jeudi 15 mai 2025

ANARCHISTES ET CASSEURS SOUFFRENT PEU DE LA JUSTICE ! ( XAVIER RAUFER )



 REVUE DE PRESSE !
© DENIS CHARLET / AFP

Par  Xavier Raufer. 

Cette « contribution » de Xavier Raufer est parue sur Atlantico le 12 mai. 

Intéressante analyse que nous ne commenterons pas sauf pour dire qu’elle émane d’un spécialiste très avisé dont nous suivons les travaux depuis des années.    

 

En août 2024, le Parquet national antiterroriste a 5 procédures en cours ciblant l’ultradroite ; zéro contre l’ultragauche, les écoterroristes, etc. 

Le Figaro cite un magistrat : « Les peines infligées sont … sans doute moins sévères quand il s’agit de l’ultragauche que de l’ultradroite ».

 C’est fort juste :

– Émeutes de l’été 2023 à Bordeaux : agences bancaires ravagées, DAB détruits, vitrines fracassées, incendies par dizaines, mobilier urbain saccagé, jets de cocktails-Molotov sur la police ; des centaines d’émeutiers, chacun des cinq jours de violences déchainées.

 À la fin, 7 condamnés pour zéro jour de prison réelle ; au pire, 30 mois avec sursis… les autres, 105 heures de travail d’intérêt général, interdiction de manifester pendant trois ans.

Décembre 2023, Bouches-du-Rhône, ravage de la cimenterie Lafarge par des écolos violents, 6 millions d’€ de dégâts. 

Dans ce cas, le code pénal prévoit dix ans de prison : (attaque en bande organisée avec armes et séquestration).

 Verdict en décembre 2024, zéro jour de prison réelle : 9 arrêtés, 5 relaxés, 4 « condamnés » avec sursis, de six à dix mois.

Encore, là, a-t-on envoyé divers lampistes devant un tribunal ; parfois c’est l’échec total, pour du terrorisme ou des atteintes aux intérêts majeurs de l’État. 

Des années après qu’ils aient été commis, brouillard complet ; nul n’est traduit en justice.

Rappel : la SNCF contrôle environ 36 000 km de voies ferrées, dont la surveillance lui coûte 35 millions d’€/an ; 250 de ses agents sont affectés à cette sûreté ferroviaire. 

En janvier 2023, à Vaires-sur-Marne (77), un poste d’aiguillage SNCF est incendié, le trafic ferroviaire de la gare de l’Est, paralysé 48h. 

Depuis, nulle arrestation. Avant cela (2021-2023), des installations des Télécom ont subi 205 sabotages, incendies, etc.

 De mars 2020 à février 2022, massivement, 250 attaques de pylônes de téléphonie, antennes-relais et sites de cibles symboliques pour l’ultra-gauche.Publicité

A l’aube du 26 juillet 2024, peu avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, divers postes d’aiguillage stratégiques de la SNCF subissent une « attaque massive, de nature à paralyser le réseau ferré national » et « à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » – 800 000 voyageurs impactés. But politique d’une attaque clairement terroriste : couper Paris de toutes les Lignes à Grande Vitesse (LGV). 

D’emblée, on cible les « anarcho-autonomes… l’écologie radicale ». Le 26/07/2024, 4h du matin, vaste série de sabotages : LVG-Nord, Pas-de-Calais ; LVG-Est, Meurthe-et-Moselle ; LVG-Atlantique, Eure-et-Loir ; un acte déjoué sur la LVG Paris-Lyon. 

Visées, de névralgiques armoires électriques, pourtant sécurisées et dissimulées ; les saboteurs coupent et incendient les câbles contenant des faisceaux de fibres optiques. 

Le surlendemain, une revendication oblique-ironique dont l’ultragauche est coutumière : l’action vise à « La chute d’un monde reposant sur l’exploitation et la domination ». 

