S’il est une chose qu’on peut éventuellement reprocher aux paysans, c’est une certaine forme de naïveté : ils croient aux promesses qu’on leur fait.
Et Dieu sait qu’on leur en fait !
Les dernières remontent au printemps.
Le Premier ministre d’alors, le frais émoulu Gabriel Attal, n’en fut pas avare.
Le 16 mars 2024, après un Salon de l’agriculture mouvementé, il lançait son grand plan d’aide au monde agricole depuis Montbéliard.
Un mois plus tard, Matignon claironnait : « Le Premier ministre, soucieux de répondre aux préoccupations exprimées par les agriculteurs et de favoriser un dialogue constructif, annonce aujourd'hui un ensemble de quatorze nouveaux engagements visant à soutenir le secteur agricole et répondre aux nombreuses revendications exprimées partout en France depuis plusieurs mois. »
Il est vrai qu’on avait eu chaud, en haut lieu.
Rappelez-vous, pendant des semaines, les panneaux d’entrée de villes retournés pour montrer qu’on « marche sur la tête ».
Depuis le Berry, la Savoie ou l’Aubrac, les tracteurs remontant en colonnes serrées vers Paris.
L’apothéose, enfin, au Salon de l’agriculture, avec un Macron sifflé, hué et qui, terrorisé, faisait donner la troupe pour pouvoir déambuler dans un hall totalement vide.
T’as qu’à croire…
Et voilà que, deux mois plus tard, le Premier ministre assurait : « Les six piliers de notre action seront renforcés », à savoir :
– préserver notre souveraineté agricole et alimentaire ;
– mieux reconnaître le métier d’agriculteur avec une amélioration des
retraites agricoles à travers la prise en compte dès 2026 des 25
meilleures années ;
– redonner de la valeur à notre alimentation et du revenu aux agriculteurs en accordant des prêts de trésorerie ;
– protéger contre la concurrence déloyale et renforcer la compétitivité de nos exploitations agricoles ;
– simplifier la vie quotidienne des agriculteurs, notamment sur la législation concernant les produits phytosanitaires ;
– assurer le renouvellement des générations en agriculture par des plans d’accompagnement et contrats d’avenir territoriaux.
Ces mesures, concluait alors Gabriel Attal, « démontrent notre détermination à répondre aux besoins de nos agriculteurs et à garantir un avenir prospère pour notre agriculture ».
Sauf que… Six mois plus tard, on est loin des promesses à leur réalisation.
Certes, dira-t-on aux agriculteurs, les élections sont passées par là, puis la dissolution, puis les Jeux olympiques, puis ce gouvernement qui n’en finit pas d’arriver.
La vie des agriculteurs, elle, a continué comme avant, entre travaux harassants et illusions perdues.
Elle a même continué pire qu’avant pour certains, avec une météo pourrie qui « a flingué les récoltes céréalières », mis la pourriture dans les vignes, à quoi il faut ajouter « la flambée des maladies animales », comme le détaille 20 Minutes : maladie hémorragique épizootique, fièvre catarrhale ovine ou grippe aviaire.
Les agriculteurs, comme chaque année, sont depuis mardi à Rennes, au grand Salon international de l’élevage.
Et, céréaliers, éleveurs ou vignerons, ils en ont gros sur la patate, tant pèse le sentiment de s’être faits flouer.
On n’arrête pas la traite des vaches comme les métros ou les trains
Ils n’ont rien contre Michel Barnier, qui fut sans doute l’un des meilleurs ministres de l’Agriculture.
Comme le disait, lundi, sur X, Cédric Viallemonteil, « l’agriculteur en colère » : Michel Barnier est « un homme que j’aime bien et que j’apprécie puisqu’il a fait beaucoup pour l’agriculture en montagne [Cédric Viallemonteil est éleveur bovin à Sourniac, dans le Cantal NDLR], mais je viens de voir que, comme les autres, il n’avait qu’une idée pour payer la dette, c’est d’augmenter les impôts ».
Comme lui, les agriculteurs vont encore patienter, attendre de voir quel ministre va sortir du chapeau pour prendre en main leur sort, mais ils sont las d’être bercés de beaux discours.
Comme le confie Cédric Henry, président de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine, à 20 Minutes : « On va laisser passer un ou deux mois, le temps des récoltes. Mais si rien ne bouge, c’est sûr que l’on va ressortir les tracteurs.
Il n’y a que quand ça gronde que l’on obtient des choses. »
Alors, même s’il n’a pu répondre à notre appel, trop occupé par ses bêtes, on peut être certain que l’éleveur du Cantal sera aussi du voyage.
Tous le demandent : faut-il vraiment casser pour être entendus ?
Car les agriculteurs n’ont pas, comme les fonctionnaires, le temps de la grève illimitée devant eux.
Le travail de la terre est, comme l’élevage, rythmé par le temps immuable.
On n’arrête pas la traite des vaches comme on stoppe les métros ou les trains.
On ne se met pas en grève de récolte comme on suspend l’enseignement des enfants.
Il n’y a pas d’intermittents au chômage doré, dans ce monde-là, rien que des permanents.
Thématiques :
Agriculture
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire