lundi 31 mars 2025

GÉOPOLITIQUE : LES MOLLAHS NE SERONT JAMAIS NOS AMIS ! ( MAJID RAFIZADEH )

 REVUE DE PRESSE !

Qu'on le veuille ou non, la nature du régime iranien est indissociable de ses fondements idéologiques. 
La République islamique d'Iran n'est pas un État ordinaire, ni même une dictature conventionnelle.
 C'est une entité idéologique structurée par son opposition aux États-Unis, à Israël et à l'Occident.
 
 Photo : Le « Guide suprême » iranien Ali Khamenei rencontre le président Massoud Pezeshkian à Téhéran, le 27 août 2024. (Source : khamenei.ir)

Cela fait quatre décennies, que les hommes politiques occidentaux négocient avec le régime islamiste iranien dans l'espoir que son attitude envers l'Occident change.

 Téhéran s'est vu offrir à jets continus des ouvertures diplomatiques, des incitations économiques et des concessions pour qu'enfin une politique modérée voit le jour. En vain ! 

Et cela ne changera jamais.

 Qu'on le veuille ou non, la nature du régime iranien est indissociable de ses fondements idéologiques.

 La République islamique d'Iran n'est pas un État ordinaire, ni même une dictature conventionnelle.

 C'est une entité structurée par son opposition idéologique aux États-Unis, à Israël et à l'Occident.

Au premier jour de la révolution de 1979, la République islamique s'est forgée dans l'opposition aux États-Unis et à Israël. 

Il ne s'agissait pas là de politique étrangère, mais d'une lutte contre des incarnations du Mal. Face au « Grand Satan » américain et face au « Petit Satan » israélien, le régime campait en outil de justice divine

L'hostilité des mollahs iraniens envers les États-Unis et Israël n'a rien d'une attitude rhétorique ; c'est le fondement de leur légitimité. Si le régime mettait fin à son hostilité envers les États-Unis et Israël, son pouvoir perdrait son bienfondé.

Généralement, les autocraties pragmatiques peuvent avoir des raisons stratégiques d'ouvrir une guerre mais elles gardent la liberté de changer de cap.

 Le régime iranien lui est figé : son opposition à l'Occident est un devoir religieux. 

Se lier d'amitié avec l'Amérique ou Israël représente une trahison de ses racines islamistes révolutionnaires. 

Cette hostilité est la raison même de l'existence du régime – il ne peut y renoncer sans s'effondrer de l'intérieur, pas plus que les États-Unis ne pourraient abandonner les principes de liberté individuelle, d'égalité devant la loi ou de liberté d'expression.

Les gouvernements occidentaux successifs ont à plusieurs reprises, tenté de dialoguer avec l'Iran, proposé des incitations économiques ou diplomatiques dans l'espoir de modifier son comportement. 

L'approche de l'administration Obama en a été le meilleur exemple. 

Pour obtenir un « accord nucléaire », Washington a levé les sanctions, libéré des milliards de dollars de fonds gelés et même livré des palettes d'argent liquide aux mollahs.

 Il n'a obtenu en retour qu'une hostilité intensifiée.

 Les slogans « Mort à l'Amérique » et « Mort à Israël » ont jailli de plus belle ; Téhéran a redistribué toujours plus d'argent à ses alliés terroristes Hezbollah et Hamas ; ses centrifugeuses ont enrichi l'uranium à un rythme record et son agressivité s'est répandue à travers tout le Moyen-Orient.

Au lieu d'améliorer la vie des Iraniens ordinaires, le régime a utilisée la manne financière de l'accord nucléaire pour consolider son système islamiste, étendre sa présence militaire et accélérer ses ambitions nucléaires. 

Chaque négociation avec l'Iran a suivi le même schéma : le régime iranien fait des promesses, obtient des avantages financiers et politiques, puis, une fois sa position renforcée, ses actions belliqueuses reprennent.

 

La diplomatie occidentale entretient l'illusion que l'Iran peut renoncer à son programme nucléaire par la négociation. 

La République islamique considère l'arme nucléaire comme le garant ultime de sa survie. 

Le régime a tiré les leçons de l'histoire.

 Il a vu ce qui est arrivé à Mouammar Kadhafi en Libye, qui a accepté de démanteler son programme nucléaire, avant d'être renversé et assassiné.

 Le « Guide suprême » iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a explicitement déclaré que le sort réservé à Kadhafi prouve que l'Iran ne devrait jamais abandonner ses armes nucléaires.

Comme pour la Corée du Nord, les négociations peuvent ralentir le développement de l'arme nucléaire iranienne ; mais elles ne pourront jamais l'arrêter.

 Le régime n'accepte des négociations que s'il a besoin de temps – reconstruire son économie sous couvert de diplomatie, endormir l'Occident, ou passer le cap d'un climat politique défavorable, comme l'arrivée de Trump au pouvoir.

 L'objectif du régime reste toujours le même : acquérir l'arme nucléaire pour consolider sa domination régionale et dissuader toute tentative de renversement du régime.

Aucun pays ne comprend mieux le régime iranien qu'Israël. 

Contrairement à certains responsables politiques occidentaux qui se bercent d'illusions, Israël sait pertinemment que le régime iranien repose sur le mensonge et la tromperie. 

Les dirigeants iraniens ont ouvertement déclaré leur intention de rayer Israël de la carte, et la constitution iranienne fait de l'exportation de la révolution islamiste à travers le monde un engagement explicite.

 Pour ces raisons, Israël, préoccupé par le coût d'une perte de temps et d'opportunités, s'oppose à toute négociation avec l'Iran.

Il est temps que l'Occident abandonne sa stratégie ratée de dialogue avec le régime iranien.

 Si quatre décennies de diplomatie n'ont rien donné, hélas, la diplomatie ne fonctionnera jamais. 

La République islamique n'est pas un acteur étatique rationnel que des incitations économiques ou des ouvertures diplomatiques vont amener à coopérer. 

 C'est un régime idéologique qui se considère comme mandaté par Dieu pour s'opposer à l'Occident.

 

Si l'Occident veut véritablement affronter la menace, il doit cesser de mener des négociations stériles et adopter une stratégie de force. 

 Cela implique de soutenir pleinement la position d'Israël envers l'Iran et de prendre des mesures décisives pour empêcher ce dernier d'acquérir l'arme nucléaire. 

Seule la force peut neutraliser la menace iranienne. 

Le régime de Téhéran ne reconnaît qu'elle. L'Occident n'a pas d'autre alternative que d'agir ou de consentir à être dupé.

 

 

Source :   Le Dr Majid Rafizadeh est politologue, analyste diplômé de Harvard et membre du conseil d'administration de la Harvard International Review.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la politique étrangère des États-Unis. Vous pouvez le contacter à l' adresse dr.rafizadeh@post.harvard.edu.

 


ET AUSSI  
 
Houthis : le retour de la menace   

29 mars 2025

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Copyright: xHamzaxAlix//IMAGO_12330931/Credit:IMAGO/Hamza Ali/SIPA/2412141454


Houthis : le retour de la menace  

par

Fuite de documents aux États-Unis, attaques en mer Rouge : les houthis représentent toujours une menace majeure pour le trafic commercial

La guerre que se livrent Israël et le Hamas dans la bande de Gaza est intimement mêlée à un conflit plus large opposant la République islamique d’Iran à l’état hébreu et constituant une menace existentielle pour ce dernier.

 Un conflit qui se déroule dans l’ombre, à l’exception d’un échange inédit de tirs de missiles initiés par Téhéran le 1er octobre 2024 auquel a riposté Tel-Aviv le 26 du même mois. 

Tandis que le Mossad cherche, aux moyens d’assassinats ciblés, à s’assurer que l’Iran ne devienne pas une puissance nucléaire, l’État perse recourt de son côté aux services de proxys pour attaquer Israël. 

Ces principaux relais iraniens sont le Hamas dans la bande de Gaza, le Hezbollah au Liban, mais aussi les rebelles Houthis qui opèrent depuis le Yémen.

 Si Tsahal a mis le Hezbollah hors d’état de nuire et a considérablement affaibli le Hamas, les Houthis ont conservé l’intégralité de leur potentiel de nuisance.

 La menace qu’ils représentent est redevenue une préoccupation majeure autant que d’actualité depuis le 11 mars dernier.

