lundi 3 novembre 2025

LES AFFICHES DU RAPPEUR RILÈS ! IL Y A MAIN ROUGE ET MAIN ROUGE ! ( ELISABETH LÉVY )

REVUE DE PRESSE !


Il y a main rouge et main rouge

Le rappeur Rilès a-t-il les mains sales et la conscience propre?


Il y a main rouge et main rouge
DR

Faut-il voir dans les récentes affiches du rappeur Rilès une référence antisémite à l’épisode sanglant du lynchage de juifs à Ramallah en octobre 2000, ou une malheureuse polysémie ?


Je l’avoue, l’existence de Rilès m’avait échappé jusqu’à ce que l’amie Sabine Prokhoris m’adresse la photo, prise au métro Parmentier vendredi, de l’affiche de promotion de la prochaine tournée de ce « rappeur franco-algérien » Télérama dixit. 

Désolée, il parait que c’est complet. 

La moitié de l’affiche représente une main rouge, qui ressemble furieusement à celles qui avaient été taguées sur le mur du Mémorial de la Shoah, lesquelles ressemblaient furieusement à celles qu’arboraient certains étudiants de Sciences Po pendant leurs manifestations pro-Palestine ou plutôt pro-Hamas, sous l’œil énamouré de je ne sais plus quels députés LFistes. 

En clair, l’affiche de Rilès me fait immédiatement penser aux mains ensanglantées qu’Aziz Salah a tendues vers la foule enthousiaste, le 12 octobre 2000, depuis la fenêtre d’un commissariat de Ramallah où il venait de participer au lynchage de deux réservistes israéliens. 

Je revois ces deux mains dégoulinantes dessinées à la « Une » du Wall Street Journal

Depuis, cette image qui ne peut que saisir d’effroi tout être humain doué d’un sens moral minimum a été stylisée pour devenir l’étendard graphique des défenseurs les plus fanatiques de la cause palestinienne – ceux qui brâment From the River to the sea ou se glorifient de ne pas condamner le 7-Octobre car il parait qu’éventrer des femmes enceintes et enlever des enfants est un acte de résistance.

 La main rouge est un signe de ralliement par lequel des millions d’initiés applaudissent au lynchage de deux jeunes hommes et communient dans la haine d’Israël et des juifs. 

Pardon pour le point Godwin mais, mutatis mutandis, c’est l’équivalent moyen-oriental et contemporain de la croix gammée.

 

Le 12 octobre 2000 à Ramallah, deux réservistes israéliens sont lynchés par la foule palestinienne. DR.

Bon sang, mais c’est bien sûr

Découvrir que ce symbole chargé d’effroi est placardé dans le métro parisien me glace le sang.

 Il y a quelques jours, la RATP a refusé une campagne pour le film Sacré-Cœur, au motif que l’affiche était prosélyte et confessionnelle – Jonathan Siksou me fait remarquer que la même RATP, très à cheval sur la laïcité, célèbre Halloween avec force bruits et animations (par exemple avec ces annonces faites par de supposées voix de monstres dans la nuit de vendredi à samedi). 

Alexandra Lafay, la dircom de Médiatransports, la société qui gère les campagnes d’affichage, précise aimablement que, non, il n’y a jamais eu de rejet. 

En effet : consultée par le distributeur du film sur la possibilité d’acheter des espaces publicitaires sur le réseau parisien, Médiatransports a fait savoir qu’elle ne pourrait répondre favorablement. 

Il n’y a jamais eu de demande officielle donc pas de refus ! 

De même, la RATP et la SNCF refusent de promouvoir le livre de Jordan Bardella pour cause de message politique.

 Admettons, mais on comprend mal pourquoi les déontologues sourcilleux chargés de vérifier la conformité des campagnes d’affichages à notre beau principe de neutralité ne trouvent rien à redire à la main rouge, symbole politique lesté de sous-entendus religieux.

A lire aussi: De quoi le drapeau palestinien est-il vraiment le nom?

 

La réponse est simple. Je n’ai rien compris. 

Ou alors j’ai l’esprit mal tourné comme ces juifs susceptibles qui voient l’antisémitisme partout. 

Martin Pimentel, notre envoyé spécial permanent aux pays des jeunes, me met en garde. 

