Immigration : Merkel donne raison au Groupe de Visegrád
Jeudi 7 février 2019, les dirigeants du
Groupe de Visegrád (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie) se sont
réunis à Bratislava pour un sommet, avec un invité de taille : la
chancelière allemande Angela Merkel.
Et sur la question de
l’immigration, le V4 semble avoir gagné son bras de fer avec Berlin.

L’Allemagne s’avoue vaincue sur la question migratoire
Les dirigeants du V4 et d’Allemagne se
sont retrouvés à Bratislava, capitale de la Slovaquie, actuellement à la
présidence tournante du V4. Depuis le retour sur la scène politique du
Groupe de Visegrád (V4) en 2015, du fait de la crise des migrants le
long de la Route des Balkans, le bras de fer a été constant entre les
quatre pays d’Europe centrale constituant le V4, anti-immigration, et la
chancelière allemande pro-immigration Angela Merkel.
Les hostilités avaient été ouvertes par
le Premier ministre démocrate-chrétien Viktor Orbán, qui, devant
l’afflux ingérable et massif de clandestins, avaient décidé de sécuriser
sa frontière sud avec la Serbie à l’aide d’une clôture surveillée,
appliquant les règles du traité de Schengen, bien que les autorités
berlinoises et bruxelloises se soient opposées violemment à cette
mesure.
Depuis l’été 2015, la route des Balkans a été globalement
démantelée grâce à la Hongrie, au Groupe de Visegrád et plus tard à
l’Autriche.
Mi-septembre 2016, Angela Merkel avait
déjà à Bratislava concédé une première défaite dans le bras de fer sur
l’immigration : elle avait laissé entendre qu’elle renonçait aux quotas
obligatoires de clandestins et de demandeurs d’asile pour les pays de
l’UE, disposition voulue par les pays pro-immigration de l’UE et
fermement rejetée par le V4.
Deux ans et demi plus tard, de nouveau à
Bratislava, la chancelière allemande va plus loin. « Nous reconnaissons
Schengen, et c’est pourquoi nous avons besoin à la fois d’une
immigration légale et de protection frontalière ».
Une évolution très
importante par rapport aux positions qu’elle tenait en 2015, où elle
avait généré un « appel d’air » en déclarant « Wir schaffen das! » –
« nous pouvons le faire ! » – en parlant de l’acceptation et de la
gestion de millions d’immigrés clandestins en quelques mois, venus
d’Afrique et du Proche et Moyen-Orient.
Pour couronner le tout, l’Allemagne et
le V4 ont convenu d’initier un programme commun au Maroc dans les mois à
venir afin d’endiguer l’immigration vers l’Europe, a annoncé le Premier
ministre slovaque Peter Pellegrini, expliquant que les détails de ce
programme seront exposés ultérieurement. La chancelière allemande a
ajouté que pour maîtriser l’immigration, il était nécessaire
d’entretenir de bonnes relations avec les voisins de l’Europe, dont le
Maroc.
Brexit, élections européennes ; l’Europe centrale véritable « moteur de l’Europe »
À quelques semaines des élections européennes (prévues pour le 26 mai 2019),
les dirigeants du V4 ont également tenu à exposer à la chancelière leur
position, unanime : les questions importantes sur l’avenir de l’UE
devront être discutées après les élections européennes.
Des élections
dont l’issue est incertaine, mais « une chose est sûre, l’Union
européenne ne sera plus la même, » a déclaré le Premier ministre
hongrois Viktor Orbán.
Outre l’immigration, le sujet principal
aura été le Brexit, qui doit être effectif en mars, et qui inquiète les
pays d’Europe centrale dont de nombre travailleurs détachés ou émigrés
résident au Royaume-Uni. Mais la chancelière allemande s’est voulu
rassurante.
Angela Merkel estime que « la sortie organisée du
Royaume-Uni de l’UE représente un avantage pour les deux parties ».
