Droites: l’union façon puzzle
L'union des droites, combien de divisions ?
Le magazine Causeur du mois consacre un dossier de 18 pages à cette fameuse union des droites qui n’advient jamais
Pour les copains de Valeurs actuelles, ça ne fait pas un pli.
Voici venue « l’heure de la coalition », proclament-ils en une le 15 octobre.
Avec, en illustration, une belle brochette d’éminences de droite encadrant Marine Le Pen façon équipe de campagne.
Ils sont venus, ils sont tous là – Villiers, Bardella, Retailleau, Lisnard, Maréchal, Ciotti, Knafo, Bellamy, Zemmour. Dans la vraie vie, certains ne s’adressent plus la parole. Sur le photomontage, tous sourient, tournés vers le même avenir radieux.
Droite plurielle
La presse de gauche s’en désole quotidiennement – tout en réclamant le pouvoir pour son camp : la France se droitise.
Dans la dernière livraison de « Fractures françaises », l’enquête annuelle Cevipof/Ipsos/Le Monde, 41 % des Français se positionnent à droite et 28 % à gauche (18 % choisissent le centre et 13 % ne se prononcent pas).
Sur le papier, c’est donc imparable.
Il suffirait que toutes les droites (en l’occurrence, LR, RN et Reconquête !) s’allient pour gouverner ensemble.
Une hypothèse d’autant plus logique que l’intimidation morale a sans doute jeté ses derniers feux en 2022.
Même Retailleau, l’un des plus hostiles à une entente avec le RN, n’ose pas parler de divergences de valeurs.
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Si Emmanuel Macron avait chargé une IA de fabriquer une majorité à partir du Parlement issu des législatives de juin 2022, elle aurait donc certainement imaginé un genre de droite plurielle – à moins évidemment d’avoir été dressée pour faire barrage à qui on sait.
Beaucoup de sympathisants de droite, convaincus que leurs idées sont majoritaires dans le pays, se demandent donc par quelle entourloupe ils se retrouvent cocus, puisque c’est aujourd’hui le Parti socialiste qui semble tenir entre ses mains le sort du gouvernement et du pays.
Dans les bistrots, on se dit que tous ces chefs devraient se mettre d’accord dans l’intérêt de la France et que, s’ils ne le font pas, c’est par préférence pour leurs intérêts et leurs carrières. C’est un peu court.
Les appétits et les rivalités existent aussi à gauche, mais n’empêchent nullement de faire front commun quand il faut gagner.
Osons une hypothèse.
Ce qui empêche de faire la même chose à droite, c’est peut-être que la droite n’existe pas.
Déjà ce n’était pas simple du temps de René Rémond et de ses trois droites (qui ne se sont jamais coalisées), mais depuis que le populisme a déboulé dans le jeu, captant une partie notable de l’électorat bonapartiste (mais pas que), c’est la pagaille.
Il faut dire que si le mot « gauche », en dépit de toutes les turpitudes qu’il couvre, conserve un pouvoir magique (même si ce pouvoir a tendance à s’user), le vocable « droite », lui, ne convoque rien et n’évoque pas grand-chose, sinon ce qui n’est pas la gauche.
Le cauchemar de l’IFOP
Les électeurs du RN, de LR et de Reconquête ! se déclarant massivement favorables à l’union des droites, on croit naturellement qu’ils sont tous de droite.
En réalité, beaucoup accepteraient n’importe quel attelage capable de les délivrer du cauchemar « socialo-macroniste » qui a conduit le pays au multidésastre.
Brice Teinturier observe avec effroi la convergence des deux électorats qui trouvent « qu’on n’est plus chez soi en France » (85 % à LR, 94 % au RN), qu’il y a trop d’étrangers (86 % à LR et 95 % au RN), et qu’il faudrait « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (95 % et 99 %).
Ils sont même d’accord pour lutter contre l’assistanat (88 % et 70 %).
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Pourtant, à la différence de Jordan Bardella qui a confessé un ancien tropisme sarkozyste, Marine Le Pen refuse de se dire de droite.
Tout juste concède-t-elle du bout des lèvres qu’en cas de besoin, elle accepterait l’appoint venu de ce côté-là de l’hémicycle.
Forte de ses records de popularité, la patronne du RN a forcé la porte du club des dirigeants responsables et respectables.
Mais on dirait qu’elle ne se sent pas appartenir au même monde qu’eux.
« Beaucoup de gens à droite voudraient des gens comme nous mais qui soient plutôt comme eux, nous confie-t-elle (lire notre grand entretien).
Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois. »
Et certainement moins conservateurs.
Entre les électeurs lepénistes et ceux de la droite classique, les différences sont donc moins idéologiques que culturelles.
Et il ne s’agit pas seulement de classe sociale, mais d’ethos et de vision du monde.
Teinturier note que 58 % des sympathisants du RN et seulement 23 % des sympathisants LR déclarent appartenir à « une France contestataire et en colère ».
Derrière des incarnations nationales très diverses, la spécificité des populismes est précisément d’avoir accommodé politiquement la colère contre les élites, devenue leur principal carburant électoral, au risque d’être érigée en légitimité incontestable.
Reste que, face au danger, on ne chipote pas sur le pedigree de ses camarades de tranchées.
Or la majorité des dirigeants et des électeurs de cette famille politique qui n’en est pas une, ou alors très dysfonctionnelle, partagent au moins les mêmes inquiétudes.
Beaucoup sont certains que, faute de changement radical de direction, le déclin du pays sera bientôt irréversible.
Reste à savoir combien, une fois dans l’isoloir, se diront, à l’instar du président Mao, que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.


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