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Afin d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2025, l'Union européenne a décidé du lancement d'un Pacte vert.
Dans une tribune pour « Marianne », l'essayiste Allan Haussman, estime que ce projet risque de constituer un suicide économique.
Le Pacte vert, présenté comme une renaissance écologique, s’impose en réalité comme une impasse stratégique pour l’Union européenne (UE).
Derrière les promesses d’un avenir durable, il dissimule une vision technocratique, normative et rigide, qui confond impératif climatique et coercition idéologique.
Ce projet nie la pluralité des modèles de transition envisageables et impose une vision unique qui, loin de résoudre les problèmes, les aggrave.
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Aux commandes : une technocratie européenne dogmatique, indifférente aux réalités industrielles et sociales, qui a sacrifié l’industrie au nom d’une transition climatique mal conçue, coûteuse et contre-productive.
L’ambition climatique du Pacte vert est légitime, mais ses modalités en ont fait un carcan réglementaire étouffant, reflet de cette technocratie plus soucieuse de paraître vertueuse que de rechercher des résultats tangibles, où le conformisme idéologique l’emporte sur la responsabilité politique.
Coût exorbitant
Selon une étude de Bruegel de décembre 2024, le coût réel du Pacte vert s’élève à 1 300 milliards d’euros par an jusqu’en 2030, puis passe à plus de 1 500 milliards annuels jusqu’en 2050, pour que l’UE opère sa transition climatique.
On en arrive donc à plus de 43 000 milliards d’euros sur trente ans – oui, 43 000 milliards d'euros ! – pour une Europe qui désarme son industrie pendant que ses rivaux réarment la leur.
À ce prix-là, ce n’est plus une transition, c’est une capitulation financée. Pendant que l’UE aligne les milliards sur le papier, l’économie réelle s’effondre.
La croissance stagne, les faillites industrielles s’accumulent, les PME énergivores délocalisent. En France, 67 000 défaillances d’entreprises ont été enregistrées en 2024, touchant principalement les secteurs exposés à la hausse des prix de l’énergie et à l’inflation normative.
À l’échelle européenne, près d’un million d’emplois industriels ont déjà été détruits, sacrifiés sur l’autel de la transition.
Au niveau social, plus de 10 % des Français ont subi une coupure ou un impayé.
Et 26 % déclarent avoir eu froid chez eux l’hiver dernier, malgré les chèques énergie.
En prétendant agir pour le climat, le Pacte vert a déclenché un effet boomerang social et économique que ses concepteurs semblent avoir gravement sous-estimé.
On ne construit pas une transition climatique sur le déni du réel.
Pourtant, aucun cadre mondial coordonné n’existe pour organiser véritablement cette transition.
L’UE impose une transformation radicale à ses économies, alors même qu’elle reste la seule à s’y engager sans contrepartie globale ni réciprocité stratégique.
Les États-Unis subventionnent leur industrie fossile sous couvert de transition, la Chine investit dans les renouvelables tout en relançant massivement le charbon.
Ce décalage n’est pas seulement économique, il est géopolitique.
Fin de la production
Tandis que l’Europe multiplie les contraintes au nom du climat, ses principaux rivaux – États-Unis, Chine, Inde – adaptent leur politique énergétique à leurs intérêts stratégiques.
Ils produisent, investissent, subventionnent, imposent leurs standards technologiques – pendant que l’Europe se conforme.
Elle croit à la transition, ils pensent domination.
Illustration flagrante de ce déséquilibre : l’UE impose la fin du moteur thermique – tout en important 86 % de ses batteries électriques et 60 % de ses panneaux solaires de Chine, où 73 % de l’électricité provient du charbon.
On interdit ici ce qu’on finance là-bas, faisant du Pacte vert une machine à délocaliser nos émissions – et, avec elles, nos emplois – tout en ruinant notre industrie sans gain net pour le climat.
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Cette politique ne résulte pas d’une simple incompétence, mais d’une idéologie en roue libre.
Les décisions prises au sommet de l’UE ne relèvent pas d’une stratégie, mais d’un dogmatisme rigide.
Ce n’est ni l’intérêt des citoyens, ni celui du climat, mais celui du dogme qui guide l’action, au mépris du réel.
L’interdiction des moteurs thermiques, entérinée par le Parlement européen malgré une forte opposition (340 voix pour, 279 contre, 21 abstentions), illustre ce passage en force idéologique.
Elle en est un exemple criant.
L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, érigé en impératif absolu, justifie-t-il toutes les coercitions, toutes les pénalités, toutes les dérives ?
On réglemente, on interdit, on sanctionne – mais on ne produit plus.
La politique industrielle laisse place à une morale réglementaire, déconnectée des réalités géopolitiques et industrielles du XXIe siècle.
Ainsi, l’Europe, jadis puissance manufacturière, semble se résigner à devenir un parc thématique du renoncement industriel, visité par ceux qui, ailleurs, continuent à produire, à exporter, et à définir les standards technologiques de demain.
L’UE préfère-t-elle sauver le climat ou ses dogmes ?
Ce n’est pas l’écologie qui est en cause, mais son instrumentalisation idéologique : une morale devenue politique publique, qui transforme la transition en entreprise de purification normative.
Innovons plutôt qu’interdire : relançons une stratégie énergétique cohérente, combinant nucléaire (EPR2, PRM), gaz naturel, hydrogène bas-carbone, et, en complément, les énergies renouvelables.
Cela nécessite également de taxer les importations polluantes, de soutenir l’industrie par le crédit d’impôt, et de financer la décarbonation des PME.
Cette transition ne peut réussir sans une révision du traité de Lisbonne dans ses fondements, pour restituer aux États-nations leurs compétences fondamentales, dans le respect de leurs choix démocratiques.
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La transition doit servir la souveraineté énergétique, pas la repentance industrielle. L’Europe peut encore infléchir sa trajectoire, mais cela suppose une rupture assumée avec l’écologie coercitive qui l’a enfermée dans une impasse.
L’abrogation des réglementations les plus délétères pour l’industrie – et, par ricochet, pour l’ensemble du tissu économique et social – ainsi que le retour à une Europe des États-nations ne sont pas des options : ce sont des impératifs vitaux, si elle veut éviter sa marginalisation géopolitique.
Poursuivre dans la voie actuelle, c’est entériner la marginalisation de l’Europe, qui semble se résigner à devenir un parc thématique des vertus écologiques affichées, tout en demeurant structurellement dépendante des puissances étrangères qui produisent, innovent et imposent leurs standards.
Refuser cette perspective, c’est restituer à l’Europe ce qu’elle a sacrifié : sa capacité à produire, sa liberté politique et son indépendance intellectuelle.
Ce double échec, économique et environnemental, inscrira le Pacte vert dans l’histoire comme le symptôme d’un modèle en rupture avec les lois fondamentales de la physique économique : on ne décrète pas la prospérité par directive, pas plus qu’on ne réduit les émissions globales en les délocalisant.
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