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CONFRONTATION ENTRE ISRAEL ET L’IRAN, LA VOIE D’UNE NOUVELLE DISSUASION
Attaque, riposte, contre riposte, quel est le bilan ?
Le 1er avril 2024, Israël a bombardé le consulat iranien à Damas, puis
la riposte Iranienne du 14 avril a été suivie d’une contre riposte le 19
avril.
Cette confrontation directe entre Israël et l’Iran est un fait
nouveau et récent dans les conflits du Moyen-Orient.
Les origines du conflit
L’Iran, non cobelligérant dans les guerres Israélo-arabe de 1966 et
1973, n’a pas toujours été en confrontation avec Israël, État créé en
1948. L’historique, que l’on peut faire remonter à cette année, n’a donc
que 75 ans.
Depuis 1945, l’Iran a été déchiré par la guerre froide entre l’Est et
l’Ouest. Dans les années 1950 1955 il passe dans le camp des
Anglos-Saxon. La révolution Iranienne de 1979, organisée depuis le
territoire français par l'ayatollah Khomeini, porte ce dernier
au pouvoir et marque une rupture avec le bloc de l’ouest.
Dès 1980 et pendant 8 ans, la république islamique d'Iran entre en
conflit avec l’Irak de Saddam Hussein. Les causes plongent leurs racines
dans, certes un différend frontalier, mais surtout les visions
antagonistes de ces deux États exacerbées par des influences
étrangères. L’Irak est une république socialiste arabe non islamiste
mais dont les dirigeant sont sunnites. L’Iran est une république perse
islamique chiite. Durant ce conflit, les États-Unis, et tout
particulièrement la France par la livraison importante
de matériel militaire, soutiennent officiellement l’Irak.
Mais dans la
réalité, les États-Unis soutiennent aussi officieusement l’Iran en lui
fournissant des armes et du matériel militaire, par l’intermédiaire
d’Israël, contournant l’embargo décidé par les
mêmes États-Unis. Ce double jeu est soudain mis au grand jour.
C’est le
fameux Irangate qui a fait scandale sous la présidence de Ronald
Reagan. Dans cette période, Israël a participé à la déstabilisation de
cette partie du Moyen-Orient, à la solde des États-Unis.
Paradoxalement et dans la même période, Israël entre en 1982 dans le
conflit du Liban. Il combat les mouvances politiques et armées,
principalement le Hezbollah chiite soutenu par l’Iran, qui se sont
développé au sein des palestiniens réfugiés de la Palestine
et installés au sud Liban.
La confrontation entre Israël et l’Iran ne peut pas s’analyser sans
avoir pris en compte la complexité des conflits de cette région, dont
les acteurs principaux sont les factions du Liban, de la Syrie, de
l’Irak, de la Jordanie et dernièrement du Yémen, ainsi
que les influences ou les soutiens directs à ces camps rivaux par
d’autres pays du Golfe Persique, et bien sûr des États-Unis.
Ces arrangements cyniques n’enlèvent rien au fait que l’Iran, récemment
intégré aux BRICS et à l’OCS, soit l’ennemi des États-Unis et d’Israël.
De son côté l’Iran qualifie Israël de « petit satan », le « grand
satan » étant bien sûr les États-Unis d’Amérique.
La guerre à Gaza n'a fait qu'aggraver la situation et l’Iran soutient
officiellement l’action du HAMAS, malgré le fait que ce mouvement
s’appuie sur un islam sunnite salafiste.
La confrontation directe
Le 1er avril 2024, le consulat iranien à Damas est bombardé causant la
mort d’une quinzaine de personnes dont deux hauts gradés des gardiens de
la révolution. Bien que non revendiquée par Israël, cette attaque lui
est attribuée et n’a pas été démentie.
La question à se poser est la suivante : quel a été l’objectif de cette attaque ?
Le choix de cette cible est particulier car il s’agit d’un bâtiment
diplomatique et, selon les conventions internationales en vigueur,
l’inviolabilité des installations et du personnel diplomatique est
normalement respectée par toute la communauté internationale.
Cette attaque a donc été condamnée par une majorité des États.
