mardi 27 février 2024

AU SALON DE L' AGRICULTURE , LES AGRICULTEURS NE SONT PAS CHEZ-EUX ??? NE VOUS DÉPLAISENT NOUS SOMMES CHEZ NOUS !

 

[Reportage] 

Le Salon de l’agriculture est-il devenu un meeting politique géant ?

Ce lundi, la 60e édition du Salon de l’agriculture ouvre ses portes pour la troisième journée.

 Le week-end d’inauguration a beaucoup fait parler. 

Le président de la République Emmanuel Macron s’y est en effet rendu pour l’ouverture.

 Au milieu des échanges entre le Président et les agriculteurs à bout, des « Macron démission », des sifflements et des huées se sont fait entendre.

 Les CRS étaient nombreux, des heurts ont eu lieu.

Dimanche, c’était au tour de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, de faire le tour du parc des exposition, porte de Versailles. 

La visite a eu plus de succès : les selfies se sont enchaînés, certains ont lancé des Marseillaise, des « Jordan Président ! » 

 Les ministres de la majorité déplorent ce succès, comme Marc Fresneau, qui conspue la politique des selfies que mène le RN.

 Le Premier ministre Gabriel Attal s’est rendu au Salon dimanche soir, une heure après la fermeture. 

Il annonce s’y rendre à nouveau mardi, dès 7 heures ; avant l’ouverture, donc.

Lundi, le défilé des personnalités politiques s’est poursuivi, Éric Ciotti (LR), François-Xavier Ballamy, tête de liste européenne, ainsi que Céline Imart, seconde de cette liste, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, Manon Aubry (LFI) , Olivier Faure (PS) et Jordan Bardella (RN) pour la seconde fois. 

Le Salon ainsi présenté semble se changer en arène destinée aux combats politiques.

 Vraies propositions à l’égard de la détresse agricole ou coup de communication des divers partis ?

 En tout cas, ils ont monopolisé la scène médiatique de ces premiers jours.

 

Les politiques défilent, l’authenticité du Salon demeure

Mais sur le terrain, la réalité est autre.

 Les médias confisquent la paroles aux agriculteurs pour ne la confier qu’aux politiques.

 Pourtant, passée la nuée de journalistes et de militants qui suivent les élus ou candidats des différents partis, passés les quelques curieux amusés qui prennent une photo, le Salon retrouve l’aspect traditionnel qu’on lui connaît et qui attire tant. 

« Oh non, on va voir les poules, c’est plus intéressant », s’amuse une visiteuse au micro de BV alors qu’on lui demande si elle compte s’attarder au stand où discute le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

 L’exposant qui se trouve en face vend ses saucissons à qui mieux mieux : « Il y en a [des politiques] qui passent tous les jours.

 Pour certains, on les repère de loin : les gens huent ou acclament. Mais bon, quand ils sont passés, les choses restent les mêmes.

 Les gens viennent voir les vaches et goûter des saucissons et du fromage. Je ne crois pas que le Salon de l’agriculture ait pris une dimension politique, cette année. »

  Quelques pavillons plus loin, un éleveur de vaches s’exprime au micro de BV : « La crise de l’agriculture existe depuis bien longtemps. 

Les politiques n’en prennent conscience que maintenant qu’on leur a fait peur avec les tracteurs à Paris. Donc, ce Salon de l’agriculture est le même que tous les ans. 

Je suis fière de montrer mes bêtes, et puis c’est tout. Je ne viens pas ici pour prendre un bulletin de vote ! » 

Artisanat, traditions, fierté de sa région restent les maîtres mots de cet événement très attractif. 

En Corse, la guitare raisonne et les cordes vocales vibrent, en Auvergne, on enchaîne les bourrées endiablées, dans le Sud-Ouest, sous leurs bérets noirs, un foulard rouge noué autour du coup, des voix tonitruantes chantent Les yeux d’Émilie.

 Pas de protestation, pas de revendication.

 
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Raphaelle Claisse

Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.
 
 
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[ÉDITO]

 Pour Prisca Thevenot, les agriculteurs ne sont pas chez eux au Salon de l’agriculture

Prisca Thevenot, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement, est encore toute tourneboulée, ce lundi, dans la matinale de RMC, par les propos « vraiment, extrêmement choquants » (sic) entendus, samedi matin, au Salon de l’agriculture : « Nous sommes chez nous. 

» De la part d’une « centaine d’agriculteurs », précise-t-elle.

Elle attrape avec gourmandise la perche que lui tend obligeamment Apolline de Malherbe : « Cela fait évidemment écho, j’imagine, à on est chez nous, qui est un slogan historique du RN et de l’ancien FN ? », demande la journaliste. 

« Vous avez tout dit, vous avez exactement tout dit ! » la félicite, dans un cri du cœur, la porte-parole du gouvernement. 

« Nous ne devons pas tolérer ce genre de propos », poursuit-elle, les yeux humides, évoquant son histoire personnelle qu'elle fait remonter jusqu’à Jean-Marie Le Pen avec l'espoir que l’épouvantail fonctionne encore (un petit peu).

Bref, on l'a compris : pour Prisca Thevenot, les agriculteurs ne sont pas chez eux au Salon de l’agriculture. 

Puisque ceux qui le revendiquent sont d’extrême droite et « vraiment, extrêmement choquants »

Mais on se gratte la tête : s’ils ne sont pas chez eux au Salon de l’agriculture, où le sont-ils ?

Plus dans leur ferme, où les fonctionnaire de l’Office français de la biodiversité, armés comme des shérifs, débarquent sans crier gare et « se prennent pour des cow-boys », selon l’expression d’un représentant de la FDSEA de l’Eure, rencontré, lors des barrages de tracteurs, sur celui de Buchelay.

Plus dans leur GAEC, où la surtranscription française des normes européennes, avec cette manie de vouloir être le premier de la classe qui fait du zèle et court devant, les consomme, les use, les étrangle, les commande et les ficèle.

Plus chez les acheteurs de l’agroalimentaire, qui leur préfèrent, jusque sur notre propre sol, des produits étrangers moins coûteux, soumis à des normes moins sévères. 

« C’est la casse sociale, nous sommes délocalisés, comme les ouvriers il y a quelques années », s’écriait devant moi, les larmes aux yeux, une éleveuse, sur ce même barrage de Buchelay.

 

Et s’ils ne sont pas chez eux au Salon de l’agriculture, qui y est chez lui ?

 Emmanuel Macron, en Catherine II, traversant en majesté le village Potemkine et dispensant au passage, paternel et irrité, aux quelques moujiks réfractaires traînant par là et ayant l’outrecuidance de se prétendre chez eux quelques coups de knout sémantique dont il a le secret ? 

Les boyards qui l’escortent sont là pour les rappeler sèchement à la raison : ces croquants qui se prétendent chez eux dans le Salon dédié à leur travail, pour lequel nombre d’entre eux ont loué très cher un stand - en pure perte, pour certains, s’agissant de la journée de samedi, puisque des halls ont dû être vidés en raison de la visite présidentielle -, c’est « vraiment, extrêmement choquant » !

 

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