ANALYSE –
Wokisme : La fin d’un cycle

Par Philippe Pulice
De nombreuses transformations s’opèrent à bas bruit, lentement, sans éveiller l’attention, puis se révèlent soudain au grand jour, parfois de manière brutale.
Le wokisme en est une illustration manifeste.
Issu de la French Theory et des campus américains, il s’est affirmé comme un mouvement militant dans la dynamique de Black Lives Matter en 2013, avant de se diffuser à une vitesse fulgurante dans les sociétés occidentales.
Ses combats — lutte contre le racisme, contre les discriminations et pour davantage de justice sociale — ont tout pour séduire.
Leur légitimité apparente explique en grande partie cette percée.
Mais c’est aussi ce qui rend toute critique difficile, surtout auprès des jeunes générations, d’autant que l’idéologie qui les sous-tend demeure largement méconnue.
Ceux qui s’opposent au wokisme se heurtent à trois obstacles majeurs : un capital sympathie, nourri par l’ignorance, une diabolisation orchestrée par ses défenseurs, et des campagnes de harcèlement menées par les wokes eux-mêmes — expression concrète de la cancel culture.
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Au nom du « bien », il n’y a plus de limites…
Le wokisme a prospéré grâce à un cocktail redoutable : activisme militant, indifférence ambiante, suivisme confortable et parfois même soumission résignée.
Peu à peu, il a su désamorcer la critique, tourner les avertissements en dérision, et enfermer toute opposition dans l’étiquette commode du conservatisme — voire carrément du fascisme.
Car tout est permis, même le plus insensé, quand on prétend appartenir au clan « du bien ».
Son discours, répété inlassablement, est simple : il prétend œuvrer pour le progrès des droits humains et la construction d’un monde meilleur.
Une promesse séduisante, à laquelle beaucoup ont adhéré — par conviction ou par confort.
Cette adhésion, devenue croyance, agit comme un véritable anesthésiant, plongeant les consciences dans une léthargie collective.
Seulement voilà,
Mais les réalités, elles, finissent toujours par s’imposer : certains événements récents marquent un véritable tournant : certains événements récents marquent un véritable tournant.
Ils provoquent un premier recul collectif et incitent à regarder autrement ceux qui, hier encore, lançaient l’alerte.
Leurs avertissements, longtemps tournés en dérision, trouvent aujourd’hui une nouvelle crédibilité.
Quels sont ces événements ?
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Tout d’abord, l’assassinat de Charlie Kirk.
Âgé de 31 ans, Charlie Kirk, cofondateur de Turning Point USA, une organisation conservatrice très active sur les campus et devenue l’un des principaux relais d’influence auprès de la jeunesse républicaine, a été abattu le 10 septembre 2025 lors d’une conférence à l’université d’Utah Valley.
Son assassin, Tyler Robinson, 22 ans, décrit comme instable, rejetait ses prises de position sur les questions transgenres.
Plusieurs sources affirment qu’il aurait lui-même entretenu une relation avec une personne transgenre.
Charlie Kirk était l’anti-modèle du wokisme, version américaine…
Ce drame a provoqué un choc immense.
Le week-end suivant, des hommages massifs ont eu lieu à travers le pays, dont un rassemblement géant à Glendale, en Arizona, qui a réuni près de 200 000 personnes.`
Donald Trump y a présenté Charlie Kirk comme un « héros américain » et un « martyr de la liberté ».
Son épouse, Erika, a marqué les esprits en affirmant publiquement pardonner au meurtrier.
La Chambre des représentants a, de son côté, adopté une résolution commune, signée par Républicains et Démocrates, rendant hommage à Charlie Kirk et condamnant la violence politique comme une menace directe contre la démocratie américaine.
L’assassinat de Charlie Kirk a créé une onde de choc majeure aux États-Unis.
Il accentue encore le clivage entre conservateurs et progressistes.
Ce n’est plus seulement une opposition culturelle ou politique : c’est une fracture qui porte en elle les ferments d’un affrontement plus grave, rendant plausibles les pires scénarios — la guerre civile, voire la partition, déjà évoquée par Douglas Kennedy dans son roman " Et c’est ainsi que nous vivrons."
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Fin d’une illusion : On peut débattre avec tout le monde…
Aux États-Unis, mais aussi dans l’ensemble du monde occidental, cet événement marque la fin d’une illusion.