L’objectif pourrait être une simple élimination de hauts gradés des
gardiens de la révolution. Bien que largement évoqué dans les médias,
cet objectif aurait pu être atteint hors d’un bâtiment diplomatique, les
services israéliens étant largement expérimentés
dans ce genre d’opérations.
Le choix d’un bâtiment diplomatique, donc territoire Iranien en Syrie
alliée de l’Iran, ouvre d’autres hypothèses. Il permet à Israël de
montrer sa détermination et sa capacité à frapper où il veut et quand il
veut, en faisant fi de la réaction de la communauté
internationale, cette dernière pouvant se noyer dans celle des
bombardements de la bande de Gaza. Il permet aussi à Israël de tester la
réaction de l’Iran qui n’a à ce jour agit que par les proxys
Hezbollah, milices chiites irakiens et houthis du Yemen.
La riposte Iranienne
La riposte Iranienne n’a pas été une surprise car largement annoncée par le président Raïssi dès le 2 avril.
Dans la nuit du 13 au 14 avril, plusieurs centaines de missiles
balistiques et de croisière, et de drones ont été lancés sur Israël
depuis l’Iran, le sud Liban, l’Irak et le Yémen.
De nombreux analystes
s’accordent à dire que les cibles étaient toutes des installations
militaires israéliennes, les populations civiles ayant été évitées. La
grande majorité de ces missiles et drones ont été détruits avant
d’atteindre leurs objectifs. Quelques missiles de croisière
hypersoniques auraient été utilisés, non détruits par le bouclier
anti-missile et auraient frappé deux bases aériennes. Israël n’a
déclaré aucun mort, seulement quelques blessés provoqués par des
retombées d’armes détruites avant d’atteindre leurs objectifs
. Plus de
12 heures avant cette attaque, tous les vols commerciaux
survolant la zone avaient été annulés ou détournés.
La première remarque est que cette riposte a été minutieusement
préparée, en utilisant probablement des plans d’attaques élaborés avant
le bombardement israélien du 1er avril.
Le fait que la majorités des armes ai été détruites avant d’atteindre
leurs cibles peut bien sûr être considéré comme une victoire d’Israël et
des forces alliées présentes au Moyen-Orient. Toutefois Téhéran avait
informé quelques heures auparavant, via des
pays du Golfe, qu’il allait agir dans la nuit, et le dôme de fer et
autres moyens de lutte anti-missiles et drones étaient donc prêt et en
alerte maximale cette nuit du 13 au 14.
Selon certains experts, le coût de cette attaque pour l’Iran serait
d’une dizaine de millions de dollars tandis que le coût de la défense
anti-missile s’élèverait à un milliard de dollars, soit cent fois plus.
Cette défense a été dans ces conditions efficace
mais absolument pas efficiente, et n’offre aucune garantie pour
l’avenir. L’Iran a pu tester et analyser les systèmes de défense
anti-missile israélien et alliés, ce qui lui permettra de s’adapter lors
de futures attaques. De leur côté, les israéliens et alliés
ont aussi une meilleure connaissance des sites de lancement iraniens.
Les représailles d’Israël le 19 avril se sont limitées à la destruction
d’une installation militaire technique, probablement un radar, sans
commune mesure avec la riposte iranienne. L’objectif, probablement en
concertation avec le Pentagone, a été de garder
la face sans provoquer une escalade que la défense israélienne, celle
des États-Unis et ses alliés auraient eu du mal à contenir.
Il faut plutôt considérer la riposte iranienne comme une opération
médiatique de grande ampleur, bien visible de nuit et hors des moments
de prières musulmanes et des fêtes juives, opération dans laquelle
l’Iran se présente devant la communauté internationale
comme un État capable de s’opposer à une coalition des États-Unis et de
ses alliés, en ne ciblant que des objectifs militaires, incitant à voir
là un avertissement.
Une nouvelle dissuasion
Les premiers missiles datent de la seconde guerre mondiale. Ce sont les
missiles de croisière V1 puis balistiques V2 allemand.
Les soviétiques
utilisent comme artillerie les Katioucha dit « orgues de Staline ».
