[ÉDITO] France Inter et ses « cinquante nuances de progressisme »

Encore un article, un édito autour de cette commission d’enquête parlementaire sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public ?
Oui. Parce qu’accessoirement (ou pas !), l’audiovisuel public fonctionne avec de l’argent public et que l’argent public, par définition, c’est d’abord, surtout, tout simplement, l’argent du contribuable, donc le vôtre.
Ensuite, parce que les auditions de cette commission, dont notre confrère Yves-Marie Sévillia rend compte quasi quotidiennement pour BV, révèlent le fond de l’état d’esprit, de la pensée, pour ne pas dire de la philosophie qui animent les dirigeants de cette grande maison.
Le pluralisme ? Oui, bien sûr, mais à une condition : qu’il s’inscrive dans le courant progressiste.
Ce n’est pas dit comme ça, mais, en gros, c’est l’idée.
« Nous sommes une radio progressiste et nous l’assumons »
Preuve en est un passage de l’audition de Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, autour des récents propos d’Adèle Van Reeth, directrice de France Inter : « Nous sommes une radio progressiste et nous l’assumons.
» Comme l’a fait remarquer Charles Alloncle, rapporteur de la commission, le progressisme se définit comme une idéologie politique, tout comme le conservatisme, auquel il s’oppose.
S’afficher clairement comme « progressiste », n’est-ce pas contrevenir au devoir de neutralité du service public ?
Par exemple, si un directeur de France Inter avait revendiqué une ligne « conservatrice », on n’aurait pas manqué de le lui reprocher.
Mais non, pas du tout, vous n'avez rien compris.
Mme Veil nous explique d’ailleurs doctement qu’« il existe un ouvrage qui s’appelle Les cinquante nuances de progressisme qui nous montre qu’il y a toute une histoire de ce courant-là »...
On passe la suite tout aussi filandreuse qu’emberlificotée.
Comme nous sommes curieux, nous avons cherché ce livre.
Sauf erreur de notre part, il n’existe pas. C’est ballot.
En revanche, il existe bien un ouvrage intitulé Le Dictionnaire du progressisme, publié en 2022 aux Éditions du Cerf et co-dirigé par Christophe Boutin, Olivier Dard et Frédéric Rouvillois, ce dernier bien connu des lecteurs de BV.
À l’occasion de la sortie de ce dictionnaire, dans un entretien avec Alexandre Devecchio au Figaro Vox, effectivement, Frédéric Rouvillois avait expliqué que, selon lui, « il y a bien plus que "cinquante nuances de progressisme", entre la version radicale défendue jusqu’à sa récente disparition par le philosophe Michel Serres et le progressisme revendiqué mais ambigu d’une Valérie Pécresse ».
« Clivage central » : progressisme et conservatisme
Le même Frédéric Rouvillois insistait d’ailleurs sur un point que semble ne pas avoir compris ou voulu comprendre Mme Veil en ne lisant pas Les cinquante nuances de progressisme, puisqu'il n’existe pas : le progressisme est une idéologie.
« Le progressisme, en effet, n’est pas seulement une vague mentalité plus ou moins optimiste, ouverte et humaniste, c’est une véritable idéologie, autrement dit, une vision du monde construite, cohérente et globale, qui se manifeste sur tous les plans, aussi bien politique et sociétal que culturel, esthétique, moral ou religieux. »
Et cette idéologie s’oppose à quoi ? Au conservatisme, évidemment.
D’où la pertinence de la question du député Alloncle.
Progressisme et conservatisme fondent même désormais, selon Christophe Boutin, co-dirigeant du dictionnaire, « le clivage central » de nos sociétés.
« Entre un progressisme tout entier projeté vers un futur nécessairement désirable, et prêt à transformer l’homme pour qu’il réponde à son rêve de Cité idéale, et un conservatisme qui, lui, fait fond sur la réalité humaine, sait le poids de l’histoire et a en horreur le principe de la table rase. »
Un progressisme « dans un sens plus culturel »
Les mots ont un sens, et Mme Veil le sait très bien et en use.
Raccrocher ce « progressisme assumé » de France Inter à l’incontournable, indéboulonnable Victor Hugo - jusqu’au jour où les féministes et autres wokistes lui tomberont sur le paletot – est d'ailleurs un peu facile et un peu court.
Tout le monde aime Victor Hugo, figure emblématique de notre République.
Or, Hugo était progressiste.
Donc, tout le monde doit être progressiste.
Un syllogisme de classe de troisième.
Les mots ont un sens, et la philosophe Adèle Van Reeth, elle aussi, le sait évidemment.
Auditionnée, ce jeudi 18 décembre, elle n’a pas manqué de s’expliquer sur ce « progressisme » de France Inter.
« Lorsque j’ai employé le terme de progressisme, je ne l’ai pas fait dans un sens, disons partisan, ni militant, ni même politique. Je l’ai employé dans un sens qui serait plus culturel. »
Nuance ! C'est ce qui s'appelle « assumer ».