Le budget européen pour la période
2021-2027 a été discuté. À ce sujet, Viktor Orbán a tenu à rappeler que
« 80% des fonds qui arrivent en Hongrie retournent dans les pays d’où
ils viennent, » et que « les entreprises de tous les pays européens
peuvent d’ailleurs participer aux appels d’offre ».
Les Premiers ministres du V4 ont tenu
également à rappeler devant la chancelière que le V4 était un partenaire
incontournable pour l’Allemagne.
Le Premier ministre polonais Mateusz
Morawiecki a ainsi déclaré que « les pays du V4 représentent le
principal partenaire commercial de l’Allemagne, et bien plus important
que, par exemple, la France, les États-Unis ou la Chine ».
Le Premier
ministre hongrois Viktor Orbán a quant à lui estimé que L’Allemagne et
le groupe de Visegrád forment ensemble le vrai « noyau dur européen, »
compte tenu du fait que « ce noyau dur est composé des pays qui sortent
du lot de part leurs résultats.
Si l’on considère la dette d’État, le
déficit budgétaire, l’export, le taux de chômage, le système bancaire et
les réformes structurelles, alors [Le V4 et l’Allemagne] forment le
noyau dur de l’Europe, et sont les moteurs de la croissance
européenne ».
Ukraine
L’Ukraine a également au cœur des
discussions. La chancelière allemande Angela Merkel a parlé du projet de
gazoduc russo-allemand Nord Stream, en soulignant que pour l’Allemagne,
l’Ukraine devait rester un pays de transit.
Un projet contesté par le
V4 qui aimerait une Ukraine stable et prospère – à part la Tchéquie, les
trois autres pays du V4 sont frontaliers de l’Ukraine.
La dépendance du
V4 par rapport au gaz russe est également un sujet important pour les
dirigeants de la région.
Les projets d’infrastructure nord-sud reliant
des terminaux LNG de Croatie et de Pologne permettant d’importer
notamment du gaz liquéfié des États-Unis d’Amérique n’inclut pas
l’Allemagne ; de même, le Nord Stream n’inclut ni les pays baltes ni la
Pologne, ce qui est la cause de tensions depuis des années sur le sujet
énergétique, même si les pays du V4 et l’Allemagne s’entendent sur le
principe de la diversification des sources d’approvisionnement.
« Nous ne voulons pas être dépendants de
la Russie, mais la Russie est une source de gaz naturel pour nous
depuis la Guerre froide déjà, » a expliqué la chancelière Merkel,
rajoutant que cela ne risque pas de changer.
La question du rapprochement de
l’Ukraine avec l’OTAN a également été évoqué. Viktor Orbán, dont le
gouvernement a bloqué les démarches de l’Ukraine suite au conflit autour
de la réforme ukrainienne de l’éducation menaçant les droits de la
minorité hongroise d’Ukraine, a expliqué qu’il allait discuter en détail
de ce sujet avec le Secrétaire d’État des États-Unis d’Amérique la
semaine prochaine à Budapest.
« La position de la Hongrie pose des
problèmes dans la coopération entre l’Ukraine et l’OTAN.
[…] Mais il y a
en Hongrie un gouvernement pro-ukrainien, alors qu’il y a en Ukraine un
gouvernement anti-hongrois, et des conflits découlent de cette
situation ».
Fin du communisme : 30 ans déjà
Le sommet a également été l’occasion
pour les cinq chefs de gouvernements de signer une déclaration commune
pour commémorer les trente ans de la fin du communisme.
``« Les
changements fondamentaux de 1989 ont apporté liberté et développement
dans nos pays, et nous ont permis de contribuer au processus
d’intégration européenne, » a déclaré l’hôte, le Premier ministre
slovaque Peter Pellegrini.
Les signataires ont déclaré vouloir une
Europe « forte, unie et compétitive ».
