Une propriétaire expulse elle-même sa locataire et risque 30.000 euros d’amende

Dans une vidéo qui a fait plus de quatre millions de vue, sur TikTok, Léa, agent immobilier et créatrice de contenu, s’est filmée en train de déloger sa locataire sans que celle-ci ne soit au courant.
Une audace qui pourrait lui coûter 30.000 euros d’amendes.
Retour sur le parcours du combattant que représentent les procédures d’expulsion.
Expulser son locataire : une audace à 30.000 euros
La location avait commencé il y a à peine deux ans.
Après six mois d’impayés, la jeune propriétaire en a eu assez.
Elle a d’abord consulté un avocat et un huissier de justice pour traiter le problème de manière légale mais, en apprenant que la procédure d’expulsion prendrait au minimum une année, Léa a décidé de ne pas supporter plus longtemps cette situation intenable : « Impossible de la contacter (la locataire), j’ai décidé de changer les serrures, d’ouvrir le logement et de tout déménager », raconte-t-elle, dans sa vidéo.
Certains commentaires crient au scandale, rappelant le droit au logement.
La jeune propriétaire s’en défend et avoue n’avoir aucun regret : « Ce n’était pas une famille, ce n’était pas sa résidence principale.
Je ne me suis pas posé de questions, et si c’était à refaire, je le referais encore et toujours », explique-t-elle à BFM TV.
Léa n’est pas un cas isolé.
De nombreux propriétaires subissent les désagréments de locataires malhonnêtes et n’arrivent pas toujours à obtenir justice.
Mais il faut un certain aplomb pour oser faire fi des procédures judiciaires qu’encadrent normalement ces conflits immobiliers, car les risques encourus sont importants.
L’article L.226-4-2 du Code pénal précise que « le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu'il habite sans avoir obtenu le concours de l'État dans les conditions prévues à l'article L.153-1 du Code des procédures civiles d'exécution, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 30.000 € d'amende ».
Léa, qui ne semble pas craindre la justice, devrait a priori éviter ce préjudice puisque l’avocat de sa locataire tente de régler cette affaire à l’amiable.
Pourquoi n'a-t-elle pas pris l'option légale ?
Des locataires surprotégés
Sur le site du service public, l’expulsion semble simple et rassurante, avec une démarche en cinq étapes.
Néanmoins, en y regardant de plus près, le propriétaire encourt presque plus de sanctions que le locataire. Le service public multiplie les avertissements concernant le respect scrupuleux de la procédure. Il conseille d’abord de recourir au garant du locataire ou à la garantie Visale, un dispositif de cautionnement gratuit lié à Action Logement : « Attention, vous devez faire la déclaration de l'impayé dans les 30 jours », prévient-il.
Le propriétaire doit ensuite prévenir la CAF, mais là, encore, prudence : « Attention, si vous ne signalez pas l'impayé, vous risquez une amende de 7.850,00 €. »
La procédure n’est pas terminée, car si le locataire ne peut rembourser sa dette, c’est encore au propriétaire de l’assister en mettant en place un plan d’apurement.
Une nouvelle précision s’impose : « Si le bailleur ne respecte pas son obligation de mettre en place un plan d'apurement, la CAF saisit le fonds de solidarité pour le logement (FSL) pour qu'il fasse un plan d'apurement de la dette. »
Autrement dit, il va puiser dans un fonds de solidarité pour aider le locataire à rembourser.
Un fonds financé par le contribuable, donc par le propriétaire lui-même.
Le locataire bénéficie aussi d’une assistance sociale s’il le souhaite, sans parler de la trêve hivernale qui empêche toute expulsion, de novembre à mars.
Si un jugement est rendu, le propriétaire doit encore passer par l’huissier pour faire appliquer la sanction.
En attendant, le temps passe, le propriétaire se noie dans la paperasse et le locataire en profite.
Une Justice trop lente qui devient inefficace
Un couple de quinquagénaires confie à BV sa désillusion vis-à-vis de la Justice.
Confrontés à une locataire qui ne payait pas, ils ont choisi la voie légale qui s’est révélée peu concluante. Céline*, la propriétaire, nous raconte la complexité et la lenteur de la procédure : « On a l’impression que, pour ces juges, deux mois, c’est rien.
Alors que pour nous, c’est encore deux mois sans loyers mais avec des charges qui tombent. Le temps de la justice n’est pas le temps des justiciables », conclut-elle.
Après près de deux ans de procédure, ils espéraient que le jugement les délivrerait de cet enfer. Mirage !
Ils ne peuvent toujours pas récupérer leur bien. « Le juge a prononcé d’une part l’expulsion et d’autre part le remboursement de la dette.
Non seulement elle n’est pas partie mais, en plus, elle n’a pas remboursé », s’exaspère la propriétaire.
Pour cause, si le jugement est rendu, c’est encore au propriétaire de le faire appliquer.
Il a fallu à nouveau faire appel à l’huissier pour obtenir l’expulsion et le recouvrement des dettes avec de nouvelles démarches administratives.
En attendant, qui paie ? Le propriétaire.
« On ne reverra jamais notre dette », comprend notre interlocutrice.
La locataire leur devait près de 20.000 euros, sans compter les frais engendrés par cette longue démarche.
« Si cela nous arrive une autre fois, on se posera à deux fois la question de passer par la procédure légale », avoue Céline.
« Moralité ?
Quand t’es proprio en France, t’as deux options : attendre ou agir.
Moi, j’ai choisi de ne plus subir », concluait Léa, dans sa publication.
On comprend mieux pourquoi les propriétaires sont de plus en plus précautionneux et exigeants dans les dossiers de location.
À Paris, notamment, où le marché immobilier est tendu, il faut parfois assurer deux CDI et deux garants bien nantis pour pouvoir espérer se loger.
Aujourd'hui en France, les chiffres officiels font état de 3,5 % d'impayés sur le marché locatif, contre seulement 1 %, il y a 5 ans.
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