« Culturel » pour ne pas dire « idéologique » ?
Mais non, pas du tout, car notre philosophe poursuit : « J’entends par là la définition du service public qui consiste à être attentif aux évolutions de la société et aux débats contemporains.
Ce n’est pas une ligne idéologique, c’est une ligne éditoriale et qui est tout à fait fidèle à ce que nous devons être aujourd’hui. »
Un conseil de lecture à Mmes Veil et Van Reeth...
À l’écoute de ces Français qui refusent que leurs racines, leur identité, leurs traditions soient moquées, ringardisées, ostracisées ?
On pose la question, comme ça, au passage.
Christophe Boutin, toujours dans cet entretien au Figaro, donnait un contour très intéressant du populisme, sans doute honni sur France Inter : « Le populisme relève plus de la manière dont des peuples foncièrement conservateurs, qu’ils se croient de gauche ou de droite, mais qui s’estiment trahis par des élites progressistes elles aussi de gauche ou de droite, revendiquent leur droit à la parole.
» Cela vaudrait le coup, si elles en ont le temps, que Mmes Veil et Van Reeth lisent sur ce sujet deux ouvrages qui existent bel et bien : Le Dictionnaire du conservatisme et Le Dictionnaire des populismes.
Mêmes auteurs, même éditeur.
Cela les aiderait peut-être à être plus attentives « aux évolutions de la société et aux débats contemporains », comme elles disent...
Une dernière chose, encore.
S'insurger contre l'idéologie progressiste, ce n'est évidemment pas être contre le progrès. Qui regrette que la cabane au fond du jardin ait été remplacée avantageusement par des commodités plus modernes ?
Il faudrait réécouter le général de Gaulle sur ce sujet. « La ménagère, elle veut avoir un aspirateur, un frigidaire [...] et en même temps, elle ne veut pas que son mari s'en aille bambocher de toutes parts [...]
La ménagère veut le progrès mais elle veut pas la pagaille.
Eh bien, c'est vrai aussi pour la France : il faut le progrès, il faut pas la pagaille ! » Il est vrai que parler de « ménagère », en 2025, n'est pas très progressiste...
ET AUSSI
Commission d’enquête : ce n’est pas du militantisme, c’est de l’humour, se défend France Inter

Commission d’enquête parlementaire sur l’audiovisuel public, acte 14. France Inter est-elle une radio avec « un biais idéologique de gauche » ?
Telle est la question centrale que le rapporteur UDR Charles Alloncle a posée aux responsables de la radio la plus écoutée de France, ce jeudi 18 décembre.
En tentant à travers maints exemples de les mettre devant leurs contradictions.
Et dans ce domaine, l’humour a fait figure de rempart de défense.
La directrice de l’antenne, Adèle Van Reeth, et ses trois acolytes, directeurs des programmes, de l’information et de la production de la radio du service public, s'y sont innocemment retranchés.
« Tradition française de chansonnier »
Le 23 juin 2024, à une semaine des élections législatives, « pas moins de dix chroniqueurs » chantent « la chanson des gauchos ».
Charles Alloncle utilise cet exemple pour souligner ce qui l’interpelle, l’impartialité d’une station dont les chroniques, selon une étude de l’IFOP, sont à 66 % orientées à gauche.
Ce soir-là, sur une reprise de la chanson des Enfoirés, Aujourd’hui, on n’a plus le droit, les journalistes de France Inter interprètent des paroles innovantes.
« Demain si c’est Bardella, c’est fini pour toi, fini pour moi », « glisser un bulletin dans l’urne contre la vague brune », les artistes d’un soir poussent la chansonnette, « le gros baratin » du RN, est décrit en « France de Pétain ».
Pour la présidente de France Inter, il ne s’agit ni plus ni moins que de « l'humour ». Décliné sur son antenne, « sous toutes ses formes » et qui s’inscrit dans la grande lignée de la « tradition française de chansonnier qui a une longue histoire ».
« On ne peut pas déduire la ligne éditoriale de France inter à partir d’une seule chanson », se défend Adèle Van Reeth.
Un argument qui laisse dubitatif Charles Alloncle.
Le député s'étonne que les chansonniers de la radio du service public n’aient jamais à l’esprit d’« inviter à faire barrage à Jean-Luc Mélenchon et à la gauche ».
Derrière l'humour
Bis repetita lorsque le rapporteur évoque une émission du 26 novembre dernier lorsqu’un chroniqueur de France Inter explique que « la mixophobie est un truc de blanc » ; en novlangue, la mixophobie, selon une définition proposée sur la site de la radio, c'est la peur de l'autre, la peur du métissage.
On peut entendre qu’une femme blanche « mériterait de prendre sa pétée avec un Antillais ».
