libye, la Syrie, et l’Afghanistan [...] il n’existe actuellement aucune liaison aérienne utilisable pour la mise en œuvre d’éloignements forcés.»
Si la France souhaitait néanmoins parvenir à éloigner ces profils dangereux vers la Russie, elle devrait alors obtenir des visas de transit par des pays tiers pour la personne concernée, mais aussi pour son escorte.
Toutefois, ce sont surtout des obstacles jurisprudentiels – et donc nos propres juges nationaux et européens – qui empêchent l'éloignement de ces profils, dont le ministre Gérald Darmanin pointe à juste titre la dangerosité :
- En effet, l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme prohibe les « traitements inhumains et dégradants », alors que les terroristes et les islamistes impliqués dans le djihadisme risquent la torture s’ils sont renvoyés en Russie.
- Or, la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle dans une jurisprudence constante que « la protection offerte par l'article 3 de la Convention présente un caractère absolu » : elle ne souffre nulle dérogation « même
en cas de danger public menaçant la vie de la nation, et même dans les
circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé ou un afflux de migrants et de demandeurs d’asile, indépendamment du comportement de la personne concernée » ;
- Par ailleurs, l'article 8 de la même Convention dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
- Les juges contrôlent en conséquence la proportionnalité d'une décision d'éloignement à l'aune des liens familiaux entretenus en France par la personne concernée.
Ainsi, la marge de manœuvre des
pouvoirs publics se trouve particulièrement restreinte face à l'ensemble
des jurisprudences et contraintes des « cinq Cours suprêmes »
(à savoir le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de
Cassation, la Cour de Justice de l'Union européenne et la Cour
européenne des droits de l'Homme).
Une telle situation renvoie aux inquiétudes démocratiques face à la problématique du « gouvernement des juges » et suggère la nécessité d'un profond remaniement de notre architecture juridique, afin de rendre des marges de manœuvre au pouvoir politique en matière d'immigration.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire