Le
droit du sol, voilà bien le vénérable moellon du dogme républicain sur
lequel nos gouvernements successifs se sont cassé les dents.
Face à la
crise de l’immigration mahoraise (une avant-garde amplifiée de la crise
migratoire profonde qui touche le territoire français depuis 50 ans),
face à ce que notre sémillant premier ministre appelle un « sentiment de submersion » (déclenchant au passage les horions de la gauche deloguienne,
créolisée et créolisante), il conviendrait donc de repenser le droit du
sol.
Attention, cette simple ouverture à la discussion constitue pour
certains un crime de lèse-majesté, une atteinte aux valeurs sacrées de
la république. Bayrou n’est pas le premier à avoir provoqué les
jappements des cerbères du jacobinisme : souvenons-nous de la grotesque
affaire Leonarda, en 2013, du nom de cette adolescente kossovarde qui
voulait « s’assimiler », adoubée par la complaisance gélatineuse du
flanc Hollande, et contre laquelle s’étaient élevées quelques voix
discordantes à droite - souhaitant réduire l’immigration familiale et
condamnant de fait l’intouchabilité pathologique du droit du sol.
Deo Gratias,
Leonarda et la famille Sourcil sont restés chez eux, achevant de
discréditer le quinquennat de François Hollande sur une touche de
psychodrame paneuropéen.
Aujourd’hui, le sujet revient en force puisque
le « droit du sol » constitue de facto un redoutable appel d’air,
à fortiori dans nos avant-postes les plus délaissés et dont Mayotte est
évidemment le pinacle.
Ainsi sa légitimité dans un monde globalisé, qui
n’a plus rien à voir avec le paysage politique du temps qui l’a vu
naître, serait évidemment à interroger.
En effet, le droit du sol est
d’abord la conséquence de la philosophie révolutionnaire de 1789, pour qui la France n’est plus un territoire dont on hérite, mais une idée qui se transmet, une abstraction.
Les hommes ne sont plus des sujets mais des citoyens, une juxtaposition d’hommes théoriquement égaux en droit, des « grains de sable »
comme les appelait Napoléon. Une réalité mathématique donc, qu’on peut
permuter et compiler à l’infini, au gré des besoins étatiques – l’Etat
n’étant plus une personne mais une entité agglomérante et abstraite,
sorte d’idole mammonique perchée sur un tas de conscrits.
Quelques mois
avant le serment du Jeu de Paume, Louis XVI évoquait d’ailleurs « ses peuples »
pendant le discours des Etats Généraux, une formule que viendra récuser
la nouvelle sémantique révolutionnaire, ce néo-logos qui assène le
Citoyen comme brique irréductible de la construction nationale : un
Citoyen qui participe d’une Idée globale, à l’instar d’une cellule, « et
dont l’isolement vulnérable succède aux structures organiques
communautaires, corporatives et hiérarchisées de l’Ancien Régime »
(Hubert Méthiviers).
Il faudra tout de même un siècle pour qu’arrive la
grande loi qui va entériner ce « monadisme », au sens leibnizien, du
citoyen.
Un siècle et une défaite cuisante, celle de 1870 qui pousse le
gouvernement à vouloir « fabriquer du Français » : il faut
repeupler le territoire, il faut redonner au pays des bras armés face à
l’ennemi qui se presse aux frontières et à la multipolarisation de
l’échiquier européen.
La clé de cette fabrique à un niveau presque
industriel sera le droit du sol, qui permet d’incorporer les vagues
migratoires d’alors (Espagnols, Allemands, Belges) et de consolider une
démographie en perte de vitesse. Soit à peu près ce que feront les
politiques migratoires de la Vème République à partir du regroupement
familial orchestré par les industriels pompidoliens – une autre forme de
conscription.
Au final, l’idée France, portée par la Révolution, n’aura
pas duré longtemps.
On peut voir le fameux discours de Renan, en 1882,
comme une étrange passation, de l’abstraction révolutionnaire presque
mythologique à une injonction individuelle qui sera un des fondements du
républicanisme moderne, malheureusement vouée à l’échec : « Une
nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des
sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. »
Pas sûr que le dénommé Doualemn, cet influenceur algérien dont l’OQTF a
été annulé, ressente au fond de sa chair ce sentiment de sacrifice…
A
l’heure où les ressources s’amenuisent, où la tectonique géopolitique
menace la souveraineté des états européens, on ne peut plus gouverner
avec des idées et encore moins tenir la nationalité pour un principe
abstrait, pour cette viralité aux facultés presque ésotériques
dont se gargarisait la mystique jacobine.
Il faut au contraire redonner
de la substance à l’idée de nation, lui infuser de l’organique :
l’organique d’une nation, outre ses frontières, ce sont bien sûr des
habitants à qui on a transmis la France, comme un héritage de chair et
de sang, et pas de simples occupants-citoyens, tout juste
capables de répéter et d’ânonner quelques leçons de vivre-ensemble
apprises par cœur dans des centres d’insertion où flotte le spectre
orwellien de la nouvelle république.
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