« Elias aurait dû avoir 15 ans le 14 février 2025… Elias n’aura jamais 15 ans »

Voilà comment commence la lettre que les parents d’Elias ont rédigée. 

Et dès le premier mot, elle nous arrache le cœur. Vous avez vu comme moi la photo d’Elias, ce jeune adolescent de 14 ans tué par deux voyous guère plus âgés qui voulaient lui voler son téléphone portable alors qu’il rentrait d’un entrainement sportif. 

Ce jeune garçon ressemble tellement à tous les enfants de cet âge, à nos enfants au même âge. 

Il en a la coupe de cheveux, les attitudes et cette beauté en devenir du jeune caneton qui se transforme en cygne. 

Il ressemble à mes enfants et à leurs amis. 

Il a l’air tellement vivant sur les photos qui tournent sur les réseaux sociaux que la première fois que j’ai découvert son visage, j’ai souri devant ce bel enfant et puis j’ai vu son nom. 

Elias n’aura jamais 15 ans et cela devrait tous nous donner envie de hurler.

J’ai lu la lettre des parents d’Elias. Elle est digne et lucide.

 Mais chaque mot fait mal, tellement elle nous renvoie à notre détresse collective et à un sentiment d’abandon profond. 

Mais surtout elle parle d’un mensonge. 

D’un mensonge voulu, choisi, délibéré, un mensonge auquel ont participé la presse, les institutions, l’AFP.

 

Une censure bizarre

Car que nous apprend la lettre des parents d’Elias ? la vérité sur sa mort et sur les circonstances de cette mort et les véritables armes que portaient ses agresseurs. 

Ils n’avaient pas de simples couteaux, mais une machette et une hachette. 

Qui se promène en ville, à Paris avec une machette ? 

On n’est pas en forêt ou dans la brousse et l’utilité de l’arme est difficilement justifiable.

Mais pourquoi certains politiques comme la plupart de nos journalistes ont voulu cacher ce fait ? 

Pourquoi dissimuler que l’arme qui a tué Elias était une machette ? 

Parce que cette arme renvoie à un autre espace-temps que le nôtre. 

Parce que c’est une arme frustre et meurtrière. 

Son utilisation renvoie à l’Afrique, aux îles lointaines, à d’autres cultures, d’autres usages, d’autres mentalités ou d’autres temps.

 Culturellement, ce n’est pas une arme utilisée dans l’hexagone.

 La sauvagerie de l’agression d’Elias renvoie de fait à un autre univers mental que l’Europe, à des références où on n’est pas un homme parce que l’on contrôle sa pulsion, mais parce que l’on est capable d’infliger la mort et que l’on fait peur. 

A une façon d’être au monde où on n’existe que parce qu’on inspire la peur et qu’on inflige la douleur.

Pour autant la censure reste bizarre. 

Qu’un taré utilise une machette ne veut pas dire que toute personne venant d’Afrique ou des îles a une machette chez lui ou serait un meurtrier potentiel. 

Voilà qui serait effectivement délirant. 

Et pourtant c’est ce pas que franchissent allégrement les censeurs en prêtant cette pensée à la population. 

C’est parce qu’ils estiment que la société française se définit par un racisme systémique en son sein, qu’il faut donc cacher les origines des meurtriers ou leur arme ou la manière dont ils ont tué. 

Et ce afin que personne ne fasse le lien avec d’autres mœurs et habitus. 

C’est ainsi que le mot égorgement a disparu de nos journaux. 

Aujourd’hui on dit coups de couteaux au cou, parce que l’égorgement renvoie trop à la façon de tuer en islam. 

Pourtant nos concitoyens montrent plutôt une capacité d’encaisser l’effroyable sans chercher la vengeance qui les honore. 

Curieux qu’une partie de leurs représentants les envisage en racistes dépourvus d’humanité !

 

Envie de vomir

Mais ce que disent ces mensonges est pire encore : une fois de plus la victime a été abandonnée pour protéger les coupables.

 L’injustice qui est faite à la victime a été choisie et délibérée et cela dit à quel point elle ne compte pas. 

Ces mensonges sont une violence portée à la mémoire d’Elias et au chagrin de sa famille. 

Car l’histoire ne s’arrête pas là : contrairement à ce qui a été écrit, Elias n’a jamais résisté.

