dimanche 16 mars 2025

EUROPE : LE DÉNI DE DÉMOCRATIE EN ROUMANIE , UNE MANOEUVRE POLITICO-JUDICIAIRE ?

 

[STRICTEMENT PERSONNEL] 

Ils vont fort, ces Roumains !

Si les nationalistes remportent le scrutin de mai, la seule possibilité du pouvoir sera de dissoudre le peuple.
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Le monde entier, non sans raison, a les yeux fixés sur la grande partie qu’ont entamée le joueur d’échecs résident à vie du Kremlin et le professionnel du poker locataire pour quatre ans de la Maison-Blanche.

 À quelle sauce ces deux hommes forts vont-ils accommoder l’Ukraine ?

 Le président Zelensky sera-t-il tenu à l’écart des négociations et des décisions qui détermineront son destin personnel et le sort de son pays ?

 L’Europe, géant économique et avorton politique, aura-t-elle son mot à dire et son rôle à jouer dans une affaire qui ne concerne pas uniquement Moscou et Washington ?

 

Déni de démocratie en Roumanie

Tandis que le sujet qui tient le devant de la scène éclipse momentanément tous les autres, la vie continue sur la planète, fût-ce à bas bruit.

 Dans la pénombre propice aux mauvais coups, c’est tout simplement un scandaleux déni de démocratie qui se dessine en Roumanie, pratiquement ignoré de nos médias comme de toutes les autorités morales et institutionnelles du Vieux Continent.

C’est peu dire que la démocratie est encore chose neuve et fragile, dans ce pays ami et à tant de points de vue proche du nôtre. 

Sans entrer dans le détail d’une Histoire tourmentée, on rappellera seulement que la Roumanie, entre son émergence en tant qu’État et que nation au milieu du XIXe siècle et la fin du XXe siècle, n’avait guère connu que des régimes autoritaires, voire dictatoriaux, du maréchal Antonescu et de la « Garde de fer » jusqu’à l’infernal couple Ceaușescu en passant par le communiste Gheorghiu-Dej.

Depuis l’effondrement du bloc de l’Est et sa libération du joug russe, la Roumanie, délivrée du despotisme, a découvert et expérimenté les obligations et les avantages du système démocratique. Non sans avoir pieusement conservé une partie de l’héritage de son passé, et notamment un niveau de corruption unique en Europe.

 On n’entrera pas dans le détail des méandres, aussi tortueux mais moins bleus que ceux du Danube, de la vie politique locale, et pas davantage dans ses coulisses et ses arrière-cuisines, parfois aussi malodorantes que les égouts de Bucarest. 

 Il n’empêche qu’au total, le pays faisait de façon globalement positive l’apprentissage du pluralisme, du respect du droit et de la liberté. 

Tout ce que remet en cause et en danger le processus électoral engagé il y a près de six mois, processus qui porte un coup mortel, avec le retour de l’arbitraire, au principe essentiel qui est la base de la démocratie.

 

La surprise Călin Georgescu au premier tour de l'élection présidentielle

Rappelons sommairement le principe fondamental de la démocratie, autrement dit le pouvoir du peuple. 

Dans ce système - le pire à l’exception de tous les autres, comme disait Churchill -, il n’est de pouvoir légitime que celui qui vient du peuple, du peuple tout entier, à travers la délégation que, pour des raisons pratiques évidentes, il confère à ses représentants élus. 

Jusqu’à l’actuelle élection présidentielle, en cours depuis fin novembre dernier et dont le terme vient seulement d’être fixé aux 4 et 18 mai prochains, la Roumanie avait répondu de façon satisfaisante aux exigences minimales de la démocratie. 

Elle s’en est écartée, au vu des résultats du premier tour, le 24 novembre 2024. Elle a emprunté par la suite et suit désormais un chemin, une pente qui ne peut que réveiller et réinstaller au pouvoir les vieux démons que l’on avait crus un peu vite exorcisés.

La veille du scrutin du 24 novembre, tout semblait joué d’avance. 

Le Premier ministre en exercice, Marcel Ciolacu, social-démocrate, était donné gagnant, suivi de la candidate centriste Elena Lasconi puis, largement distancé, un candidat national-populiste et de surcroît russophile : Călin Georgescu. 

Presque un inconnu au début de la campagne, on avait noté la montée de sa cote lors du sprint final. 

De là à supposer qu’il arriverait en tête avec 23 % des suffrages, devant Lasconi (19,20 %) et Ciolacu (19,15 %)…

Une manœuvre politico-judiciaire qui suscite de violentes manifestations

La consultation s’était déroulée dans les conditions les plus régulières, suivant le protocole traditionnel du vote dans tous les pays démocratiques : vérification de l’identité de l’électeur, passage par l’isoloir, insertion du bulletin dans l’enveloppe, deux précautions essentielles qui assure avec le secret la liberté du vote.

 Les résultats étaient incontestables. Ils n’en étaient pas moins insupportables, intolérables, inadmissibles aux yeux des détenteurs du pouvoir. 

On chercha donc et l’on trouva, laborieusement, les arguments puis les procédures qui permettraient et ont en effet permis l’annulation du vote du 24 novembre.

 Georgescu n’avait percé et pris la tête que grâce au soutien du réseau social TikTok.

 Le soutien massif bien que larvé de la Chine expliquait son succès inattendu. L’ingérence russe, d’autre part, y avait largement contribué. 

Les électeurs qui l’avaient choisi étaient soit complices soit manipulés... ou achetés ?