Elle était fragile, certes, mais elle avait quelque chose de rassurant : on voulait croire qu’il était encore possible de rester sur le terrain des idées, de rationaliser les échanges.
C’était d’ailleurs la marque de fabrique de Charlie Kirk : aller sur les campus, discuter, débattre, interpeller la jeunesse.
Il répétait sans cesse : « Prouvez-moi que j’ai tort. »
Mais son assassinat révèle une réalité plus brutale : le wokisme n’est pas une opinion parmi d’autres, c’est une idéologie.
Et avec une idéologie, on ne discute pas.
Enfin, ce meurtre illustre une évolution de la cancel culture.
Jusqu’ici, elle s’exprimait surtout par des campagnes de harcèlement visant la mort sociale de l’adversaire.
Les menaces de mort étaient fréquentes, mais elles restaient des mots.
Cette fois, les actes se sont substitués aux mots.
Comme le rappelait Hannah Arendt dans Du mensonge à la violence, la violence n’est jamais un simple instrument qu’on manie à volonté.
Elle obéit à sa propre dynamique : elle se nourrit d’elle-même, s’autonomise et tend à s’intensifier, échappant à ceux qui croyaient la contrôler.
Autrement dit, une fois enclenchée, l’escalade devient inévitable.
Second événement : le meurtre d’Iryna Zarutska.
Le 14 septembre 2025, cette jeune Ukrainienne de 19 ans, réfugiée aux États-Unis depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, a été mortellement agressée à bord d’un train reliant Denver à Chicago.
Elle revenait d’une rencontre universitaire consacrée à la reconstruction de l’Ukraine.
L’agresseur, James Howard, 27 ans, déjà connu pour des faits de violence et décrit par plusieurs sources comme proche de cercles militants d’extrême gauche, s’en est pris à elle, l’accusant selon des témoins d’incarner le privilège blanc.
Il l’a frappée à coups de couteau.
L’attaque, d’une brutalité extrême, a provoqué sa mort avant l’arrivée des secours.
Elle a immédiatement suscité une vive émotion.
Dans plusieurs villes américaines, des rassemblements se sont tenus pour lui rendre hommage, mêlant communautés ukrainiennes et des citoyens de tous horizons.
Le président Trump a dénoncé un « meurtre idéologique » et a promis des sanctions exemplaires.
De nombreux responsables politiques, aux États-Unis comme en Europe, ont salué la mémoire d’Iryna, cette jeune femme emportée par la violence.
Ce meurtre renvoie inévitablement aux principes clés de l’idéologie sur laquelle repose le wokisme.
Sa grille de lecture oppose systématiquement les dominants aux dominés.
Dans ce schéma binaire et manichéen, la société est réduite à un champ de confrontation permanente entre oppresseurs et victimes.
Répétition vaut démonstration…
Aux États-Unis, cette logique place la communauté afro-américaine dans la catégorie des dominés, et les Blancs dans celle des dominants.
Peggy McIntosh a popularisé, dès la fin des années 1980, l’idée de « privilège blanc », définissant les avantages dont bénéficient les Blancs dans la vie quotidienne, qu’ils en aient conscience ou non.
La Critical Race Theory est allée plus loin : en parlant de racisme systémique, elle affirme que le racisme n’est pas un comportement individuel, mais une construction sociale inscrite dans le modèle des sociétés occidentales, au service des dominants.
Dans cette logique, une personne blanche ne peut pas être considérée comme victime de racisme.
Le racisme anti-blanc ne peut donc pas exister.
Par nature, de telles affirmations dressent les personnes dites « racisées » — présentées d’emblée comme victimes du racisme — contre les personnes blanches, accusées inévitablement d’être des oppresseurs, quoi qu’elles fassent ou disent.
Avec le wokisme, les individus sont prisonniers de leur appartenance à un groupe identitaire : celle-ci prévaut sur leurs actes.
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Le wokisme, c’est la haine de tous contre tous…
Une telle grille de lecture ne rassemble pas.
Bien au contraire : elle fracture.
Elle alimente le ressentiment et la haine.
De nombreux observateurs avaient pourtant mis en garde : en faisant renaître le concept de race, en essentialisant les individus, en désignant les uns comme éternelles victimes et les autres comme coupables par nature, le wokisme ne pouvait que raviver le racisme et ouvrir la voie à la violence.