 Terrorisé, il a remis son portable.

 Mais comme l’indiquent les parents, les deux ados voulaient exercer leur toute puissance et le coup porté à Elias a été tellement violent qu’il a été fatal. 

Sa description est atroce. 

Tellement que les parents ont choisi des termes techniques pour l’évoquer, mais quand vous comprenez ce que cela décrit, c’est l’envie de vomir qui vous saisit. 

L’enfant a été littéralement découpé.

Et la rage vous prend quand vous lisez ces si justes paroles : « Comment deux adolescents armés, interdits de contact entre eux par la Justice, connus défavorablement des services de police et judiciaires pour des faits similaires ont-ils pu en toute impunité poursuivre leurs exactions ? 

Comment justifier l’appréciation clémente de la justice qui les a laissés placés sous un contrôle judiciaire inapplicable et inappliqué ».

 S’en suivent d’autres exemples sur l’incroyable légèreté de la justice des mineurs. 

Toutes les questions posées par les parents méritent réponses, mais une en particulier est incontournable : pourquoi existe-t-il de fausses peines qui ne servent à rien ? 

Pourquoi condamner des voyous violents et hors de contrôle à un soi-disant « contrôle judiciaire » qui n’est pas adapté à leur niveau de violence et de désocialisation et qui sera vécu comme une plaisanterie ? 

Les tueurs d’Elias se vantaient d’ailleurs de commettre des infractions pénales à la barbe de cette justice qu’ils voyaient comme faible et stupide. 

Et qui l’était, car le non-respect de leurs obligations et leurs vantardises n’entrainaient aucune conséquence pour ces délinquants. 

Vous me direz que les actes délictueux qui les faisaient « connaitre des services de police » n’avaient pas eu grande conséquence non plus. 

Alors, finalement, un meurtre, ce doit être tolérable dans une société qui accepte à ce point la violence et n’y répond qu’en entassant fleurs, nounours et bougies sur des coins de trottoir à peine lavés du sang répandu.

Oui, les parents d’Elias ont raison. 

Elias est mort en raison de l’impunité ressentie par deux mineurs pourtant soi-disant pris en charge par la Justice.

 Elias est mort parce que l’Etat ne parait plus faire de la protection de ses citoyens, sa priorité. 

Elias est mort parce que notre Justice est aveugle à la réalité de la violence de certains mineurs et refuse de regarder le problème en face.

 La lettre s’achève par ses mots : « Nous ne demandons pas aux représentants des partis politiques, aux magistrats, de ressusciter les disparus.

 Nous leur demandons de protéger les vivants. » 

 

Des mots que je partage mais qui, j’en ai bien peur, sont destinés à rester lettre morte.

Certes l’Assemblée nationale a adopté une petite réforme de l’ordonnance sur les mineurs, mais celle-ci ne répond qu’à quelques questions et n’a rien d’une loi exprimant la prise de conscience de la réalité de la montée de la sauvagerie dans une certaine jeunesse. 

Elle passe à côté de choses essentielles.

 Et cela devient pénible de voir des politiques faire de la communication pour mettre en scène leur fermeté alors que, quand ils trempotent à peine un orteil dans le courant et le retirent un peu froid, ils essaient de faire croire qu’ils ont franchi le Rubicon.

 La proposition de loi Attal n’est pas à la hauteur des enjeux mais elle va servir de prétexte pour ne rien faire, parce qu’elle aura eu lieu et qu’on ne va pas revenir tout le temps sur le dossier. 

Un argument souvent entendu sur le terrorisme, alors qu’il dit juste que, lorsqu’on est trop lâche pour prendre la mesure d’une situation et qu’on fait des lois uniquement pour permettre à un politique de prendre une posture, il faut souvent remettre l’ouvrage sur le métier. 

Quand la protection des Français nourrira plus la réflexion que les perspectives de carrière d’un ministre, nos lois tiendront davantage la route et seront plus pérennes. 

 Et pourtant il va bien falloir s’attaquer au problème.

 Parce qu’Elias c’est le mort de trop et pourtant nous savons tous que ce n’est et ne sera pas le dernier.   ■  CÉLINE PINA

Par Céline Pina

Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. 

Elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», elle a également publié Silence coupable (Kero, 2016) et Ces biens essentiels (Bouquins, 2021).

 

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