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[HISTOIRE]
Macron reproduit la fameuse journée des DDUPES Dupes

Il est des journées où le pouvoir se joue en coulisses, dans une succession d’annonces, de rumeurs et de retournements, où, jusqu’à la dernière heure, nul ne sait encore qui en sortira vainqueur.
Le 10 et le 11 novembre 1630, lors de ce qu’on appellera plus tard la « journée des Dupes », la France a connu l’un de ces moments suspendus.
Ce qui semblait acquis à midi ne l’était plus à minuit.
Ce jour-là, le cardinal de Richelieu, que tous croyaient condamné à la disgrâce, est finalement confirmé dans sa fonction de principal ministre par Louis XIII, tandis que ses adversaires, persuadés d’avoir gagné, découvrent qu’ils se sont eux-mêmes dupés sur leur avenir.
Cette oscillation du pouvoir, presque heure par heure, résonne fortement avec les journées politiques qui viennent de s’achever autour de la renomination de Sébastien Lecornu, dont beaucoup imaginaient qu’il ne serait pas reconduit.
Comme en 1630, les pronostics et les calculs n’ont pas suffi à prédire l’issue de la journée.
Entre le palais du Luxembourg d’hier et les couloirs de l’Élysée aujourd’hui, le décor a changé, mais l’incertitude politique demeure la même.
Une reine mère mécontente
En 1630, la France est engagée dans la guerre de Trente Ans.
La politique extérieure menée par Richelieu, qui s’appuie sur des alliances avec des puissances protestantes contre la maison d’Autriche, suscite alors de vives critiques à la cour.
Marie de Médicis, mère du roi et figure politique toujours influente, incarne l’opposition à cette ligne.
Elle défend une politique plus conciliante envers les Habsbourg et s’appuie sur un parti catholique dévot et conservateur.
La santé fragile de Louis XIII au cours de l’année a également laissé le champ libre aux ambitions rivales, qui se sont développées au sein de la cour.
Dans l’entourage de la reine mère se regroupent notamment Michel de Marillac, garde des Sceaux, ainsi que plusieurs grands seigneurs hostiles à Richelieu.
Tous attendent alors le moment opportun pour provoquer sa chute.
La fin de Richelieu ?
À l’automne, l’équilibre politique est si instable que la moindre décision peut faire basculer le pouvoir.
Le 10 novembre au matin, Louis XIII se rend au palais du Luxembourg, résidence de Marie de Médicis.
Cette dernière profite de la présence de son fils pour exiger la disgrâce immédiate de Richelieu.
Elle l’accuse de l’avoir écartée pour réduire son influence et impose au roi de choisir : « Préférez-vous un laquais à votre propre mère ? »
Louis, visiblement fatigué des conflits, donne des signes de concession et laisse entendre qu’il pourrait éloigner son ministre.
Richelieu, informé de cette entrevue, se rend à toute vitesse au Luxembourg.
Trouvant porte close, le cardinal, qui connaît les lieux, emprunte une porte dérobée pour rejoindre mère et fils.
Marie l’accuse alors ouvertement, tandis que Richelieu s’agenouille par humilité devant le roi.
Louis XIII, en plein doute, quitte le palais sans prononcer aucun mot.
Dans les heures qui suivent, les courtisans interprètent ce silence comme une disgrâce actée.
Le parti de la reine mère célèbre ce qu’il croit être une victoire politique.
Le cardinal, lui, regagne sa résidence du Petit Luxembourg, en attendant que son sort ne soit scellé.
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« Je suis plus attaché à mon État qu’à ma mère »
La soirée est alors marquée par une agitation fébrile.
Les rumeurs de la chute de Richelieu se répandent dans tout Paris.
Les fidèles de Marie de Médicis se pressent autour d’elle pour s’assurer de son triomphe. Le pouvoir semble avoir changé de main.
Cependant, dans l’ombre, rien n’est encore tranché.
En effet, Louis XIII, qui n’a rien décidé officiellement, quitte la capitale pour s’isoler dans son petit château de Versailles.
Il veut réfléchir loin des pressions familiales et politiques.
« L’obstination de ma mère me fera mourir. Elle veut que je chasse un ministre habile pour confier mon royaume à des ignorants, qui préfèrent leur intérêt à celui de l’État », confie-t-il.
Le 11 novembre au matin, Louis XIII reçoit Richelieu en tête-à-tête et lui annonce sa décision : « Je suis plus attaché à mon État qu’à ma mère. » Par cette simple phrase au cœur d’une entrevue, le sort de la crise politique est scellé : le roi reconduit son ministre dans ses fonctions.
À Paris, Marie de Médicis ignore encore tout. Elle poursuit ses entretiens avec les courtisans, persuadée de sa victoire. Mais lorsque la nouvelle de la décision royale se répand dans la ville et parvient à ses oreilles, sa colère est aussi immédiate que sa disgrâce est brutale.
La victoire du cardinal
La chute espérée de Richelieu se transforme ainsi en une consolidation spectaculaire de son pouvoir.
Les alliés de Marie de Médicis sont écartés, tandis que la reine mère est éloignée de la cour et assignée à Compiègne.
Elle ne reverra plus jamais son fils, contre lequel elle ne cessera de comploter pour laver l’humiliation de cette « journée des Dupes ».
L’expression, inventée par Guillaume Bautru, comte de Serrant, résume parfaitement la situation : ce sont ceux qui, trompés par leur propre interprétation de la décision royale et persuadés d’avoir triomphé la veille, furent finalement les grands perdants du pouvoir.
La journée des Dupes illustre ainsi une constante de la vie politique française : rien n’est jamais sûr jusqu’à la dernière minute.
L’Histoire récente en a donné un écho frappant : la renomination de Sébastien Lecornu, au terme d’une journée saturée d’hypothèses et de paris, rappelle cet événement passé.
Comme en 1630, les signaux interprétés comme des victoires peuvent n’être que des illusions.
Ceux qui croient détenir le pouvoir à midi peuvent en être exclus le soir.
Le vainqueur n’est pas toujours celui que l’on croit et le pouvoir n’est jamais totalement acquis.


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