On nous parle beaucoup, à la vieille des élections, de possibles « ingérences étrangères ».

 D’ailleurs, une recherche à ce sujet conduit en premier sur cet avertissement du Parlement européen : « Ingérence étrangère : protéger de toute urgence les élections européennes 2024. »

Les dangers sont ciblés. 

Le rapporteur, la députée lettone Sandra Kalniete (PPE), le dit : « L'ingérence étrangère dans les processus démocratiques représente une menace croissante pour la sécurité des États membres de l'UE, en particulier dans le contexte du développement technologique rapide et de la guerre que mène actuellement la Russie en Ukraine. » 

C’est tout ? Oui, comment pourrait-il s’agir d’autre chose ? 

Pourtant, avec ce même titre accrocheur – « L’Europe au défi de l’ingérence étrangère » –, Arte nous plonge au cœur des scandales,

 Qatargate et autres, qui démontrent combien les institutions européennes sont sapées par la corruption et l’impunité quasi totale dont celle-ci bénéficie.

 

Qatargate : le rôle de Pier Antonio Panzeri 

C’est un documentaire allemand signé Helmar Büchel qui retrace par le menu le scandale qui a secoué le Parlement et la Commission. 

C’était le 9 décembre 2022, la police fédérale belge arrêtait l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri et son ancien assistant parlementaire Francesco Giorgi. Tombaient avec eux Éva Kaïlí, eurodéputée, vice-présidente du Parlement et compagne de Giorgi, ainsi que Niccolo Figa-Talamanca, responsable de l'ONG No Peace Without Justice.

Les diverses perquisitions permettaient de saisir près de 670.000 euros en liquide chez Panzeri, lequel se révélera être le cerveau de l’affaire, et plus de 878.000 euros au domicile du couple Kaïlí-Giorgi. 

L’araignée qui a tissé la toile serait l’Italien Antonio Panzeri, un ancien leader syndical qui a grenouillé quinze ans à la commission des Affaires étrangères de l’UE avant de fonder son ONG « Fight Impunity », laquelle apparaît aujourd’hui plutôt comme une organisation de blanchiment d’argent.

 Très lié avec le Maroc, on découvre aussi qu’il aurait réalisé des transactions avec la Mauritanie et le Koweït et, surtout, la police découvre ses contacts très fréquents avec le Qatar, via le président du Comité qatari des droits de l’homme…

C’est le « Qatargate » qui éclate, soit le plus gros scandale (connu) à ce jour qui ébranle l’institution. 

L’accusation est gravissime : des puissances étrangères achèteraient la politique européenne.

Nicholas Aiossa, président de Transparency International UE, se dit « sidéré par l’ampleur des accusations ». « On n’avait jamais rien vu à cette échelle », assure-t-il.

 Mais les mis en cause sont vite dehors. 

Seule Éva Kaïlí, qui parle de « persécution politique et arbitraire », fera un peu de prison avant que ses avocats ne jouent la procédure et la fassent libérer.

 

Les institutions refusent de se réformer

Daniel Freund, député allemand qui « connaît les règles du jeu, les failles du système et la vénalité de certains de ses collègues », veut mettre en place des contrôles. 

Il réunit alors 130 députés sur son projet, issus de plusieurs groupes parlementaires. 

Mais 130 sur 705, c’est peu ! 

La présidente du Parlement promet, elle aussi, des réformes, mais une fois le scandale balayé par l’actualité, « la tendance s’inverse peu à peu ».

 Depuis, le mot d’ordre semble être de « faire le dos rond et attendre que l’affaire se tasse ».

Et puis, « en amont des élections européennes, la majorité des députés craignent qu’une modification des règles n’attire l’attention de leurs électeurs sur un sujet aussi sordide que la corruption ».

 On ne change pas la culture de l’impunité. À commencer par Ursula von der Leyen, « spécialiste des dérogations aux règles », nous dit-on, elle qui refuse toujours de communiquer les documents qui l’impliquent dans le scandale des vaccins anti-Covid.

 

Dans le Qatargate, tous les inculpés sont dehors et « quelqu’un devra rendre des comptes pour tout ce que nous avons enduré », ose dire Éva Kaïlí. 

S’il est vrai que « le Qatargate fait vaciller l’institution », dit Nicholas Aiossa, cette institution « continue à ignorer cette menace en n’adoptant pas les réformes nécessaires »

Alors il craint que « le changement ne se produise après un nouveau scandale, ou parce que les citoyens voteront pour le changement, mais peut-être pas comme les députés européens le souhaiteraient… »