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
ET AUSSI
ET AUSSI
Emmanuel Macron dans les cités : « Nous sommes un pays qui a toujours été fait de migrations ! »
Il
y a deux Emmanuel Macron. Celui qui théorise la « verticalité du
pouvoir », évoquée durant sa campagne présidentielle, à l’occasion d’un
entretien accordé au 1, revue dirigée par Éric Fottorino, ancien du
Monde, où il remet à l’honneur la place laissée vide par la décapitation
de Louis XVI.
Et puis il y a l’autre Emmanuel Macron, celui qui se rend, le 4 février 2019, à Évry, parler aux maires de banlieue. Et qui, devant des édiles soumis aux problèmes qu’on sait, affirme : « Nous sommes dans un monde de migrations. Je ne crois pas du tout aux gens qui font des murs, ça ne marche pas ! »
Ça, on le saura peut-être une fois qu’on aura laissé sa chance au concept. Il faut toujours laisser du temps au temps.
Ensuite : « Aujourd’hui, ça bouscule notre société, le phénomène migratoire ! » Vraiment ? Puis : « Nous sommes un pays qui a toujours été fait de migrations. On a toujours eu entre 10 % et 12 % de personnes issues de l’immigration.
Et à chaque fois, il y a eu les mêmes peurs. Les peurs qu’on a aujourd’hui avec les Subsahariens sont les mêmes qu’on avait à l’égard des Italiens ou des Polonais, il y a un demi-siècle, avec des violences absolument terribles et qu’on a progressivement réussi à intégrer. »
Pour les Polonais et les Italiens, c’est manifestement chose faite. Pour les autres, les « Subsahariens », cela paraît être un peu moins bien parti, non ?
Sans compter sur le fait que les mangeurs de risotto ne seront pas forcément ravis d’être amalgamés aux amateurs de kebab.
En l’intervalle, d’autres prétendent que cette immigration serait un bienfait économique. Certes. Mais si tel était le cas, pourquoi ne pas davantage ouvrir les vannes ? Si ça rapporte, pourquoi se priver ?
Encore qu’à propos de gros sous, le grand absent de la récente tournée présidentielle puisse évidemment demeurer Jean-François Borloo.
En 2018, ce dernier présentait à Emmanuel Macron un énième grand plan pour les « banlieues ».
Le gouffre, coûtant comme toujours « un pognon de dingue », fut sèchement recalé par l’Élysée.
Mais il s’agissait peut-être encore du Macron première manière, le jupitérien vertical, auquel Borloo avait répliqué :
« Mon sentiment, c’est qu’on est en train de remplacer le vieux monde des solidarités par le jeune monde des abandons de ceux qui ont besoin de la solidarité. »
Ce disant, Borloo ne parlerait-il pas le Macron dans le texte, tel ces gens du « vieux monde », persistant à estimer que chaque problème de société peut se résoudre par de seules subventions ?
Tout en voulant nous faire croire que l’insécurité civilisationnelle puisse tout aussi être soluble dans de simples lignes budgétaires, juste histoire d’être à la hauteur de cette « bonne gouvernance » si chère d’un Alain Minc assurant, naguère, qu’Emmanuel Macron demeurait un « pur produit du système », « système » qu’il entendait combattre par ailleurs ?
Ainsi, il y a des choses que l’argent ne saurait acheter, quoi qu’en pense un Jean-Louis Borloo, même si tombé en disgrâce.
On l’a constaté, de manière conjoncturelle, lors des émeutes des cités. On le constate plus encore, de façon structurelle, dans cette autre France, habitée par d’autres oubliés du système.
Le premier Emmanuel Macron, qui voulait redonner le lustre nécessaire à sa fonction, a pu faire croire qu’il était apte à relever un tel défi.
Le second, qui n’en finit plus de dégringoler de son piédestal, paraît autrement moins bien armé en ces temps de crise.
Devant un « nouveau monde » à bout de souffle, « l’ancien monde » aurait-il encore de l’avenir ?