Les enquêteurs gémissent : « Les pirates du rail n’ont commis aucune imprudence »… disposent « d’un solide savoir-faire dans la pratique de la clandestinité »… d’une « parfaite connaissance des structures » (de la SNCF) … 

L’attaque est « très pertinente, là où ça fait le plus mal »… 

Les mêmes suggèrent « Des fuites de données de la SNCF, ou des complicités en son sein »…

Trois jours après ces actes graves, le réseau numérique national longue-distance (« autoroutes de l’information ») est frappé, de 1h à 3h du matin. 

Bien renseignés et équipés, coordonnés en équipes, des saboteurs sectionnent, à la hache ou à la disqueuse, de gros câbles haut-débit de fibre optique (dits « Backbone« ) de Free, SFR, etc. ; ce, dans huit lieux : Meuse (Contrisson), Hérault (Capestang) Oise (Catigny-Béthancourt), Bouches-du-Rhône (Le Rove, L’Estaque) ; aussi, dans la Drôme, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne et Essonne. 

En masse, des clients de la téléphonie fixe et mobile sont touchés. 

L’Intérieur vise des « groupuscules anarchistes violents… mouvance radicale… promoteurs de l’action directe », éprouvant la « jouissance du chaos » ; pour la Sous-direction antiterroriste, cette « nébuleuse » a « une parfaite connaissance des infrastructures attaquées », voire des « complicités à la SNCF ».

 Le 27 juillet, M. Darmanin, ministre de l’Intérieur avance « On saura assez rapidement qui est responsable ». 

Dix mois ont passé depuis ces galéjades ; 29 mois, depuis le grave sabotage ayant paralysé la gare de l’Est. Où en est l’enquête ?

 On ne sait rien – sauf ceci : pour les attaques de prisons, des graffiti, tirs de mortiers et rafales sur des portes, ont illico mobilisé le Parquet national antiterroriste ; rien de tel pour le gravissime, coordonné et organisé sabotage de nos réseaux majeurs ; numériques (« backbones« ) ou physiques (SNCF). Qu’une nation étrangère en fasse la moitié, c’est le casus belli.

 

 Là, pas d’investigation pour terrorisme et une enquête enlisée. ■ 

Par  XAVIER RAUFER

 

Docteur en géopolitique et criminologue.
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin) 
 
ET AUSSI
 

 

[POINT DE VUE] 

La grande méfiance de la nation à l’égard de la Justice de la République

La confiance des Français en leur Justice est historiquement basse et s’est totalement effondrée depuis 2008.
@tingeyinjurylawfirm/unsplash
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Le mystère du sondage disparu.

 Dès le 20 avril 2025, divers journaux et sites (Le Figaro, Dernières Nouvelles d’Alsace, Causeur, Le Dauphiné, Le Progrès, etc.) faisaient état d’un sondage évoquant, une fois encore, l’opinion très négative des Français à l’égard de leur Justice.

 Si le résultat est tristement édifiant, la formule reprise dans tous les médias est curieuse : « Le Conseil national des barreaux (CNB) vient de finaliser, avec l’IFOP, un sondage sur la confiance des Français dans la Justice. » 

Or, il est impossible de trouver trace de ce sondage et de sa méthode, ni sur le site du CNB, ni sur celui de l’IFOP. 

L’auteur de ces lignes a écrit plusieurs fois aux deux organismes concernés. Mutisme : le sondage a disparu !

Pour les lecteurs qui ne le sauraient pas, le CNB, qui a commandité ce sondage, est l'organisme national qui représente les 75.000 avocats inscrits dans un des 164 barreaux français : une forte représentativité, mais une voix en général discrète et mesurée. Interlocuteur des pouvoirs publics, le CNB participe à l'élaboration des règles professionnelles et il intervient aussi sur les questions relatives au droit et à l'institution judiciaire. 

Toutefois, il existe désormais une guerre au grand jour de certains magistrats contre les avocats (ce qui est déplorable) et le CNB a réagi par une résolution de son assemblée générale du 17 janvier 2025 « dénonçant des attaques inacceptables (et ouvertes, de quelques juges) à l’encontre de la profession d’avocat ».      Ambiance...