 

Un potentiel de nuisance considérable

Avant de régner sur la quasi-totalité des 40 millions d’habitants que compte le Yémen, les Houthis constituaient un simple groupe de rebelles confiné dans le nord du pays et opposé au président Ali Abdullah Saleh

. D’obédience chiite et affichant déjà des positions anti-occidentales, le groupe a résisté aux bombardements provenant d’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis, des puissances majoritairement sunnites, et s’est allié à Saleh afin de prendre Sanaa, la capitale, et de ce fait, le contrôle d’une grande partie du pays en 2014.

 Ce dernier a finalement été assassiné par les houthistes en 2017 après avoir tenté de s’allier aux Saoudiens.

À lire aussi : Yémen : la victoire des Houthis et la défaite de l’Arabie Saoudite

 

Financés et formés par l’Iran, avec qui les Houthis partagent un agenda anti-occidental et un islam chiite, les miliciens houthistes se chargent depuis de promouvoir les intérêts iraniens dans la région. 

Cette haine partagée de l’Occident, qui se décline localement en la détestation d’Israël, s’est matérialisée au lendemain du pogrom du 7 octobre et a pris une ampleur telle que la réputation des Houthis et devenue mondiale.

À la tête d’une puissance comparable à « une puissante organisation militaire », selon un rapport de l’ONU cité par le Wall Street Journal[1], les Houthis ont profité de l’éclatement du conflit à Gaza pour harceler Israël aux moyens de missiles et de drones.

 Si ces attaques ont pour la grande majorité d’entre-elles été interceptées par le Dôme de fer israélien, c’est surtout par l’insécurité croissante que les Houthis font peser sur le commerce maritime transitant par la mer Rouge que ces derniers ont attiré l’attention de la communauté internationale, et notamment celle des États-Unis.

 L’administration Biden, confiante dans sa capacité à endiguer la menace houthiste, s’est trouvée confrontée à un ennemi plus coriace que prévu qui, en tirant à vue ses missiles et drones sur tout navire battant pavillon occidental, a durablement perturbé l’activité commerciale régionale, qui représente en temps normal 15% des échanges maritimes mondiaux. 

Cette instabilité a notamment engendré une hausse continue du cours du pétrole brut tout au long de l’année 2024[2].

En raison de la dégradation des conditions sécuritaires dans la mer Rouge, le coût d’acheminement des marchandises en provenance de Chine à destination de l’Occident a doublé. 

Tous les navires occidentaux sont devenus des cibles pour les miliciens houthistes qui n’ont pas hésité à procéder à des captures de bâtiments, comme ce fut le cas en novembre 2023 lorsque les terroristes se sont emparés du navire britannique baptisé le « Galaxy Leader ».

 Il aura fallu attendre le 22 janvier 2025 pour que les 25 membres d’équipage soient libérés.

Outre les pertes humaines, quatre marins ont été tués selon le ministère de la Défense américain[3], matérielles et économiques, l’Égypte accuse ainsi un manque à gagner de 800 millions de dollars par mois depuis novembre 2023 selon son Président[4], les attaques incessantes diligentées par les Houthis ont également fait craindre des dégâts environnementaux conséquents.

 Ce fut notamment le cas lorsqu’un navire pétrolier, le Sounion, qui transportait plus de 150.000 tonnes de pétrole brut, a été pris pour cible, engendrant la perspective imminente d’une catastrophe écologique[5].

À lire aussi : Les États-Unis n’arrivent pas à stopper les houthis

 

À l’arrêt depuis le 19 janvier 2025, date du début de la fragile trêve à Gaza, les Houthis ont annoncé le 11 mars dernier leur volonté de cibler à nouveau les navires de commerce qu’ils considèrent comme liés à Israël, déclenchant aussitôt la réaction de l’administration Trump.

 

Les Houthis à l’épreuve de la méthode Donald Trump

De tous les proxys mis à contribution par l’Iran dans sa guerre indirecte face à Israël, les houthistes sont ceux qui ont subi le moins de pertes humaines et matérielles.

 Tsahal a rempli sa part du deal informel passé entre Joe Biden et Benyamin Netanyahou au début de la guerre de Gaza.

 Les forces israéliennes se sont en effet employé à décapiter le Hezbollah avec la mort de son chef Hassan Nasrallah et à considérablement affaiblir le Hamas en supprimant notamment Ismaïl Haniyeh, son chef politique, et Yahya Sinwar, cerveau des attaques terroristes du 7 octobre, ainsi qu’un nombre conséquent de militants du groupe terroriste ; environ 20.000 selon certaines sources[6].