Depuis, les progrès technologiques n’ont cessé d’améliorer les
caractéristiques de ces armes aussi bien quant à leur portée, leur
rapidité ou leur précision.
Les drones d’attaque – minis avions sans pilote – font leur entrée dans
les conflits armés et particulièrement en Ukraine. Ils se déplacent
comme les missiles de croisière, mais à faible vitesse et ils sont
fabriqués à faible coût.
La gamme de toutes ces armes va de la plus simple de fabrication locale,
artisanale et d’un coût ridicule, à la plus sophistiquée comme par
exemple les missiles de croisière hypersoniques. Les systèmes de
stabilisation et de guidage sont depuis des dizaines
d’années à la portée de tous. Les mini hélicoptères télécommandés pour
enfants, en vente dans tous les magasins de jouets à moins de 20 €uros
sont un exemple de la miniaturisation et du faible coût des systèmes de
stabilisation.
En revanche, les dispositifs de défenses à ces attaques sont beaucoup
plus complexes et coûteux. Ils nécessitent des moyens de détection
comparable aux réseaux de surveillance de la défense contre les missiles
nucléaires stratégiques, associés à des missiles
anti-missiles très performants et de haute technologie, et complétés
par des moyens aériens de type chasseurs contre les drones.
Certes un
drone n’attaque pas un chasseur, mais un chasseur, limité par son
armement de bord, ne pourra détruire qu’un nombre réduit
de drones.
La dissuasion consiste à empêcher un adversaire d’avoir recours à la
force, en lui faisant comprendre que la riposte lui sera beaucoup plus
néfaste que la plus-value des dégâts qu’il infligerait par son attaque.
La dissuasion n’est efficace que si les armes
sont réputées fiables et difficilement destructibles, et dans les mains
de dirigeants affichant ouvertement leur volonté de s’en servir.
L’utilisation de ces armes doit provoquer des destructions suffisamment
conséquentes et/ou demander un investissement de
défense insurmontable à long terme.
La connaissance par un attaquant que son adversaire ripostera de manière
massive, par le lancement de plus de missiles, de drones et de leurres
qu’il ne peut détecter, suivre et détruire et/ou par des ripostes
répétées pour lesquelles il n’aura pas en réserve
suffisamment d’armes de défense, est dissuasif.
Si les iraniens disposent de missiles et de drones bien protégés et en
quantité suffisante, les israéliens aidés de leurs alliés ne pourront
pas totalement se défendre ou supporter plusieurs ripostes. L’Iran
aurait dans ce cas une capacité de dissuasion sur
Israël qui, de ce fait, perdrait sa traditionnelle domination dans la
région.
Une possible escalade de la confrontation
Ce pouvoir de dissuasion de l’Iran, si les conditions citées
précédemment sont réalisées, n’est qu’un échelon stabilisateur mais
temporaire dans l’escalade de la confrontation. En effet la dissuasion
principale depuis les années 50 est la dissuasion nucléaire.
La doctrine de la riposte graduée de Mc Namara est toujours
d’actualité, tout particulièrement dans le conflit ukrainien ou deux
radars russes de veille stratégique, dont l’un à plus de 1800 Km de
l’Ukraine ont été attaqués. Cette double attaque, peu médiatisée
en occident est pourtant d’une grande importance car elle représente un
échelon supplémentaire dans l’escalade de la confrontation et rend plus
probable l’utilisation de l’arme nucléaire tactique.
Israël détient l’arme nucléaire sans jamais l’avoir déclaré ni démenti,
et refuse toujours le contrôle de ses installations nucléaires par
l'agence internationale de l'énergie atomique. Cette technologie ne
pourra pas être éternellement préservée et l’Iran
détiendra dans l’avenir l’arme nucléaire. C’est une question de temps,
s’il ne la détient pas déjà !
Il est grand temps que nos dirigeant prennent en compte de manière
pragmatique et non idéologique cette situation et comprennent les enjeux
de ces forces en présence avant que l’escalade ne devienne ultime et
irréversible.
Source : Jacques Militaire a la retraite !
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