 

Seulement 48 % des citoyens font encore confiance à la Justice française

Que révélait, selon les médias, le sondage disparu ? 

Que seulement 48 % des citoyens font encore confiance à la Justice française. Or, ce sondage n’est pas le premier mauvais sondage sur la Justice. 

Déjà en juillet 2022, 73 % des personnes interrogées par l’IFOP estimaient que « la Justice fonctionne mal », rejoignant les constatations du rapport de Jean-Marc Sauvé, en conclusion des États généraux de la Justice lancés en novembre 2021 par Emmanuel Macron.

 Ils n’étaient que 37 %, avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, mais en novembre 2024, selon un sondage CSA pour Europe 1, CNews et le JDD, 65 % des Français pensaient que la Justice est partiale. 

Après le sondage d’avril 2025, la présidente du CNB, Me Julie Couturier, a déclaré que la confiance des Français en leur Justice est historiquement basse et « s’est totalement effondrée depuis 2008, quand 63 % des citoyens déclaraient lui faire confiance, pour atteindre aujourd’hui péniblement 48 % ». Soit une chute de 15 points en 17 ans.

Les réactions des tenants du système

Alors que le sondage n’a toujours pas été rendu public (le sera-t-il un jour ?), les prises de position officielles se succèdent. 

Les Dernières Nouvelles d’Alsace rapportent les propos de Christophe Soulard, Premier président de la Cour de cassation, pour qui tout ne serait qu’une question de « pédagogie » (sic) pour faire évoluer les mentalités sur le fonctionnement de l’institution : « De plus en plus d’efforts sont réalisés pour expliquer les décisions de justice », sans pour autant « se faire trop d’illusion sur la pédagogie » (sic). 

Dans Le Dauphiné libéré, c’est Mme Guigou, ancien garde des Sceaux, qui monte en ligne. On nous fait savoir que la « montée du populisme en France annihilerait toute réflexion en profondeur et volonté de comprendre la complexité du système judiciaire (sic), car contrairement au peuple souverain, les magistrats n’auraient aucune légitimité ».

 Membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’ex-ministre socialiste ajoute : « Cette idée de "gouvernement des juges" est une fable, sauf qu’elle prend aujourd’hui dans des milieux qui devraient résister. »

  Mme Guigou n’est pas juriste mais elle contredit ce que publient, depuis des années, plusieurs renommés professeurs de droit à l’université. 

Pour elle, « la démocratie, ce n’est pas seulement le vote. Tous les dictateurs et autocrates sont élus. La démocratie, c’est l’État de droit. Il nous protège contre l’arbitraire. »

  L’État de droit certes, mais le sujet du sondage était : est-ce que la Justice en est encore garante ?

Pourquoi tout cela est-il gravissime ?

Les maux de la Justice sont perçus par tous, citoyens et acteurs judiciaires : laxisme pour certains délinquants et politisation de certains magistrats (affaire du « mur des cons », condamnations perçues comme éliminatrices contre certains politiques) ; et parfois même la corruption : magistrats et avocats honnêtes le savent bien. 

Même si on admettait la thèse de Mme Guigou, la simple perte de confiance dans l’État de droit est un mal mortel pour une société. 

Par-delà le baratin, il faudra en guérir au plus vite la République par des gestes institutionnels très forts, comme cela a été fait en d’autres pays (ainsi au Canada).

 Car « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art. 16).

 La dégradation de la démocratie en continu, l’explosion de la société sont inévitables et nul ne peut en prévoir l’ampleur : « Il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression » (Déclaration universelle, ONU, 1948) : l’injustice de la Justice est une cause de révolution.


Picture of Henri Temple
Par Henri Temple
 
Henri Temple est universitaire, juriste, théoricien de la Nation (auteur de :  Essai sur le concept de ‘’Nationisme’’, Sphairôs, 2024)
 Source et Publication :  https://www.bvoltaire.fr/



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