Relativement épargnés par la stratégie de Joe Biden, les Houthis ont pu constater un changement d’approche dès le 15 mars et l’action militaire décisive et puissante déclenchée par Donald Trump à la suite des menaces proférées par le groupe terroriste le 11 mars. 

Le président américain avait prévenu les Houthis via son réseau Truth Social : « Vos attaques doivent s’arrêter dès aujourd’hui. Sinon, l’enfer va s’abattre sur vous d’une manière que vous n’avez jamais vue ».

Cette annonce s’est aussitôt traduite par de terribles frappes s’abattant sur plusieurs bastions des Houthis, faisant 53 morts et 98 blessés selon le ministère de la Santé du Yémen, contrôlé par les rebelles. Washington, qui affirme par ailleurs avoir éliminé plusieurs hauts responsables Houthis, a annoncé par la voix de Donald Trump sa volonté d’anéantir complètement le mouvement en ordonnant de nouvelles frappes.

 Trump a également intimé à l’Iran de cesser tout soutien au groupe yéménite.

À lire aussi : Attaques des houthis en mer rouge : un rebondissement pour la Jeune École ?

 

Les Houthis, qui ont riposté en prenant pour cible, sans l’atteindre, le porte-avions américain USS Harry Truman, ont subi de nouvelles frappes le 20 mars touchant Hodeïda et Saada[7]

Ce revirement de l’administration américaine signifie également pour l’Iran la fin de l’approche Biden et donc celle de la stricte application de la « loi Obama[8] » en vertu de laquelle « L’Iran peut attaquer, mais personne ne peut attaquer l’Iran ».

La stratégie de Donald Trump, qualifié par de nombreux médias de « meilleur ami d’Israël », vise effectivement à annihiler les Houthis de manière à amoindrir la puissance de feu de la République islamique d’Iran et la menace existentielle qu’elle fait peser sur l’état hébreu.

 Le risque d’une hausse du cours du pétrole brut en cas de nouvelles perturbations du commerce maritime dans la mer Rouge n’a pas non plus échappé au 47e président des États-Unis, qui ne se départit jamais d’une approche transactionnelle des évènements internationaux. 

 Désireux d’éviter un tel scénario pouvant faire resurgir le spectre de l’inflation, Donald Trump pourrait également profiter de la situation au Yémen pour définitivement éradiquer les Houthis.

Selon le magazine Foreign Policy[9], la mainmise des Houthis sur le pays est contestée par d’autres factions depuis deux ans. 

Les difficultés économiques traversées par le groupe terroriste ne lui permettront pas de subir les bombardements américains tout en luttant contre des factions rivales locales.

 De quoi provoquer la fin de la menace Houthis ? 

Certains observateurs leur prédisent un destin similaire à celui du Hezbollah ou du régime de Bachar el-Assad en Syrie.

 

[1] https://www.wsj.com/world/middle-east/how-the-houthis-went-from-ragtag-rebels-to-global-threat-5aa268d0?mod=Searchresults_pos15&page=2

[2] https://www.europe1.fr/economie/les-prix-du-petrole-montent-pousses-par-le-risque-geopolitique-en-mer-rouge-4222991

[3] https://www.cfr.org/article/siege-red-sea

[4] https://www.reuters.com/world/africa/egypt-suez-canal-monthly-revenue-losses-around-800-million-sisi-says-2025-03-17/

[5] https://www.ft.com/content/7f886279-fecb-4410-b402-fbf85b9411b1

[6] https://www.reuters.com/world/middle-east/how-many-palestinians-has-israels-gaza-offensive-killed-2025-01-15/

[7] https://www.timesofisrael.com/us-pounds-houthi-stronghold-as-group-claims-4th-attack-on-aircraft-carrier-group/

[8] https://www.wsj.com/opinion/trump-threatens-iran-with-the-end-of-obamas-law-threat-houthis-appeasement-768073fc

[9] https://foreignpolicy.com/2025/03/19/houthi-yemen-trump-iran-hezbollah-assad-gaza-airstrikes/


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À propos de l’auteur

Par Edouard Chaplault-Maestracci

 Source et Publication :  https://www.revueconflits.com/houthis-




 

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