C’est
un rapport annuel qui a de quoi inquiéter : les dépenses militaires
mondiales ont atteint 2 443 milliards de dollars en 2023 selon le SIPRI,
un institut de recherche suédois qui analyse ce type de données depuis
55 ans. Il s’agit d’une augmentation de 6,8 % par rapport à 2022.
La guerre en Ukraine dope les dépenses des pays membres de l’Otan
La
guerre qui touche notre continent est évidemment un facteur aggravant
de cette tendance. Outre la Russie et l’Ukraine, le conflit a entraîné
tous les pays membres de l’Otan. Ainsi les dépenses militaires de la
Russie auraient augmenté de 24 % entre 2022 et 2023 pour atteindre 109
milliards de dollars. Depuis 2014 et la prise de la Crimée,
l’augmentation est de 57 %. De son côté, l’Ukraine est devenue le
huitième État le plus dépensier en la matière en 2023 avec une hausse de
51 % pour un total 64,8 milliards de dollars.
Si
l’on ajoute les 35 milliards de dollars d’aide militaire reçus en 2023
de la part d’autres États (dont 25,4 milliards en provenance des
Etats-Unis), les dépenses militaires totales de l’Ukraine atteignent 91 %
de celles de la Russie.
Les
pays membres de l’Otan représentent de leur côté 55 % du total des
dépenses militaires mondiales avec en wagon de tête les Etats-Unis et
leur 916 milliards de dollars de dépenses qui représentent 68 % des
dépenses des Etats membre de l’Otan.
Israël, Taïwan, Afrique, Amérique Centrale, un monde à feu et à sang
La
guerre menée par Israël depuis les attaques d’octobre 2023 a engendré
une hausse de 24 % de dépenses militaires de Tel Aviv qui place Israël
en deuxième position des États les plus dépensiers de la région derrière
l’Arabie Saoudite.
En
mer de Chine, les tensions sino-taiwanaises ont provoqué des
augmentations de 6 % pour Pékin et de 11 % pour Taïwan. Tokyo aussi a
augmenté ce type de dépenses de 11 %.
Ces
conflits ouvert ou latents sont les plus médiatisés mais le monde
connaît d’autres zones de militarisation moins connues. Ainsi, l’Algérie
a augmenté ses dépenses militaires de 76 % dans un contexte de tension
avec le Maroc sur la question du Sahara occidental. Une folie dépensière
qui s’explique grâce à l’augmentation de sa rente gazière avec un
marché européen qui renonce à s’approvisionner en Russie. La République
démocratique du Congo (+105 %) et le Soudan du sud (+78 %) ne sont pas
en reste. Par ailleurs, les conflits liés à la lutte contre le
narcotrafic en Amérique centrale et dans les Caraïbes ont aussi poussé
des Etats à investir dans les dépenses militaires. Pour la République
Dominicaine, il s’agit d’une augmentation de 14 % alors que le Mexique a
enregistré sa première baisse de dépense sur 10 ans (-2,2 %) mais sur
l’ensemble de la décennie la hausse se chiffre à + 55 %.
Explosion généralisée ou points de fixation ?
Comme
lors de la Guerre froide, il semblerait que pour l’heure l’antagonisme
entre Occident et Russie ne soit pas amené à se jouer frontalement mais à
travers une guerre économique ou dans des territoires non intégrés à un
des grands ensembles.
Notre
vision d’Européens de l'Ouest nous pousse naturellement à nous
intéresser plus particulièrement à la guerre qui se déroule en Ukraine,
sur notre continent, mais il convient d’envisager l’explosion des
dépenses d’armement à travers une multitude de conflits. Naturellement,
les plus grandes puissances mondiales sont les plus dépensières avec les
Etats-Unis, la Chine et la Russie sur le podium, suivi de l’Inde. L’arme nucléaire semble toujours garantir un équilibre et reléguer la
guerre dans les « périphéries » des grandes puissances naissantes ou
déclinantes.
Une
donnée qui ne tient parfois qu’à un fil comme l’histoire de la Guerre
froide nous l’a appris. A l’heure de l’immédiateté et de la dictature de
l’émotion, il ne reste qu’à espérer que les hautes sphères des
administrations soient encore peuplées de quelques responsables
raisonnables.
Par Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique |
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