Le meurtre d’Iryna Zarutska en est une illustration tragique — et prévisible. Le wokisme constitue une menace directe pour le vivre-ensemble, paradoxe saisissant lorsqu’on se rappelle les arguments que ses défenseurs mettent en avant, tout en feignant d’ignorer — volontairement ou non — l’idéologie qui l’anime.
Et enfin, dans un autre registre, propre à la France cette fois, le lancement du programme EVARS (Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle).
Entré en vigueur à la rentrée de septembre 2025, ce programme s’inscrit dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Il prévoit trois séances annuelles obligatoires pour tous les élèves.
Présenté par le ministère de l’Éducation nationale, il est officiellement destiné à prévenir les violences sexuelles et sexistes, à promouvoir l’égalité filles-garçons et à sensibiliser les élèves aux notions de respect, de consentement et de diversité.
Ce programme fit l’objet de polémiques, notamment au moment de sa préparation, ses opposants dénonçant, entre autres, l’introduction de la théorie du genre à l’école, l’un des piliers idéologiques du wokisme.
Anne Genetet, alors ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Barnier, rejeta ces critiques fin 2024, en affirmant que la théorie du genre n’existait pas et qu’il était donc absurde de prétendre la trouver dans ce programme, mettant en avant ses objectifs officiels.
Or, à la lecture de ce programme, une évidence s’impose : dès la 5ᵉ, c’est-à-dire à partir de l’âge de 12 ans, les élèves apprendront à distinguer le sexe biologique du genre (féminin, masculin, autre ?), présenté comme une simple construction sociale et culturelle.
La sémantique au service de la manipulation…
Alors, Anne Genetet a-t-elle menti ?
Pas vraiment : elle a joué sur les mots.
En réalité, lorsqu’on adopte cette conception du genre, qui rompt avec le lien naturel entre sexe et genre, on ne parle plus de théorie mais d’étude.
Cette distinction est capitale : elle constitue un marqueur idéologique majeur.
En déclarant que la théorie du genre n’existe pas, la ministre a fermé la porte au débat, comme si cette conception relevait déjà de l’évidence et ne pouvait plus être contestée.
Une stratégie habile, mais discutable : le cœur du sujet — cette nouvelle définition du genre — disparaît, invisibilisé par une communication soigneusement calibrée.
La théorie du genre n’a pas attendu le programme EVARS pour franchir les portes de l’école.
Son introduction remonte à la circulaire Blanquer de septembre 2021 sur la prise en compte des élèves transgenres.
À l’époque, l’objectif affiché était d’éviter l’exclusion et d’apporter un accompagnement à des enfants en questionnement ou en souffrance.
Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus dans l’accompagnement : nous sommes passés à l’apprentissage.
Le genre est désormais présenté comme une construction sociale et culturelle, érigé en savoir scientifique et enseigné comme tel dans un programme obligatoire.
Une théorie laisse place au doute, au débat, au libre arbitre : chacun peut examiner, critiquer, adhérer ou non.
Elle suppose encore une cohabitation d’idées, une ouverture au désaccord.
À l’inverse, une science, surtout lorsqu’elle est intégrée à l’école, s’impose.
Elle ne se discute plus, elle s’enseigne.
Voilà précisément où se situe le problème.
Avec ce glissement sémantique, les Français découvrent une fois de plus que le wokisme ne tolère pas la discussion : il impose ses certitudes.
Le temps du questionnement est terminé. Place à l’adhésion contrainte.
Un réveil douloureux…
Le tournant est amorcé.
Les trois événements évoqués ne suffisent peut-être pas à renverser l’opinion, mais ils fissurent le récit séduisant dont le wokisme s’est longtemps nourri.
Derrière les grandes causes affichées, se dévoile peu à peu une idéologie qui divise, radicalise et impose sa vision du monde sous couvert de bons sentiments.
Cette révélation redonne voix à ceux qui, hier encore, étaient moqués ou réduits au silence.
Retrouver la lucidité, c’est redonner toute sa place au libre arbitre.
L’éclat du wokisme s’estompe.
Sa séduction s’émousse, son aura s’effrite.
Un cycle s’achève, un autre s’ouvre — celui de la prise de conscience.
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Source et Publication : https://lediplomate.media/.../philippe/france/progressisme/
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