« Est-ce que vous trouvez ça drôle et convenable qu’un humoriste appelle à des violences
faites aux femmes et appelle au viol, sous prétexte qu'il s'agit de femmes blanches ? »,
interroge le député ciottiste.
Lorsque nous sommes dans le registre de l’humour, la tonalité est différente que lorsque nous sommes dans le registre de l’information ou de la culture », lui répond la directrice de France Inter qui n’hésite pas, face aux exemples qui lui sont soumis, à reprendre
Chaque bévue rapportée ne représente que « 3 minutes au milieu de 10.000 minutes d’antenne par semaine ».
Laurent Goumarre, directeur des programmes de la station, en rajoute une couche.
Cela ne nous fait pas rire ?
Eh bien, qu’à cela ne tienne, « personne n’est obligé de rire aux mêmes blagues que les autres, affirme-t-il.
L’outrance et la caricature font partie de la liberté d’expression. »
Le responsable de France Inter assume parfaitement : « L’irrévérence et la provocation ont leur place sur le service public ! La seule limite qu’on peut lui opposer, c’est celle du droit. »
C’est pratique, c’est facile, l’humour, on lui fait dire ce que l’on veut.
Quant à savoir ce qui relève de l’humour ou du militantisme, voilà une subjectivité bien utile pour nos confrères de France Inter.
« Les médias Bolloré sont une organisation politique », Cohen et Legrand s’emportent

Guerre de tranchées. Les auditions des journalistes Patrick Cohen et Thomas Legrand, ce jeudi 18 décembre, par la commission d’enquête parlementaire sur l’audiovisuel public ont permis, dans un climat de très haute tension, aux deux protagonistes de verser tout leur fiel contre les médias du groupe Bolloré.
Convoqués pour s’expliquer sur leurs propos tenus dans un café avec deux dirigeants socialistes, les deux journalistes, vieux briscards de la profession, ont nié en bloc une quelconque faute ou maladresse.
Ils ont émaillé leur défense par des charges virulentes contre CNews, Europe 1 ou Le JDD, en dénonçant ce que Patrick Cohen a qualifié d’« opération de propagande sans limite visant à dénigrer, à détruire le service public ».
À ce sujet — Commission d’enquête : ce n’est pas du militantisme, c’est de l’humour, se défend France Inter
« Méthodes de barbouzes »
Les deux hommes en ont fait le décompte, en deux semaines, sur l’antenne de CNews, que Patrick Cohen qualifie de « chaîne dite d’information », l’affaire qui les concerne a fait l’objet, du 6 au 20 septembre, de 853 séquences et, dans les trois premiers jours, la vidéo qui les met en cause a tourné 181 fois.
Cette même semaine, constate Thomas Legrand, son nom a plus été cité, sur les plateaux où sévit Pascal Praud, que celui de Sébastien Lecornu, pourtant nommé concomitamment Premier ministre.
Les accusations portées contre eux sont tout simplement « fantasmatiques ».
« Je constate que l’espionnage déguisé en journalisme est appelé à prospérer sur les antennes du groupe Bolloré », dénonce Patrick Cohen, qui évoque avec Thomas Legrand des « méthodes de barbouzes » et une « violation de la vie privée ».
Une référence à l'acte 2 de cette affaire, alors qu'Europe 1 révélait, le mardi 16 décembre, les propos tenus lors d'un café pris entre Thomas Legrand et l'ancienne directrice de France Inter, « une amie » de ce dernier, en vue de préparer cette audition.
« Une dérive très préoccupante »
Les deux journalistes ne se sont pas trop attardés sur le fond. Patrick Cohen se défend de ne pas être mis en cause dans des enregistrements où on ne l’entend pas et dénonce « une manipulation voire une falsification ».
D’ailleurs, il refuse de condamner les propos de Thomas Legrand.
Quant à ce dernier, il explique qu’il ne parle de Rachida Dati qu’en référence à ses éditoriaux qu’il écrit dans Libération.
Un constat d’huissier attestant la conformité des propos tenus n’y changera rien, les journalistes évoquent un « montage falsifié ».
Finalement, tout cela relève du complot fomenté par un méchant milliardaire catholique qui fait « ses choux gras » de cette affaire.
Thomas Legrand s’insurge contre « les médias du groupe Bolloré qu’il accuse de créer un clivage entre les médias privés et le service public » et d’être « une organisation politique dotée de studios dans un but de propagande ».
Le ciel qui lui est tombé sur la tête est le « signe d’une dérive très préoccupante » qui prouve que la France est entrée « dans l’ère du trumpisme ».
L’éditorialiste prend même des airs très solennels et inquiets lorsqu’il s’adresse au rapporteur ciottiste de la commission, Charles Alloncle, puisque son parti, avec son allié le Rassemblement national, à en croire les sondages, est aux portes du pouvoir.
« La teneur de vos questions » en dit long : « tout cela est un peu inquiétant pour la suite ».
Toujours cette maudite peste brune.
Qui en ferait oublier le communisme.


Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire