REVUE DE PRESSE
Nicolas Pouvreau-Monti : «L’immigration afghane explose à cause d’un système d’asile hors de contrôle»
ENTRETIEN. En quelques années, la France est devenue l’un des principaux pays d’accueil pour les migrants afghans.
Nicolas Pouvreau-Monti, cofondateur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, décrypte cette dynamique largement méconnue et aux conséquences profondes.

JDD : Dans une récente note pour la Fondapol et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), Didier Leschi documente l’ampleur de l’immigration afghane dans l’Hexagone.
Comment expliquer une telle explosion migratoire, dans un pays sans lien historique avec l’Afghanistan ?
Nicolas Pouvreau-Monti. Ce que nous vivons est un phénomène massif et imprévu.
En 2007, il y avait à peine 1 600 ressortissants afghans sur le sol français.
Aujourd’hui, ils sont plus de 100 000.
Cette croissance ne s’explique pas seulement par la reprise du pouvoir par les talibans en 2021, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
L’origine du phénomène remonte à la crise migratoire de 2015.
Les routes alors ouvertes pour les réfugiés syriens ont très vite été empruntées par des personnes d’autres nationalités, notamment les Afghans.
Après un premier afflux vers l’Allemagne ou la Suède, ces pays ont durci leur politique.
La France est donc devenue un point de rebond à partir de 2017.
Près de la moitié des Afghans arrivés en France ces dernières années étaient d’abord passés par d’autres États européens.
Ce phénomène concerne toute l’Europe de l’Ouest, mais la spécificité française réside dans la structure même de cette immigration.
En Allemagne, il y a certes plus d’Afghans en valeur absolue, mais en France, ils constituent la première nationalité bénéficiaire du droit d’asile. Ils sont deux fois plus nombreux que les Syriens, ce qui n’est le cas dans aucun autre pays d’Europe.
Pourquoi la France attire-t-elle autant les migrants afghans par rapport à d’autres pays européens ?
La France cumule plusieurs facteurs d’attractivité puissants.
D’abord, un taux de protection extrêmement élevé : environ 80 % des demandes d’asile afghanes sont acceptées, contre seulement 40 % en Suède.
Ce taux élevé agit comme un puissant appel d’air.
« Le maintien sur le territoire après un rejet est plus aisé en France »
Ensuite, les conditions d’accueil jouent un rôle non négligeable : l’allocation pour demandeurs d’asile est l’une des plus généreuses d’Europe.
Le maintien sur le territoire après un rejet est aussi plus aisé grâce à des dispositifs comme l’Aide médicale d’État (AME) ou droit au logement opposable (Dalo).
Tout cela crée une dynamique d’installation renforcée par les effets de réseaux.
Là où une communauté s’est établie, d’autres suivent.
Aujourd’hui, on trouve des groupes afghans non seulement à Paris ou en banlieue, mais aussi à Vannes, Aurillac ou Colmar.
Pourquoi l’intégration des Afghans semble-t-elle si difficile en France ?
Quels sont les principaux obstacles ?
L’intégration des Afghans est l’une des plus compliquées, pour des raisons cumulatives. Il y a d’abord un immense fossé culturel.
L’Afghanistan et la France sont sans doute deux sociétés parmi les plus éloignées en termes de valeurs, notamment sur la place des femmes.
Selon le Pew Research Center, 99 % des Afghans vivant en Afghanistan se disent favorables à la charia, et 85 % à la lapidation en cas d’adultère.
Ces chiffres ne peuvent être ignorés, même si les Afghans présents en France ne sont pas en tout point semblables à ceux restés au pays.
Ensuite, le niveau de qualification est très faible : 40 % des Afghans bénéficiaires de l’asile n’ont jamais été scolarisés, et 20 % supplémentaires n’ont qu’un niveau équivalent au primaire. 10 % sont illettrés dans leur propre langue.
Cela rend l’apprentissage du français et l’accès à l’emploi très difficiles. Résultat : 18 mois après leur contrat d’intégration, la moitié n’a toujours pas de travail.
Enfin, la dimension genrée accentue les tensions. 80 % des migrants afghans en France sont des jeunes hommes, ce qui crée un déséquilibre démographique et des tensions sociales spécifiques, y compris au sein de la population musulmane déjà installée en France.
Le rapport évoque une surreprésentation des Afghans dans la délinquance, notamment sexuelle.
Que disent les chiffres ?
Les données les plus récentes, notamment en provenance d’Allemagne, sont sans appel : les Afghans sont, proportionnellement à leur part dans la population, huit fois plus mis en cause dans les faits de harcèlement sexuel, et sept à huit fois plus dans les affaires de viol.
Il s’agit d’une surreprésentation très marquée, qui s’explique en partie par un rapport très rétrograde à la femme, comme le souligne Didier Leschi dans la note publiée avec notre observatoire.
« Délinquance de survie »
Ce phénomène est accentué par l’isolement social, le chômage, et une forte proportion d’hommes jeunes désœuvrés.
Cela alimente ce que Didier Leschi qualifie de « délinquance de survie » – vols, trafics, violences – qui, sans être propre aux Afghans, prend une ampleur particulière dans ce groupe.
Le tout crée une marginalisation extrême, y compris vis-à-vis de l’islam majoritaire en France, essentiellement maghrébin, avec lequel ces migrants n’entretiennent presque aucun lien.
Vous soulignez que cette immigration est le produit presque exclusif du droit d’asile.
Est-ce que ce système fonctionne encore ?
L’immigration afghane en France est à 96 % liée à l’asile.
Ce chiffre est colossal.
Le droit d’asile est devenu, en France, le principal canal d’immigration, et celui sur lequel le pouvoir politique a le moins de prise.
Il est encadré par des traités internationaux et des juges, sans limite quantitative.
Aujourd’hui, environ 600 000 personnes vivent en France sous le statut de réfugié. Ce chiffre a triplé en dix ans.
Pire : la moitié des demandes d’asile sont rejetées, mais ces déboutés restent dans leur immense majorité sur le territoire, devenant des immigrés irréguliers.
Ce mécanisme produit une immigration de fait, sans validation démocratique.
On estime que près de 580 millions de personnes dans le monde rempliraient aujourd’hui les critères pour obtenir l’asile en France.
C’est un déséquilibre structurel qui ne pourra pas durer.
Si nous voulons sauver le droit d’asile républicain – celui des persécutés pour la liberté –, il faudra réintroduire une forme de contrôle politique, et poser des limites claires.
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