On ne saurait raisonnablement écarter une telle hypothèse, tant ce même système, connu pour bien se défendre et mal gouverner, s’agite de plus en plus et en tous sens, ces temps derniers.
Tel un canard sans tête ?
Et puis il y a l’autre Emmanuel Macron, celui qui se rend, le 4 février 2019, à Évry, parler aux maires de banlieue. Et qui, devant des édiles soumis aux problèmes qu’on sait, affirme : « Nous sommes dans un monde de migrations. Je ne crois pas du tout aux gens qui font des murs, ça ne marche pas ! »
Ça, on le saura peut-être une fois qu’on aura laissé sa chance au concept. Il faut toujours laisser du temps au temps.
Ensuite : « Aujourd’hui, ça bouscule notre société, le phénomène migratoire ! » Vraiment ? Puis : « Nous sommes un pays qui a toujours été fait de migrations. On a toujours eu entre 10 % et 12 % de personnes issues de l’immigration.
Et à chaque fois, il y a eu les mêmes peurs. Les peurs qu’on a aujourd’hui avec les Subsahariens sont les mêmes qu’on avait à l’égard des Italiens ou des Polonais, il y a un demi-siècle, avec des violences absolument terribles et qu’on a progressivement réussi à intégrer. »
Pour les Polonais et les Italiens, c’est manifestement chose faite. Pour les autres, les « Subsahariens », cela paraît être un peu moins bien parti, non ?
Sans compter sur le fait que les mangeurs de risotto ne seront pas forcément ravis d’être amalgamés aux amateurs de kebab.
En l’intervalle, d’autres prétendent que cette immigration serait un bienfait économique. Certes. Mais si tel était le cas, pourquoi ne pas davantage ouvrir les vannes ? Si ça rapporte, pourquoi se priver ?
Encore qu’à propos de gros sous, le grand absent de la récente tournée présidentielle puisse évidemment demeurer Jean-François Borloo.
En 2018, ce dernier présentait à Emmanuel Macron un énième grand plan pour les « banlieues ».
Le gouffre, coûtant comme toujours « un pognon de dingue », fut sèchement recalé par l’Élysée.
Mais il s’agissait peut-être encore du Macron première manière, le jupitérien vertical, auquel Borloo avait répliqué :
« Mon sentiment, c’est qu’on est en train de remplacer le vieux monde des solidarités par le jeune monde des abandons de ceux qui ont besoin de la solidarité. »
Ce disant, Borloo ne parlerait-il pas le Macron dans le texte, tel ces gens du « vieux monde », persistant à estimer que chaque problème de société peut se résoudre par de seules subventions ?
Tout en voulant nous faire croire que l’insécurité civilisationnelle puisse tout aussi être soluble dans de simples lignes budgétaires, juste histoire d’être à la hauteur de cette « bonne gouvernance » si chère d’un Alain Minc assurant, naguère, qu’Emmanuel Macron demeurait un « pur produit du système », « système » qu’il entendait combattre par ailleurs ?
Ainsi, il y a des choses que l’argent ne saurait acheter, quoi qu’en pense un Jean-Louis Borloo, même si tombé en disgrâce.
On l’a constaté, de manière conjoncturelle, lors des émeutes des cités. On le constate plus encore, de façon structurelle, dans cette autre France, habitée par d’autres oubliés du système.
Le premier Emmanuel Macron, qui voulait redonner le lustre nécessaire à sa fonction, a pu faire croire qu’il était apte à relever un tel défi.
Le second, qui n’en finit plus de dégringoler de son piédestal, paraît autrement moins bien armé en ces temps de crise.
Devant un « nouveau monde » à bout de souffle, « l’ancien monde » aurait-il encore de l’avenir ?
On ne saurait raisonnablement écarter une telle hypothèse, tant ce même système, connu pour bien se défendre et mal gouverner, s’agite de plus en plus et en tous sens, ces temps derniers.
Tel un canard sans tête ?
Par Nicolas Gauthier
Tribune reprise de Boulevard Voltaire
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