 Quoi qu’il en soit, il fallait trouver le moyen d’annuler ce vote qui risquait de déstabiliser tout l’establishment, ses prébendes, ses mandats, ses orientations, son droit (non écrit) à obtenir et à conserver le pouvoir. 

La Cour constitutionnelle y pourvut. 

Par deux fois. La moitié de ses membres étaient sociaux-démocrates. 

Et alors ? Dans un premier temps, elle annula le premier tour du scrutin, ce qui rendait évidemment impossible l’organisation du deuxième tour. 

Dans un second temps, le 5 mars dernier, alors que les sondages attribuaient 40 % d’intentions de vote, et vraisemblablement une victoire éclatante, à Georgescu, la même Cour invalida la candidature de celui-ci, dont deux autres leaders nationalistes ont pris la relève au dernier moment.

 La manœuvre politico-judiciaire a suscité de violentes manifestations.

Elle est maintenue. Sera-t-elle efficace ? 

Le président de la République, Klaus Iohannis, menacé de destitution par l’Assemblée nationale, a choisi de démissionner. La Roumanie est en plein chaos institutionnel et moral. 

Qu’en adviendra-t-il ?

Toute personne ayant accompli son devoir civique est familière de la petite phrase, prononcée par les assesseurs, qui conclut son parcours dans le bureau de vote : « A voté. 

» Heureusement protégés - quand même - par leur anonymat, les électeurs de Géorgescu n’ont pas perdu leur droit de vote. Ils ont été seulement stigmatisés et sanctionnés. 

Le pouvoir en place ne leur a pas moins signifié qu’à ses yeux, il existe deux catégories de citoyens : ceux qui, lucides, éclairés, non influençables ou seulement influençables par les divers moyens de propagande du camp du Bien, votent bien, et les autres, ignares, égarés, fanatiques, à qui l’on n’envoie pas dire « A mal voté ».

 

En Roumanie et ailleurs ?

Ne rions pas.

 Même dans des États et des pays qui peuvent se prévaloir d’une pratique plus ancienne et apparemment mieux protégée contre les remises en cause, il existe bien des manières de ruser avec la volonté du peuple. 

Nous, Français, avons vu en 2007 le chef de l’État lui-même, par des voies subtiles et détournées, invalider le « non » majoritaire du référendum de 2005. 

Aux États-Unis mêmes, il a dépendu des tribunaux et de la Cour suprême que soit autorisé à se présenter un homme qui était l’objet d’une multitude de procédures judiciaires, qui a pu affronter le corps électoral et qui a finalement été élu président. 

En France, il appartiendra au Conseil constitutionnel présidé par Richard Ferrand de décider, d’ici la fin du mois, s’il barre la route de l’Élysée à un parti, au moins à sa candidate qui pèse plus de 30 % des voix au premier tour…

Revenons à la Roumanie. 

Si, malgré les obstacles accumulés en travers de la route qui mène au pouvoir, les nationalistes remportent le scrutin des 4 et 18 mai, la seule possibilité qui reste au pouvoir sortant et sorti sera de dissoudre le peuple.

 
Picture of Dominique Jamet
Par Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne) 
 
ET AUSSI
 
 

 

[VOTRE AVIS] 

Le scénario roumain peut-il arriver à la France ?

En Roumanie, le candidat de droite radicale a été définitivement écarté de la course par la Cour constitutionnelle.
©CreativeCommons
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En Roumanie, le 11 mars dernier, Călin Georgescu, figure de la droite radicale, a été définitivement écarté de la course par la Cour constitutionnelle, après le rejet de son appel contre la décision de la commission électorale. 

Il lui était reproché d’avoir bénéficié d’une campagne TikTok illicite, entachée de soupçons d’ingérence russe. 

Olivier Bault évoquait, le 13 mars, dans ces colonnes, l'hypothèse d'un scénario similaire, en Pologne, à l'occasion de la prochaine élection présidentielle. 

En France, Marine Tondelier, la patronne des écolos, à propos de la réception de Marine Le Pen et Jordan Bardella avec l'ensemble des chefs de groupes parlementaires, par le Premier ministre et le ministre des Armées, pour évoquer à huis clos les questions de défense nationale, liées à la guerre en Ukraine, n'a pas hésité à déclarer : « C’est bien, Marine Le Pen va être informée de comment Poutine essaye de truquer nos élections pour la faire gagner... »  Alors...

 

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Radu Portocala : l’étrange similitude

Les chefs de l’Occident libéral

Par  Radu Portocala.

Ingérence française dans l’élection présidentielle en Roumanie ? 

Il est intéressant de noter que le discours anti-russe que tiennent les chefs de l’Occident libéral est la reproduction en miroir du discours anti-occidental que tenaient les chefs du monde communiste dans les années’50.

 

Les rodomontades grotesques, l’exhibition des muscles, les fantasmes guerriers – tout cela est identique.

Macron et sa cour de politiciens ratés et de journalistes stupides se croient probablement originaux.

 Ils ne le sont pas. 

Ils ne font que copier des hystéries idéologiques qu’ils se seraient peut-être fait un devoir de condamner s’ils avaient vécu au temps où on les proférait.

 

Ceci étant une supposition qu’il n’est pas possible de vérifier, contentons-nous de considérer que ces gens – président, politiciens, journalistes – sont les ternes épigones de ceux qui agissaient jadis dans le monde communiste.    

 RADU PORTOCALA

 

Ce billet est paru le 6 mars sur la page FB de son auteur. 

Radu Portocala est écrivain et journaliste, spécialisé notamment en Relations Internationales.

Wikipédia

Dernière publication…

 

 Source :   https://www.jesuisfrancais.blog/2025/03/16/radu-portocala



 



 

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