Les mains rouges, devenues le thème obsessionnel de Rilès qui a réalisé à la main peinturlurée les milliers de pochettes de son album au cours d’une performance de 24 heures diffusée sur YouTube, ne sont pas du tout une allusion au crime sordide de Ramallah, mais un hommage à l’empreinte de main que les Sumo japonais laissent en signature.

 Bon sang mais c’est bien sûr. 

Le gars s’est pointé à Quotidien avec un T-shirt sur lequel Free Palestine était écrit en anglais et en hébreu, ce qui revient à dire gentiment aux Israéliens qu’ils sont priés de fermer boutique. 

Mais il a choisi la main rouge par un pur hasard, aussi malencontreux que celui qui a conduit deux jeunes Tunisiens à s’en prendre à un arbre qui, manque de chance, était un hommage à Ilan Halimi. 

Pourquoi rouge plutôt que bleue ou rose, on ne sait pas (j’avoue ne pas m’être infligé les 24 heures de vidéo pour le découvrir). 

Mais rien à voir avec le « dog whistle », expression désignant un message compris seulement par les initiés, anodin pour les autres – juste une fâcheuse polysémie. 

À ce sujet, les commentateurs de mon tweet sur cette affiche sont partagés : les uns expliquent que je raconte n’importe quoi et que la main rouge de Rilès n’a rien à voir avec celle de Ramallah, les autres que celle de Ramallah ne glorifie pas un lynchage mais « la neutralisation de deux soldats d’une armée d’occupation »

Faudrait savoir.

 Remarquez, on l’a échappé belle. 

Rilès aurait pu peindre des croix celtiques par amour de la culture irlandaise, ou pourquoi pas des croix gammées en plaidant l’inspiration hindoue. 

Je me demande si Télérama aurait trouvé ça aussi ébouriffant que les mains rouges.

 

Chichis

Admettons cependant pour la beauté du raisonnement qu’il y a là une fâcheuse coïncidence et que notre rappeur n’a jamais entendu parler de cette main rouge. 

Sinon, par délicatesse pour ceux qui n’y voient pas un symbole sumo mais un logo antisémite, il aurait certainement trouvé une autre culture à honorer.

 Il faut croire qu’à la RATP, en l’occurrence à Médiatransports, non plus, on ne connaît pas tous ces chichis moyen-orientaux. 

D’ailleurs, Alexandra Lafay a un argument implacable : « Dans la presse, personne n’a rien trouvé à redire à sa performance. 

Donc, pour nous, il s’agit de liberté artistique. » 

 De fait, nombre de confrères se sont ébaubis devant le geste artistique répété des milliers de fois, et pas seulement Télérama et Ouest France.

A lire aussi: Liberté, retiens nos bras vengeurs

 

Les Bulgares qui ont été condamnés à des peines de deux à quatre ans de prison par le Tribunal de Paris pour avoir tagué le mémorial de la Shoah à Paris avec les mêmes mains rouges ne doivent pas lire Télérama

Sinon, ils auraient expliqué aux juges qu’ils vénéraient les lutteurs sumo. 

Détail assez tordant quand on aime l’humour noir (ou juif), l’un des prévenus, qui arbore une croix gammée tatouée sur le torse, a récusé l’accusation d’antisémitisme en assurant que ses œuvres n’avaient rien à voir avec la haine contre les juifs, mais visaient simplement à « faire peur à [s]es ennemis : les Roms »

Tout en estimant que la question n’est pas de savoir si le prévenu ou la main rouge sont antisémites, les magistrats décrivent dans leur jugement une action hostile coordonnée depuis l’étranger pour «agiter l’opinion publique, appuyer sur des clivages existants et fragmenter un peu plus la société française»

Je me demande à quels clivages ils pensent.

En conclusion de mon tweet, je me demandais si les gens qui ont validé l’affiche de Rilès étaient des salopards ou des abrutis.

 « Abrutis » était excessif. 

Après tout, il est tout à fait possible que, dans les rédactions qui se sont enthousiasmées pour les mains rouges de Rilès, comme à Mediatransports, personne n’ait fait le lien entre la performance du rappeur et la cause palestinienne parce que personne n’avait jamais vu la fichue main rouge ni entendu parler d’elle. 

Auquel cas cette navrante affaire démontrerait surtout que les juifs, les arabes et leurs tourments ne sont pas le nombril du monde culturel. 

Ce qui, finalement, serait une bonne nouvelle.

 

Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

 

 Source :  https://www.causeur.fr/affiches-riles-metro-il-y-a-main-rouge-et-main-rouge-318182?

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